Interrogatoire, mon amour…
22 juillet, 2008
Me voilà donc externe, toujours avec mes couettes et mes tâches de rousseur, mon petit calepin et ma langue sortie pendant que je note avec application tout ce que je peux noter comme antécédents.
J’ai ma jolie blouse blanche et mon stétho autour du cou, histoire d’essayer de faire un peu oublier mes couettes. Je joue la grande. Mmm oui, quel âge, quelles opérations, quels antécédents, racontez-moi un peu….
Et soudain, c’est le drame.
– Ah oui, et puis j’ai eu un iriripelle aussi !
– Heuuu… Pardon ?
– Un nhérésépel, à ma jambe gauche !
– Mmm. Pardon, mais un quoi ?
– Bin un hérésie-pelle, quoi !
– Ahaha, excusez-moi, je n’ai pas bien entendu ce que vous disiez…
– Un né-ré-si-pel !
– Heuuu… Et vous écrivez ça comment ?
Je n’ai pas trouvé le moyen de m’en sortir. Réduite à demander à la patiente de m’épeler le machin.
Adieu blouse blanche, stéthoscope, calepin, vaches et cochons.
Les couettes, le retour en force.
Aujourd’hui encore, je suis obligée de regarder A CHAQUE FOIS si on dit érésypèle ou érysipèle.
Pourtant c’est un joli mot, tout doux. On dirait « kyrielle », en presque mieux.
« Kyrielle », qui était mon mot préféré quand j’étais petite et que je faisais collection de mots (Ouais, je faisais collection de mots. Et toc. J’avais des jolis mots que j’écrivais sur des petits papiers et que je rangeais dans une jolie boîte en bois avec de la lavande.)
Dix minutes après, j’essaie de retrouver ma contenance dans le box d’à côté.
Je suis grande, je suis savante, je suis forte, je n’ai même pas de couettes.
J’explique au type qui vient de faire un presque-infarctus ce qui lui est arrivé.
Alors les artères, le sang, le coeur, toussa, et le piti caillot qui se forme dans une pitite artère et qui vient la boucher-pas-tout-à-fait-mais-presque, et le sang qui n’arrive plus à passer pour nourrir le coeur, qui essaie de pousser avec ses-petits-bras-de-sang le méchant caillot, et le coeur qu’il a bobo à cause qu’il est pas bien nourri.
Le gars, il a attendu la toute toute fin, quand j’en étais presque à mimer le méchant caillot avec les joues gonflées et les bras en arc-de-cercle autour de la tête, pour me dire : « Oui, vous savez, je suis médecin… »
Ok.
Allez tous mourir.
Je vais partir m’enterrer vivante avec mes couettes et mon calepin, dans une jolie boîte en bois avec de la lavande.
22 juillet, 2008 à 23 h 52 min
JaddoRrr Jaddo
Suis de garde ce soir et ai failli me pisser dessus de rire sur la chute de ton histoire
mmmmmmmmMMMMMoooouUUUUUUUAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHAHAHAHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA :D:D:D:D:D !!!mimer le MECHANT caillot !!! :D:D:D:D:D:D:D
23 juillet, 2008 à 0 h 09 min
ahhahahahah
ça fait du bien un peu de fraîcheur!!
merci!
23 juillet, 2008 à 6 h 35 min
Et sinon comment on appelle le cri de l’infarctus ?
Et un infarctus femelle ça se dit comment ?
23 juillet, 2008 à 11 h 49 min
Contrairement à ce que tu écrit, tu es une excellente dermato car je me suis marré pendant toute la lecture de tes récits et c’est très bon pour mon pso qui titre la gueule.
Pour les interrogatoires c’est trop vrai, les toubibs trop souvent restent sur leur diagnostic et ne fouinent que très peu sur l’intégralité de ta situation.
Merci de continuer
Psoé
23 juillet, 2008 à 12 h 18 min
Oh oui oh oui, on peut avoir une vidéo du Méchant Caillot ?
23 juillet, 2008 à 13 h 45 min
approche trés personnelle du presque »infractus »qui m’a écrouler de rire !
je tenterai de m’en inspirer lors ma prochaine garde; dans ma campagne à moi, à la question de mes patients … » Docteur c’est quoi – au juste- l’angine de poitrine ? » la réponse »comme la crampe du mollet…mais en plusss grave… » les éclaire grandement !
les seuls qui font la gueule sont les enseignants, mais ça c’est habituel…
23 juillet, 2008 à 15 h 18 min
Mort de rire…
N’empêche que ça me fait penser à ce gentil médecin qui m’a décrit ce qui allait m’arriver pour ma ligamentoplastie de la cheville. Avec Kiki, l’ours en peluche du service, et un petit mime pour le bandage à la patte. J’avais 16 ans. Ben je n’ai pas osé l’interrompre et je l’ai laissé faire son speech.
23 juillet, 2008 à 22 h 46 min
Excellentissime…
J’aimerai bien un schéma de la gestuelle du caillot dans la coronaire… :-)
en attendant, pour comprendre l’ecg, une vidéo bien utile !!
http://fr.youtube.com/watch?v=dfRMcbWRMhM&feature=related
24 juillet, 2008 à 10 h 01 min
bRrravo pour ce papier. Mais comme médecin, j’aime bien aussi qu’on m’explique les choses avec des mots normaux quand je vais me faire trépaner ou qu’on m’ablationne une hernie crutale.
merci Guillaume pour tes trouvailles, celle là vaut son pesant de cacahouètes
25 juillet, 2008 à 11 h 09 min
Un moyen mnémotechnique pour l’érysipèle, c’est la racine grecque « ery », parce que c’est tout rouge, comme l’erythrocyte et l’érythème.
En revanche, pour la broccolite du nourrisson, ça devrait être bête comme chou, mais je trouve pas…
25 juillet, 2008 à 11 h 21 min
Le rappel de rythmo prescrit par Guillaume, c’est à se pisser dessus, j’espère qu’ils ne m’ont pas entendu depuis la salle d’attente!
25 juillet, 2008 à 12 h 00 min
Ahahah, mon dieu c’est vrai que cette vidéo est fabuleuse ^^
Ne vous laissez pas décourager par l’absence de son, c’est normal.
Et je ne sais VRAIMENT pas comment j’ai fait pour ne jamais penser à « ery ». Je crois que je trouve vraiment que « érésypèle », ça sonne mieux.
Merci à tous de vos commentaires savoureux.
J’adore « ma » communauté de lecteurs :)
25 juillet, 2008 à 13 h 58 min
bravo pour la vidéo !!! une vraie trouvaille et une vraie perle!
je confirme: je me suis pissé dessus ( mais je commence à viellir aussi )
j’étais curieux de voir l’hémibloc antérieur gauche, et j’avoue ne pas avoir été déçu…
ça mérite un ( mini ) Nobel de médecine au moins!
25 juillet, 2008 à 16 h 47 min
Pour l’éry / erésy / erési qui pèle, pas de stress, tu peux sans aucune culpabilité orthographique tout écrire, en voici pour preuve l’article correspondant du « trésor de la langue française » (avec pour ceux que cela intéresse l’évolution du mot)
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?29;s=16757070;r=2;nat=;sol=0;
31 décembre, 2008 à 23 h 40 min
Et dire que j’aurais pu me passionner pour la cardio avec un cours aussi désopilant que celui du bon Docteur en blouse blanche…
Je m’en retournerai donc relire Desproges
12 août, 2009 à 22 h 34 min
mdrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr!!!!
alala,ca fait trop du bien de rire comme ca!!
merci!
21 décembre, 2009 à 16 h 01 min
« Et personne ne comprenait le sens de ces cadavres exquis. »
15 octobre, 2011 à 18 h 09 min
« (Ouais, je faisais collection de mots. Et toc. J’avais des jolis mots que j’écrivais sur des petits papiers et que je rangeais dans une jolie boîte en bois avec de la lavande.) »
Comme dans le livre pour enfants avec la petite souris qui fait la collection de mots (jolis, mignons, petits, grands, gros…) ?
5 février, 2012 à 1 h 00 min
Pour un toubib, j’ai beaucoup pratiqué les urgences côté client. franchement, je me plaindrais plutôt de l’absence de dialogue que de la simplicité de l’explication de l’interne qui prend un peu de temps pour instiller de l’humain dans l’arène.
En vieillissant et en vivant maintenant dans un département de 300 000 habitants seulement, j’ai plus de mal à débarqué incognito.
19 septembre, 2013 à 18 h 30 min
Héhé, ça me fait penser à mes séances de prépa à la naissance avec une SF libérale… Elle était au courant pourtant.
« Vous savez quand est-ce qu’on fait une épisiotomie ?
– Ben, quand il y a un risque de déchirure du noyau fibreux central !
– … mais oui, c’est évident ! »
(pour le coup, c’est l’homme qui était largué :D )