Merci de mourir en règle
12 juillet, 2008
En ce moment, je m’occupe d’une patiente dont la mère est en train de mourir.
Comme elle ne veut pas mourir à l’hôpital, elle meurt chez elle, et les enfants se relaient à son chevet.
Elle (la mère), a le coeur qui flanche. Sérieusement.
Elle ne quitte plus sa chaise. Elle y vit, elle y mange (de moins en moins), elle y dort, aussi, parce que se coucher l’étouffe.
Elle a des jambes énormes, pleines d’eau qui finit par faire craqueler la peau. Régulièrement, sous la chaise, il faut passer la serpillère à cause de ces jambes qui ne sont plus étanches.
Elle (la fille), a le coeur qui flanche. Métaphoriquement.
Bizarrement, elle non plus ne dort plus très bien. Elle s’en veut de ne pas en faire plus, elle s’en veut de ne plus être assez disponible pour sa fille à elle, elle s’en veut de finir par espérer la mort. Et puis elle fatigue d’essayer de trouver une solution pour que sa mère arrête d’avoir si mal. Le cardiologue ne veut pas mettre les médicaments anti-douleur qui ne sont pas bon pour le coeur (sic), le généraliste renvoie à l’hôpital, l’hôpital renvoie au cardiologue.
Moi, la mère, je ne l’ai jamais vue, mais mon boulot c’est de m’occuper de sa fille.
Et je vois mal comment m’occuper de la fille sans m’occuper de la mère.
J’essaie donc de trouver un réseau de soins palliatifs à mettre sur le coup. Des médecins, des infirmiers, des assistantes sociales, des psychologues dont c’est précisément le boulot : permettre aux gens de mourir chez eux le plus tranquillement possible, sans douleur même si ça risque de déplaire au coeur qui flanche, parce que le coeur n’est justement plus au coeur du problème, et soutenir la famille qui flanche aussi.
J’appelle donc le réseau avec lequel j’ai l’habitude de travailler : c’est super pas leur secteur géographique, ils sont à l’autre bout du monde. Ils me donnent les coordonnées de leurs collègues du bon bout de monde.
J’appelle le réseau qui va bien, ils me disent que oui oui, c’est leur secteur, pas de problème. J’explique un peu ce que je sais de la situation, de la fille, des professionnels sur le coup, de la mère.
Aaaaaaaaaaaah mais oui mais non.
Insuffisance cardiaque terminale, vous dites ? Ah, non, eux ils font que les cancers. Pas eu les subventions pour se payer le luxe des autres maladies.
Ah mais j’appelle qui, alors, pour ma dame qui se meurt ?
Aaaaaaaaah, ils savent pas du tout. Truc ils font pas cet endroit là, Machin ils font que l’hôpital et Chose c’est pas le secteur non plus.
Donc j’ai rien, j’ai personne.
La dame, elle avait qu’à mourir d’un cancer comme tout le monde.
12 juillet, 2008 à 12 h 25 min
Analyser le jus de serpillère. Bien le diable si on y trouve pas une cellule douteuse. Au besoin, en rajouter.
12 juillet, 2008 à 12 h 26 min
Je jure que j’y ai pensé >_<
12 juillet, 2008 à 14 h 30 min
Par chez moi, chaque fois que j’ai voulu faire « jouer » un réseau, je me suis heurté à une lourdeur administrative incroyable, à croire que les gens qui bossent en réseau sont tous salariés et payés pour faire des réunions et surtout ne jamais approcher un malade, berk c’est sale.
Je fais donc comme les collègues, je suis mes fins de vie hors de tout réseau, avec l’infirmière.
Et pas besoin du cardiologue pour gérer une IC terminale, ni pour donner de la Sophodone lp…
Bon courage.
12 juillet, 2008 à 20 h 36 min
Dans mon département il est possible de faire démarrer une HAD du domicile. On n’est pas forcément obligé de passer par une hospitalisation. Ça permet de mieux gérer les problèmes de nursing, le suivi d’une perf, la gestion d’une sonde gastrique éventuelle, les antalgiques morphiniques si besoin et d’aborder au mieux la fin de vie… Ça soulage un peu la famille qui, même si elle est présente et dévouée, risque forcément de s’essouffler.
Courage, ce n’est pas facile de bouger les montagnes de la bureaucratie aveugle toute seule…
12 juillet, 2008 à 20 h 53 min
… si elle se meurt mets toi d’accord avec le cardiologue et mets lui les médicaments anti douleur …
comme ça une fois qu’elle sera morte la fille soudain se réveillera contre toi et te fera un procès pour assassinat
merci de continuer à nous faire rire
comme tu dis : elle n’avait qu’à mourir d’un cancer, la salope
12 juillet, 2008 à 21 h 06 min
… pas sympa ou cynique? Ou … n’a pas bien lu et n’a rien compris? Je suis peu réceptive à l’humour vache, et vous?
13 juillet, 2008 à 9 h 04 min
cynique, Pascale, cynique
Je suis peu réceptif à la compassion des infirmières
13 juillet, 2008 à 9 h 15 min
mais peut-être es-tu médecin, je ne sais plus, en ce cas au temps pour moi.
Je suis peu réceptif à la compassion paramédicale chez les médecins.
Et je suis désolé de te choquer, et les autres que j’ai choqués,c’est ddur la vie et la Mort c’est vraiment trop méchant bouuu :'(
13 juillet, 2008 à 10 h 08 min
Du cynisme ? OK
Je suis peut être trop sensible, façon « Petite Maison dans la Prairie » mais la souffrance des gens me touche toujours autant, même après quinze ans d’installation en médecine générale…
Et ce n’est pas de la « compassion » volée à l’une ou l’autre des professions paramédicales, c’est juste de l’humanité… Est-ce que ça penche dans le mièvre et la sensiblerie ? C’est peut être ce que peuvent voir certains, mais c’est ce que je ressens et je n’y peut pas grand-chose.
Parfois j’envie les « blindés du cœur », ceux qui peuvent rentrer chez eux en fermant la porte de leur cabinet et toutes les écoutilles de leur conscience ou de leur compassion avec… Je suis sûre que ceux là dorment mieux que moi parfois !
En lisant les textes de JADDO ou d’autres MG sur la toile et en côtoyant beaucoup de mes collègues et amis je vois que je ne suis pas seule à être un peu humaine je crois… Heureusement !
13 juillet, 2008 à 10 h 50 min
Si tu savais comme ce que je trouve le plus mièvre dans ce que tu as écrit c’est le tout dernier paragraphe. On se reparlera.
13 juillet, 2008 à 12 h 17 min
Ha! ça, c’est un sujet qui fâche on dirait…
entre l’obligation de moyen et non de résultat dont on nous rabâche les oreilles en faculté de médecine, il y a aussi me semble-t-il une place pour »l’accompagnement » qui doit osciller entre pragmatisme ( blindage ? ) et compassion (sensiblerie ? ) ou les deux à la fois; oui, la mort c’est dur… ( grande découverte ! ) et oui notre société a depuis longtemps occulté la fin de vie, relégué dans les services hospitaliers, au fil du temps devenu »spécialisés » dans ce domaine; plus de mort à domicile, c’est plus propre, plus compatible avec le boulot qui continue, les traites à payer et le »travailler plus … » qu’on nous serine; mais voila , la mort finit toujours par gagner, et c’est à chacun , le futur mort mais aussi son entourage , de l’affronter avec ses propres ressources, sa propre histoire.
Alors surement »…Dit » n’est pas médecin ( personne n’est parfait ) et a légitimement le droit de »Desproger » sur l’histoire de Jaddo, mais je crois qu’il faut laisser chacun s’arranger à sa manière pour supporter de cotoyer la mort et la douleur; si ça ce trouve, »…Dit » est un grand sensible pudique, dont le cynisme cache un petit coeur qui bat !
13 juillet, 2008 à 12 h 34 min
merci cardiologue de brousse, je n’aurais pas mieux dit…
c’est une constante, chaque blog a son lot de personnes aux commentaires parfois étranges…
13 juillet, 2008 à 13 h 18 min
Salut cardiodebrousse, je confirme, je suis médecin.
Merci cafgirl d’élever le débat en instaurant que « chaque blog a son lot de personnes aux commentaires parfois étranges » ( décryptage: ma pauvre )
13 juillet, 2008 à 13 h 22 min
cardiodebrousse ton allusion à la fac me fait penser à te suggérer d’essayer Un léopard sur le garrot, de notre confrère Rufin
13 juillet, 2008 à 13 h 24 min
C’est rigolo, les affaires de sensibilité personnelle…
Moi, par exemple, le « elle n’avait qu’à mourir d’un cancer la salope » ne m’a pas dérangé une seconde. Ca m’a fait rire.
Alors que « mièvre » et « ma pauvre », ça me dérange.
Allez comprendre….
13 juillet, 2008 à 13 h 26 min
Pascale, j’ai dit « on se reparlera » avec l’intention amicale de t’envoyer un message, mais plus tard car j’ai d’autres trucs à faire aujourd’hui
Bon vent sur le blog de jaddo you people, jadddoRrr son style
13 juillet, 2008 à 13 h 46 min
Oui Rrr, c’est rigolo les histoires de sensibilité personnelle. Au passage, « mièvre » m’a été permis par Pascale qui en a qualifié son commentaire, et c’est non pas la personne mais un de ses commentaires que j’en ai qualifié
Maintenant, forte de ton nouvel adage, tu vas pouvoir encore + interpréter tous les messages.
13 juillet, 2008 à 17 h 51 min
OK pour la discution avec « … » Comparer nos points de vue pourrait être intéressant! Pour ne pas emboliser le blog, Rrr peut lui transmettre mon adresse mail sans problème. A+ pour d’autres débats…
13 juillet, 2008 à 19 h 29 min
Bon ! deux scoops :
1) »… » est docteur lui aussi
2) et il a aussi un petit coeur qui bat
chouette !
on verifie l’adage qu’on peut rire de tout, mais peut-être pas avec n’importe qui ?
( je me rappelle Desproges, que j’adore et ai vu deux fois au Palais des glaces, commençant son pestacle par un » on me dit que des juifs se sont glissés dans la salle … » assez réfrigérant sur l’assistance
étonnant, non ?
13 juillet, 2008 à 22 h 51 min
j’aime beaucoup le « ma pauvre » …Dit
mon commentaire n’avait pas pour but d’élever le débat.
comme toi, je ne faisais qu’exprimer simplement mon point de vue et ne cherchais en aucun cas à te manquer de respect. j’ai trouvé l’ensemble de tes commentaires quelque peu étrange c’est tout. je ne vois pas où est le mal.
moi non plus le « elle avait qu’à mourir d’un cancer la salope » ne m’a pas choqué, c’est plus l’ensemble de tes propos que j’ai trouvé étrange. je dis étrange parce que je ne sais pas trop comment les qualifier autrement.
et oui c’est bien le problème d’internet, on peut tous exprimer nos points de vue mais alors tout ce qu’on dit est d’autant plus sujet à diverses interprétations puisque nous n’avons pas les gens en face et donc ce n’est pas un vrai dialogue et en plus on ne se connait pas.
bref.
tout ça n’est pas très grave.
j’ai de la compassion pour cette famille et toutes les autres qui ont à passer par ce genre de situation.
13 juillet, 2008 à 23 h 32 min
absurdement réel ou réellement absurde ?
mourir c’est vieux comme le monde et ce n’est pas moderne.
et la serpillère est le détail qui tue.
CQFD.
14 juillet, 2008 à 10 h 53 min
Ton histoire est touchante est vraie…
J’ai eu le même souci il n’y a pas si longtemps avec ma grand-mère (qui avait bien un cancer mais ne mourait pas de ça (comme quoi l’analyse du liquide de serpillière n’aiderait peut-être pas tant ;)))… Mon grand-père s’épuisait à s’en occuper, et il n’avait pas beaucoup d’aide (nous on tentait de les aider, mais ils ne voulaient pas quitter leur appartement qui n’accueillait pas beaucoup plus qu’eux, donc difficile d’être beaucoup là, surtout la nuit).
Le souci n’était pas contre absolument pas financier, même s’il n’ont jamais été millionnaires…
Ils ont fini par engager une étudiante en médecine, pas encore externe (D1 je crois). Ces fou ce que c’est bien ces petites bêtes : pas un boulot monstre, donc le temps de s’occuper d’autres personnes, la volonté aussi, parce que à la base ça veut être médecin et que dans une promo de 130, y en a bien une bonne moitié qui veut vraiment le faire pour s’occuper des gens qui meurent (soigner, pas guérir, quoi), et en plus ça coûte pas très cher…
Bon, à part ça, si le souci est médical (l’histoire des médocs anti-douleur et du cardio, ça me semble ahurissant !), ou financier (je n’y connais pas encore assez en SIADH ou autres aides à initiales), je crois que ma petite expérience va être vite dépassée et donc s’arrêter là…
Bon courage.
14 juillet, 2008 à 19 h 30 min
comme vu plus haut, je confirme, hélas, que les réseaux font souvent de belles réunions mais doivent manquer de moyens sinon je comprendrais pas pourquoi il faut qd même le plus souvent se debrouiller avec les IDE qui ne comptent pas leurs heures. elles.
En tout cas, beaucoup communiquer aves les proches s’assurer qu’ils comprennent… et être disponible. le fond de ton blog me fait penser que tu t’en tireras hyper bien!!
16 juillet, 2008 à 18 h 46 min
Moi j’ai la même en couleur en ce moment à l’hôpital local où je sévis. Elle est à mi chemin entre la géronto et la psy, et personne n’en veut, les psy parce qu’ils ne savent pas gérer une perfusion, les gériatres parce qu’elle relève de sismothérapie.
Et j’en fais quoi, moi?
19 juillet, 2008 à 22 h 34 min
« Mourir cela n’est rien
Mourir, la belle affaire
Mais vieillir, ô, vieillir »
Eh oui, où est la place des vieux ? Personnellement, j’ai pas trouvé la solution idéale pour les miens et je me suis contentée et me contente encore de faire pour le « moins mal » même si cela ne m’empêche pas de ne pas trop bien dormir certaines nuits non plus. (sorry pour les multiples négations)
21 juillet, 2008 à 16 h 00 min
moi j’vous dis.
Au lieu des réseaux et de toutes ces usines à gaz qu’on nous impose de plus en plus, restent le généraliste et l’infirmière du quartier, capables de gérer la globalité de ces problèmes courants.
moi je dis…
22 juillet, 2008 à 8 h 37 min
Ah mais (en esperant ne pas etre trop hors sujet) le generaliste soit, mais l’infirmiere est chose rare et … difficile de la convaincre de venir en campagne.
Je parle meme pas d’une aide soignante car il me reste a decouvrir si une telle persone myrifique existe hors hopital….
T vieux, t senile et dement, tu souffre… va a l’hopital, y a pas de lits, y a pas de personel mais c’est le seul choix.
(ok je suis un peu aigrie aujourd’hui… desolee je sors :-))
22 juillet, 2008 à 13 h 36 min
Pas beaucoup de nouveau billets… On s’ennuie des textes de « Rrr ».
J’ai retrouvé dans mes ecrits un truc qui date de quelques années. Et je m’en souviens comme d’hier: Le décès d’une mamie que j’aimais bien, dans le même contexte que la grand mère du texte précédent…
Ça donne ça:
« Je vois la mère depuis quelques mois. J’ai pris la suite du Dr C. car sa fille ne pouvait plus la supporter… Je ne sais pas bien pourquoi, j’ai cru comprendre qu’elle n’était pas très gentille, pas très aimable, pas très contente de venir voir la mère tous les mois à son domicile… C’est vrai que ça devait lui faire un peu loin au Dr C…
La maman souffre d’une insuffisance cardiaque. Environ quatre-vingt dix ans, bon pied bon œil, sauf le cœur et le souffle aussi. Oxygène au masque la nuit, plein de médicaments pour la tension, pour l’eau dans les poumons, pour l’eau dans les jambes qui coule et qui fait souffrir…
La fille est pénible, la maman est gentille. La fille voudrait un miracle. Je ne sais pas faire ça. Je me sens en échec à chaque fois que je viens en visite, avec la fille qui demande toujours plus, je n’aime pas ça. Elles habitent à deux cents mètres du cabinet et si je renouvelle le traitement tous les mois, je viens une fois par semaine. Ça roule depuis quelques temps comme ça.
Un samedi matin, alors que je consulte, la secrétaire me passe un appel angoissé :
« Ma mère va très mal, elle a du mal à respirer, venez vite ! »
Je viens vite ! Je plante là ma consultation, je préviens que je reviens dès que possible, je demande de la patience. Et j’y vais. A pieds car c’est pas très loin et ça ira plus vite que d’aller chercher la voiture, de faire le tour du pâté de maison avec, de se garer. Je prends ma sacoche de docteur et je me dépêche, je cours même.
J’arrive essoufflée, ma grosse mallette inutile à la main. Je sonne. La fille m’ouvre avec le sourire, pimpante, rassurée de me voir :
« Je vous ai peut être venir pour rien Docteur, mais j’ai eu l’impression qu’elle avait plus de mal à respirer ce matin que d’habitude… »
Je ronchonne, elle a toujours du mal à respirer !
« Vous exagérez quand même ! J’ai dû quitter le cabinet en courant ! »
Je vais voir la mère, elle est au lit.
Effectivement… elle n’a plus du tout de mal à respirer… Elle ne respire plus du tout en fait ! Elle a des mouvements un peu spasmodiques, elle gaspe. Elle a les yeux ouverts et un peu absents bien qu’elle me regarde. Elle n’a pas l’air de souffrir. Pas de tension prenable, pas de pouls palpable. Elle meurt…
Un instant seulement je me suis dit :
« Qu’est ce que je fais ? Je masse ? Je fais le bouche-à-bouche ? J’appelle le SAMU ? »
Bref instant de solitude… Décision rapide, je ne fais rien. Je regarde la fille qui ne s’est pas approchée, qui est encore sur le pas de la porte de la chambre comme si elle avait peur de quelque chose, comme si la mort allait sauter sur elle. Je m’approche :
« Votre maman est en train de mourir doucement, allez lui dire au revoir… Prenez lui la main… C’est maintenant qu’il faut le faire.»
Elle me regarde, effrayée :
« Je ne peux pas, allez y vous ! »
Fallait il que quelqu’un d’inconnu accompagne la mourante pour ce dernier voyage là ? Je sais qu’elle va probablement regretter ce geste qu’elle n’aura pas fait et j’insiste un peu. Mais elle est affolée, elle ne veut pas, elle ne peut pas le faire.
Alors je retourne au lit et je m’assoie près de la grand-mère qui me regarde encore. Je prends ses mains dans les miennes et je les serre doucement. Je lui dis seulement:
« N’ayez pas peur, ça va aller. N’ayez pas peur, c’est le moment… »
Elle s’est éteinte. La mydriase est apparue très vite et j’ai refermé ses paupières. J’ai mis ses deux mains l’une sur l’autre, posées sur son ventre. J’ai arrangé l’oreiller, j’ai remonté un peu la couverture et je suis allée chercher la fille qui pleurait, toujours paralysée sur le pas de la porte. Je l’ai prise par l’épaule en lui disant que c’était fini, qu’elle pouvait s’approcher. Je l’ai accompagnée près du lit et elle est venue regarder sa mère.
Quelques minutes de flou toutes les trois dans cette chambre. Pas un mot, juste le poids des larmes de la fille qui coulent. Enfin je suis sortie et j’ai établi le certificat de décès sur la table de la cuisine en tirant la porte sur moi discrètement. J’espère que la fille a réussi à embrasser sa mère tandis qu’elle était encore chaude, qu’elle lui a dit « au revoir » dans l’intimité retrouvée de cette chambre. Peu après, elle est venue me rejoindre et elle m’a remerciée. De quoi vraiment ? Je me suis excusée : Comme elle avait bien fait de m’appeler ! Comme j’avais eu tort de ronchonner en rentrant ! J’étais MAL d’avoir réagit ainsi en arrivant, MAL de n’avoir rien pu (rien su ?) faire.
« Ça va aller ? Savez vous quoi faire maintenant ? Savez vous qui appeler pour le corps ? Avez-vous des amis, de la famille pour ne pas rester seule avec votre maman maintenant ? »
Elle me dit que oui, elle me remercie encore. J’ai l’impression de ne pas avoir mérité sa gratitude, l’impression d’avoir tourné dans un mauvais film, façon « Petite maison dans la prairie », d’avoir joué sur la fibre sentimentale, de ne pas avoir tenu mon rôle de médecin. Et je lui en veux de ne pas avoir saisi la dernière opportunité de dire adieu à sa mère, cette dernière possibilité de vie que beaucoup regrettent de ne pas avoir eu…
Moi, j’ai eu mon chèque… Une honte de plus… Je suis retournée plus lentement qu’à l’aller jusqu’à mon cabinet où j’ai terminé la matinée de consultation mécaniquement.
Je n’ai plus jamais revu la fille ni eu de nouvelles d’elle. Elle a rapidement vendu la maison de sa mère et elle est repartie en Bretagne où elle avait ses enfants. C’était il y a des années, peut être cinq… Je me souviens encore des détails du papier peint de la chambre et du regard de la grand-mère qui se voilait tandis qu’elle partait avec ses mains dans les miennes. »
20 août, 2008 à 0 h 26 min
…savoir dire que c’est la fin c’est déjà beaucoup…
20 août, 2008 à 1 h 21 min
… c’est comme jouer du piano debout…
20 août, 2008 à 1 h 23 min
Sel, comment on peut écrire un truc aussi bête ??
( oui oui je sais … je suis méchant et je suis con … )
21 août, 2008 à 15 h 06 min
bravo pour votre blog que je lis régulièrement; me donnez vous l’autorisation (bien sur je vous citerai avec l’adresse de votre blog ) pour utiliser ce cas pour un cours pour les D1 à Paris Descartes ? si vous êtes d’accord j’aurais quelques précisions à vous demander
22 août, 2008 à 12 h 03 min
Ce post m’a rappelé cette histoire…un médecin généraliste est au chevet de sa mère dans une maison de retraite….cette très vieille dame décline doucement…ne mange presque plus , ne le veut plus , boire est un combat de chaque instant…c’est le refus , la fin …et bien sûr , a quelques antécédents ….de son âge et un diabète …Et voilà qu’en ce jour de visite ,e lle dit à son fils (50 ans environ) … »tu sais , j’ai envie de macarons , ceux à la cannelle. » Gros yeux du fils « mais Maman , ton diabère …. ».Gros yeux de l’infirmière au fils lorsqu’il sort de la chambre… »Est-ce bien raisonnable d’être si raisonnable ? » Instants de doute et de confrontation, le fils qu’il est fait face au docteur qu’il est…sa mère va mourir , il le sait….Le Docteur abdique « J’appelle ma femme , elle est à Zürich , ce soir je reviens avec les macarons! »
« Qu’est-ce qu’elle aime boire ? ».Il sourit… »elle adorait le champagne » Je souris aussi « C’est bon , dit-il, j’ai compris »
Et voilà comment un certain soir …une vieille dame mourrante à savourer des « miettes de macarons et but quelques gouttes de champagne avec son fils avant de partir faire le grand voyage quelques jours plus tard…
22 août, 2008 à 13 h 06 min
Horreur y’a plein de fautes d’orthographe…a savouré et bu (oui oui mais où avais-je la t^te pour passer à la trappe mes participes passés…
12 mars, 2011 à 22 h 49 min
Mais non, vous êtes trop bêtes !!! Faut qu’elle déménage dans une ville couverte par la sectorisation d’une association qui s’occupe des problèmes cardiaques !!!
26 janvier, 2012 à 22 h 51 min
Salut !
Je suis en DCEM1 et ce matin, surprise, en cours, un médecin commence à nous parler d’un cas qui n’est apparemment pas le sien, en « langage médecine » puis en lisant un texte en « langage normal ».
Je me dis que tiens, ça ressemble à un truc que jaddo aurait pu écrire… Et effectivement, c’était bien ça. Au final on a même eu l’épilogue de cette histoire, ça m’a donné envie de relire ton blog.
Bref, grande fan =) De tant en tant, à l’hosto, il m’arrive de me dire, que c’est comme sur le blog de jaddo…
À plus !