Le syndrome d’Under-Woman
23 mai, 2011
Ça pue la gitane sans filtre jusque dans le couloir.
Je suis fumeuse ; mon propre appart sent la clope froide en permanence, je suis un peu rodée. Mais là, même moi qui n’suis pas aussi chicandière, j’ai eu quelques secondes de suffocation en franchissant la porte.
C’est Madame qui m’ouvre. J’aperçois son sourire à travers le nuage de fumée, elle me tend une main décidée, elle m’invite à la suivre au salon qu’elle rejoint en boitillant d’un pas ferme. C’est le genre de femme à boiter d’un pas ferme.
Figé dans son fauteuil, Monsieur regarde par la fenêtre quand j’arrive. Il est en pyjama, il tient une canne dans la main. Je ne sais pas trop à quoi sert la canne, étant donné l’urinoir posé au sol et les débris alimentaires autour du fauteuil. Il est aussi sec qu’elle est ronde, blanc comme sa gitane qu’il finit par écraser dans le cendrier de la table basse. Il me serre la main en me jaugeant du regard. J’ai l’impression d’être un représentant qui vient lui vendre une encyclopédie dont il se cogne. Il marmonne une réponse à mon bonjour, puis tourne la tête à nouveau vers la fenêtre.
Madame s’assied à la table, joviale, face à son cendrier à elle.
La table ressemble aux tables des gens qui attendent la visite du médecin : des tas d’ordonnances empilées, un ou deux dossiers cartonnés, des enveloppes, un chéquier, deux cartes vitales, quelques boîtes de médicaments.
Il est difficile d’expliquer à quelle vitesse et sur quels indices on se fait une idée des choses et des situations.
Ça fait deux minutes que je suis là et j’ai déjà mon schéma en tête : lui, AOMI qui emmerde les médecins et que les médecins emmerdent, stade « du lit au fauteuil » , proche du stade « et puis du lit au lit », peut-être cancer.
Elle, au moins aussi malade que lui mais ne peut pas se permettre de boiter.
Tous les deux mal et peu suivis.
L’historique brouillonne que j’arrive à reconstituer avec Madame me confirme mes préjugés. Suivis par le Dr Carotte depuis très peu, puisqu’ils viennent d’arriver ici et qu’ils avaient un autre médecin là-bas.
Sur l’ordonnance de monsieur, du Symbicort qu’il ne prend pas, du Doliprane qu’il ne prend pas parce que « Ça ou rien c’est deux fois rien » , du Renutryl qu’il prend quand Madame le force, « parce qu’en dehors de ça il mange rien Docteur. »
C’est une ordonnance bien courte au vu de la gueule de Monsieur.
Bien courte aussi au vu de la gueule de ses dernières analyses biologiques, avec notamment une Hb glyquée à deux chiffres.
« Ah oui, il a été diabétique un moment, me dit Madame, il prenait du Glucor mais là il en prend plus le médecin avait dit que c’était plus la peine. Moi je suis diabétique, mais lui il l’était plus normalement. C’est moi, le diabète. »
Monsieur se laisse examiner de mauvaise grâce et répond monosyllabiquement à une question sur deux, me permettant de confirmer au moins l’AOMI, la BPCO et le rythme très espacé des toilettes.
La tension est correcte, parce qu’il faut bien sauver quelque chose.
Quand je retourne m’asseoir à la place qui m’a été attribuée autour de la table, il se tourne à nouveau vers la fenêtre et rallume une gitane. Ok. Marchons sur des œufs.
Parce que j’ai besoin de plus de temps pour décider de ce que je vais essayer de faire de tout ça, je passe à Madame.
Les analyses de Madame sont du même acabit, avec un diabète super déséquilibré, un cholestérol indécent.
Une ordonnance plus traditionnelle néanmoins, avec un peu plus de lignes. Elle fait ses piqûres d’insuline toute seule, mais le Glucophage elle a arrêté parce que ça lui chamboulait tout là d’dans.
Je lui demande si elle m’a fait venir uniquement pour le renouvellement, si tout va bien par ailleurs, si elle ne se plaint de rien.
« Ah si jvoulais vous montrer quelque chose » , elle dit.
Elle m’entraîne dans la chambre, elle s’allonge, elle remonte sa robe, elle baisse sa couche. Elle m’explique au passage qu’elle a des fuites depuis un moment, alors elle a acheté des couches. Ça ne semble pas lui poser de gros problème. Elle a des fuites, elle mets des couches, histoire réglée.
« Ça fait un moment, j’ai comme un abcès à l’aine, j’avais déjà eu ça mais là ça revient pis jme suis dit que ça allait partir mais ça part pas » , dit-elle en soulevant les fesses et en tirant la couche à ses chevilles.
L’odeur de la gitane ne masque pas celle du pus et de la macération. Effectivement, oui, y a comme un abcès.
Ça ressemble à une maladie de Verneuil, tellement y a comme un abcès. (Note aux lecteurs non médecins qui s’apprêtent à taper « Maladie de Verneuil » dans Google Image : attention ces images peuvent choquer.) C’est fistulisé de partout, ça s’étend sur tout le pli inguinal, ça suinte, c’est gonflé, c’est rouge, ça sent terriblement mauvais.
« Alors j’ai mis du Dakin pour désinfecter mais j’ai pas l’impression que ça s’arrange beaucoup. »
Tu m’étonnes qu’elle boite.
La résistance de la machine humaine et la tolérance des gens face aux transformations de leurs corps ne laissent pas de m’impressionner.
Bon. Donc, c’est Beyrouth.
On pourrait les hospitaliser quatre fois chacun.
Il faudrait tout reprendre, lancer des tas de médicaments pour monsieur, faire des tonnes d’examens, ré-adapter tout le traitement de madame, probablement l’opérer.
Bin j’ai fait rien.
Quasi rien. Un peu bougé le traitement de Madame, lancé des antibios et des soins locaux, renouvelé le Renutryl de Monsieur, serré les mains et suis partie.
Parce que je me méfie du syndrome de Wonder Woman.
La jeune médecin qui débarque, tourbillonne dans une jolie tornade, sort son lasso doré pour taper sur les doigts de Monsieur parce qu’il faut absolument arrêter de fumer parce que c’est pas possible et que ça lui pourrit les artères, et qu’il faut prendre des médicaments pour le diabète, et qu’il faut prendre son Symbicort parce que c’est pas bien de pas le prendre et que d’ailleurs depuis combien de temps il a pas vu un pneumologue pour ses poumons et qu’il a pas fait un doppler.
Parce que je ne comprenais pas tout de la situation, qui existait bien avant que je ne vienne poser ma mini-jupe rouge sur cette chaise sale.
Parce que peut-être, par exemple, que Monsieur a aussi un cancer du poumon et que les précédents médecins ont jugé préférable de lui foutre la paix.
Parce qu’un type qui a fumé trois gitanes sous mon nez pendant les 50 minutes de ma présence chez lui n’a probablement pas attendu que je surgisse dans sa vie pour lui apprendre que fumer c’est trop mal.
Parce que ce type-là, il va sans doute falloir négocier en douceur le moindre médicament supplémentaire sur son ordonnance si on veut avoir une toute petite chance qu’il le prenne.
Parce qu’il y a forcément une raison à cette sous-médicalisation à outrance, qu’il va falloir la comprendre pour essayer de rouler avec.
Parce qu’on n’est pas à une semaine près, parce qu’on ne change pas les choses d’un coup de baguette magique aussi enthousiaste soit-il.
Parce que ces gens ne me demandaient rien et ne se plaignaient de rien.
J’ai fait mon Under Woman.
J’ai cru lire dans l’œil de Monsieur un poil d’intérêt et un poil de respect quand il a vu que je ne poussais pas des hauts cris et que je ne le sermonnais pas. J’ai eu l’impression de partir en ayant posé de bonnes bases pour pouvoir peut-être commencer à faire un peu de médecine à la visite suivante.
Et le bon équilibre, ce qu’il aurait fallu faire, jusqu’où il aurait fallu bousculer les choses, franchement, je ne sais pas.
Peut-être que j’ai pris cette décision aussi un peu parce qu’elle était plus facile et plus confortable pour moi.
Peut-être j’ai voulu faire ma frimeuse à la je-vais-vous-montrer-que-je-suis-pas-comme-les-autres-médecins-et-que-moi-je-vous-respecte-et-vous-allez-voir-un-peu-comme-je-suis-la-reine-de-l’établissement-du-lien-de-confiance.
Peut-être que je me suis trouvé de bonnes raisons de ne pas savoir quoi faire, que j’ai collé un alibi à mes couettes.
Peut-être que l’argument « Oui non mais je sais qu’il est mort Msieur l’Juge, mais vous comprenez j’ai pas voulu le bousculer avec sa gueule de non-compliant… » n’est pas super solide.
La semaine dernière, j’ai réussi à ajouter un antidiabétique, de l’aspirine et un antalgique sur l’ordonnance de monsieur, avec moultes précautions oratoires.
A un moment, quand j’expliquais ce que je proposais d’ajouter et pourquoi, il a brandi sa canne pour me menacer avec, mais son œil souriait. On verra bien comment ça va se passer.
Elle, son pli inguinal ne s’était pas franchement amélioré. Elle m’a appris entre deux phrases sur autre chose qu’on lui avait « enlevé un naevus à cet endroit-là il y a quelques années ». Je n’aime pas bien ça.
A la prochaine étape, il va sans doute falloir quand même finir par hospitaliser Madame, et gérer la situation de Monsieur qui ne peut pas rester seul à la maison.
Ils m’ont demandé si ça pouvait attendre leur retour de vacances, ils partent dans le sud pour voir leurs enfants et leur nouveau petit-fils.
J’ai dit oui.
Je ne sais pas si j’ai bien fait et j’ai la frousse.
23 mai, 2011 à 16 h 32 min
Je confirme : j’ai tapé sur Google « maladie de verneuil » et j’ai décidé d’aller prendre l’air 5 min…
23 mai, 2011 à 16 h 42 min
Qqch comme ça ? http://www.youtube.com/watch?v=KcK8_QszUp4&feature=fvwrel
Edit de Jaddo : Attention à la vidéo, images très choquantes.
23 mai, 2011 à 16 h 42 min
Fille de patient, petite-fille de patients TRES récalcitrants, je ne peux qu’approuver votre manière de faire.
J’admire votre courage, j’admire votre capacité à observer vos patients et leurs besoins, leurs limites et ce, dans leur unique intérêt alors qu’il serait effectivement beaucoup plus simple de leur prescrire une nouvelle ordonnance et/ou une hospitalisation d’office, sans prendre le temps de savoir, de connaître, de juger au mieux.
Je me dis que mes grands-parents iraient sûrement mieux si leur médecin prenait ce temps et leur proposait des solutions adaptées en prenant le temps de leur expliquer pourquoi. Les personnes âgées (mais pas qu’elles, d’ailleurs) ont une routine et des habitudes (et des préjugés) bien établies, difficiles de tout chambouler.
J’ai la chance d’être suivie par des spécialistes qui raisonnent comme vous, qui se renseignent et n’hésitent pas à se remettre en question quand ils se plantent ou quand ils ne savent pas. On ne m’a jamais menée en bateau ni menti. Quand il y a eu des erreurs, des approximations, je l’ai toujours su aussi (et je m’en rendais bien compte :) ).
Les trouver m’a demandé du temps et de l’énergie et mon seul regret est de ne pas avoir su trouver un médecin traitant comme eux, comme vous et certains de vos confrères qui officient aussi sur Internet.
Je sais que ce message n’enlève rien à cette peur au ventre, mais quelque soit l’issue… votre démarche aura été de les aider et non de leur nuire.
Enfin, tout cela est vu de ma fenêtre de patiente qui squatte les hostos et a vu de nombreux médecins ces dernières années :)
Vos confrères auront peut-être un tout autre avis, je ne suis pas vraiment la mieux placée pour parler! ;)
23 mai, 2011 à 16 h 42 min
On ne peut pas soigner les gens contre eux même. La pratique de la médecine apprend ça, si on ne se met pas des ornières. Tu as fait comme tu le sentais et manifestement dans l’histoire l’odorat est essentiel. Personne ne peux vraiment savoir ce qu’il aurait fait au moment où tu l’as fait et surtout pas moi, l’hospitalier qui joue toujours sur son terrain et jamais chez les gens. Parfois c’est ce qui nous manque voir le lieu de vie, parfois ça nous permettrait de comprendre pourquoi l’ordonnance parfaite n’est jamais prise.
C’est une chouette note, qui m’a rappelé mon enfance et les moults visites faites avec mes géniteurs.
Si je les vois débarquer pendant leurs vacances dans le sud à l’hôpital parce que la créatinine est haute, je me retiendrais de t’en vouloir ;-)
23 mai, 2011 à 16 h 45 min
Pour ce que ça vaut : Je n’aurai pas fait mieux.
Et puis j’ajoute quelque chose :
Alors comme ça, tu fais tes visites en « mini-jupe rouge » ?
23 mai, 2011 à 16 h 50 min
Encore et toujours cette écriture si vivante. J’adore ce style. Et j’admire encore un peu plus le médecin que vous êtes, et que d’autres certainement, sont aussi.
Et j’en ai plein d’autre à écrire, mais je m’arrête là, parce qu’au bout d’un moment, les louanges hein, ca va bien ;)
23 mai, 2011 à 16 h 57 min
Oups !
Pendant un court moment j’ai eu l’impression d’être sur mgclinique …
23 mai, 2011 à 17 h 01 min
D’après ce que tu décris, parvenir à installer une véritable hygiène, ce serait déjà un vrai progrès… Mon papa dit toujours, le premier médicament c’est le savon. Pas la peine de leur coller une liste longue comme le bras si celui là ne passe déjà pas. Par contre, clairement, ce serait chouette s’ils pouvaient avoir un accompagnement aussi au niveau social, mais c’est pas évident de ne pas tomber dans l’assistanat.
Chouette billet, merci!
23 mai, 2011 à 17 h 31 min
Je ne vois le dentiste qu’une fois par an, ça fait des années que j’ai pas vu un médecin, je ne mange pas 5 fruits et légumes par jour, je ne fais pas du sport régulièrement, je ne surveille pas mes grains de beauté, j’ai un peu de sporiasis mais je m’en fous, et parfois je me dis qu’avec tout ça, c’est pas très sérieux, faudrait que je fasse plus attention à ma santé quand même.
Et pourtant, apparemment, j’ai encore de la marge en terme d’indifférence à ma santé… on a beau savoir que ça existe, c’est toujours étrange de le lire de façon aussi claire.
23 mai, 2011 à 17 h 46 min
On ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif.
Un peu de chance, de temps, de mots rares mais choisis, et la soif viendra.
23 mai, 2011 à 17 h 49 min
C’est beau la vraie vie. Quand on lit ça, puis le programme Sophia de la sécu pour les diabétiques, où l’objectif est que le Raymond aille voir l’ophtalmo tous les ans, on touche mieux du doigt le caractère surréaliste de la télémédecine.
Non seulement tu as bien fait, mais tu l’as fait sans certitude, sans ce cynisme blasé qui ronge les vieux docteurs que plus rien n’étonne et dont la philosophie a tourné en paresse.
L’essentiel est de continuer à se demander ce que l’on pourrait faire de mieux que ce qu’on a fait. La fin de ton billet c’est du pur jaddo. Bisous.
23 mai, 2011 à 18 h 41 min
On a tous la frousse Jaddo dans des moments pareils et même avec « de la bouteille » comme moi (qui suis proche de la CARMF !). Et constater qu’avec tes couettes (et ta mini-jupe rouge !…), tu fais comme j’aurais probablement fait avec mon crâne dégarni ça me rend sacrément optimiste pour ton avenir.
23 mai, 2011 à 19 h 54 min
Jaddo ? J’adore !
23 mai, 2011 à 20 h 27 min
Peut-être la minijupe rouge fait-elle partie de la thérapie ? Les couettes, c’est sûr.
23 mai, 2011 à 20 h 48 min
Tu crois que quelqu’un a la réponse à ta question ? ;)
Il y a un risque à la stratégie d’Under-Woman, comme l’a souligné Dominique (et comme il l’a dit, je sais que ça ne risque pas d’être ton cas) : c’est qu’à force de se dire qu’on ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif, on s’installe dans la facilité et qu’on ne lui demande plus s’il a soif ou qu’on ne prenne même plus le temps de lui dire que ça pourrait être une bonne idée de boire.
J’ai trop vu des médecins blasés qui mettaient en avant la « responsabilité des patients » pour oublier la leur, de responsabilité.
Avancer pas à pas, gagner la confiance, cibler les priorités, céder sur l’accessoire, savoir modestement faire le choix de limiter les dégâts, l’équilibre est difficile.
Tant qu’on est capable de s’interroger comme tu le fais, c’est qu’on ne doit pas être trop loin de la vérité.
Et puis c’est vrai que, bien souvent, les gens sont incroyablement résistants.
23 mai, 2011 à 21 h 12 min
Finalement, vous saviez déjà que vous alliez essayer de lui prescrire son « traitement médical optimal »…
Je ne vois pas bien la continuité entre la première moitié du texte qui se pose un peu en « Peut-être que j’ai pris cette décision aussi un peu parce qu’elle était plus facile et plus confortable pour moi. » et la fin qui nous montre simplement, que vous ne l’avez fait que pour arriver à lui prescrire ce qu’il fallait.
Si vous n’aviez pas changé de ligne de conduite (ne rien lui prescrire), oui; là, on ne peut qu’approuver, non ?
Une question au passage, pourquoi fumez vous ?
Cordialement,
Un d4
23 mai, 2011 à 21 h 32 min
moi j’apprécie les liens vidéo, parce que je tente de me mettre au régime, j’ai toujours une fringale vers 21h30, mais là, ça va aller.
23 mai, 2011 à 21 h 49 min
Ecoute, ça me donne envie de te faire lire ça, Jaddo :
http://www.paradoxes.asso.fr/2010/10/le-paradoxe-en-medecine-generale/
Lise
23 mai, 2011 à 22 h 15 min
Ouch … C’est bien raconté,et ça me rappelle mes jeunes années et les remplacements en campagne.
Je suis d’accord, il faut d’abord les apprivoiser, et ensuite proposer des pistes, sinon ils ne te demanderont plus rien.
Bon courage pour la suite !!
23 mai, 2011 à 23 h 06 min
Deux billets en moins d’une semaine???? Wouahouh! Champagne! Euh non Champomy pour toi :-)
Bon sinon j’adore cette façon d’approcher les gens, de les respecter, d’entrer sur la pointe des pieds dans leur histoire (sur la pointe des pieds en minijupe rouge, ça c’est le détail qui tue!).
Et heu… le bouquin c’est bientôt?
23 mai, 2011 à 23 h 39 min
A lire ces lignes ainsi que les dernières (rares) notes de la dresseuse, je m’aperçois de la scandaleuse omission que personne ne signale: nous oublions de rendre hommage au médecin anonyme, héros du quotidien et dont tout le monde se fout.
N’y voyez aucun sarcasme, je le pense sincèrement. Comblons donc la lacune.
Merci.
Merci à toi, médecin ordinaire dont la mission essentielle est de raccrocher les wagons avant même de penser au soin. Merci de récupérer ces vies improbables, dont le fil ténu les raccrochant à la société humaine doit être conservé. Merci d’attraper ces oiseaux farouches et d’en tirer la quintessence. Merci de ta patience, de ton dévouement, toi qui imperceptiblement redonne le goût des responsabilités à ces gens qui ne s’en croient pas capables.
Merci de le faire intelligemment, sans brusquer les choses.
Merci Carotte, pour ouvrir ton monde à Jaddo et lui montrer qu’elle peut s’y épanouir. Merci de lui faire confiance car elle y fait du bon boulot.
Merci de corriger le tir s’il est parfois imprécis ou pas assez soutenu.
Dans ces situations compliquées dans lesquelles elle se fourre parfois (comme ici, ou alors comme l’autre jour au cabinet avec les motards), tu es le seul à avoir les mêmes cartes en main.
Fais en bon usage!
23 mai, 2011 à 23 h 53 min
@ Borée.
Je suis tout à fait d’accord avec toi. Mais je vais dire des choses en plus avec lesquelles tu peux ne pas être d’accord.
Je ne sais pas ce qui me gêne dans ce post.
Un cynisme bien pensant. Dans le style : comment me positionner avec adresse entre la médicalisation à outrance, le respect des valeurs et préférences (?) des patients et je m’enfoutisme absolu. Pour que jaddo se mette en valeur ? Car, après tout, ces patients, ils ont un médecin, le docteur Carotte, qu’est-ce qu’il en dit le docteur Carotte ? Pourquoi en sont-ils là ? Pourquoi n’a-t-il « rien » fait avant ? Jaddo en a-t-elle parlé avec lui ?
Dans des cas comme ceux-là il y a a) le remplaçant (et Jaddo a magnifiquement analysé le syndrome de ledocteurquivoittout ; b) le médecin traitant qui a un peu honte de lui-même en tant que médecin, honte de lui-même en tant qu’aidant non médecin (ce vieil humaniste qui dort en nous), honte de ne pas avoir encore alerté les services sociaux. J’ai eu, pendant un temps, des patients qui leur ressemblaient et, quand j’étais chez eux, incapable de m’asseoir ou de trouver un coin propre de toile cirée pour écrire, je n’avais qu’une envie : partir !
Si, je sais ce qui me gêne dans ce post, que vient faire la maladie de Verneuil dans cette affaire ? est-ce que jaddo voudrait nous dire aussi qu’elle est aussi bonne en médecine ? En 32 ans de médecine j’ai vu une malade qui m’a tendu sa maladie de Verneuil comme une bombe sur mon bureau mais cela ne m’avait pas impressionné.
24 mai, 2011 à 0 h 04 min
Hello
Ca m’arrive de passer par là, je lis en diagonale à mon habitude, relevant avec sourire les tournures de phrases bien senties et les expressions socio-dialectales qui, juxtaposées à cette jolie verve, font toujours leur effet.
Bref, voilà, j’ai lu et tout.
J’ai lu avec beaucoup de douleur et j’ai aussi senti cette pièce étouffant sous l’odeur des cigarettes enchainées.
Je me suis dit que je devais sûrement être « ce genre » de patients. Qui rechignent à aller affronter la vérité. Le « tout c’qui va pas ». On s’anesthésie dans un quotidien pas très confortable. Mais voilà, je ne veux pas faire l’effort de venir pour qu’on me balance à la gueule en plus, combien je me néglige. Après, la visite est aussi une démarche qui crierait : Allez, sauvez moi maintenant que je suis là. Hmm. Est-ce que quelqu’un est vraiment voué à me sauver? Non hein… Après c’est votre job de ne pas nous laisser croupir sous nos infections du laisser aller et si il y’a quelque chose à sauver dans notre corps détraqué par le passé et le pessimisme de pouvoir aller mieux, bah go for it !
Faire du mieux qu’on peux à chaque fois. Inexorablement. Je crois que c’est la condamnation de l’homme bon. C’est la pierre de Sisyphe quoi.
Bon salut, bisous.
24 mai, 2011 à 6 h 32 min
superwoman celle qui trouve l’intelligence de la situation la peche au gros patient : ferrer en douceur et garder le lien
24 mai, 2011 à 9 h 54 min
Lors d’un cours explorant la situation d’un patient a haut risque vasculaire, une des internes a fini sa présentation ( énumérant toutes les choses importantes à changer pour le patient (arreter le tabac , augmenter l’activité physique, manger moins de sel plus de poisson moins de viande sauf la blanche sans gras , moins de tout ce qui est gras et tout ce qui est sucré , diminuer l’alcool …) en disant qu’il fallait expliquer au patient que « dans la vie l’important c’est la santé ». Quand j’ai retourné cette dernière sentence au groupe en demandant à qui était cette représentation de « la vie » je les ai senti un peu décontenancé: si le docteur n’est pas là pour convaincre le patient que la santé est le bien le plus précieux et qu’en qualité de bon citoyen il lui appartenait de l’entretenir… ben a quoi y sert le docteur? Et puis une voix a osé aller contre le groupe en disant qu’il fallait peut être partir des représentations du patient : quel est son projet de vie ? A quelle place met il sa santé? qu’est il prêt a faire pour aller mieux? etc Donc d’accord avec la position de jaddo dont j’aime toujours autant la prose: on a la trouille parce qu’on sent bien que c’est pas le top comme prise en charge au vu de nos missions sacrées mais créer le lien et laisser l’autre choisir quelles sont ses priorités et puis faire avec lui/elle, ça me parait l’attitude d’un médecin éthique.Bonne journée à tous.
24 mai, 2011 à 10 h 02 min
Un billet et des commentaires qui illustrent notre vision de la richesse, de la complexité et des difficultés de notre métier…
24 mai, 2011 à 11 h 28 min
Je suis pas médecin, je n’y connais rien, je pense qu’effectivement il est plus sage parfois de différer un peu les soins pour être sûr que ceux que vous donnerez seront suivis…
Je m’interroge quand même sur le fait que ce couple fasse venir chez eux, dans leur intérieur, pour dévoiler dans son intégralité leur quotidien, un médecin inconnu, n’est ce pas une façon de « repartir à zéro »? Un appel à l’aide? « Voyez où nous en sommes, s’ils vous plaît prenez pour nous les décisions que nous n’arrivons pas à prendre tout seuls »?
24 mai, 2011 à 11 h 35 min
T’inquiète, je suis installée dans le sud!
24 mai, 2011 à 12 h 34 min
Ah.
Oui c’est vrai. C’est pour ça que je n’ai pas voulu faire médecine.
Merci de faire ce boulot.
24 mai, 2011 à 14 h 13 min
trou de mémoire : AOMI c’est l’abréviation de quoi ?
je crois que tu as eu la bonne attitude
J’ai eu l’occasion de voir l’attitude inverse : un médecin dans un hôpital rural qui avait un pb quasi psy avec la mort et la maladie : tous les papis mamies (moy d’age 85 ans) avaient TR fibroscopies etc …les autres généralistes étaient consternés.
24 mai, 2011 à 14 h 58 min
@Dominique : rah, bisous aussi.
Aux précédents : pas mieux.
@Lise : très beau texte, merci beaucoup !
@Babeth : merci ! Octobre !
@JohnSnow : je transmets au Docteur Carotte, je crois que ça lui fera plaisir ;)
@Docteurdu16 : j’ai sans doute pas été assez précise, mais les gens viennent d’arriver. Leur ancien médecin inconnu au bataillon. Le docteur Carotte les avait vus une fois seulement avant, et avait prescrit les examens que j’ai eus sous les yeux.
On reprend tout et on recommence, c’est du tout neuf.
Et on en a parlé pas plus tard que ce midi.
Sinon, heu, c’est rare et pas connu, la maladie de Verneuil ? Parce que non, je voulais pas frimer avec un beau diagnostic, c’est même pas celui que j’ai retenu d’ailleurs. Juste, c’était un pli inguinal super dégueulasse, et je voulais donner une image pour faire comprendre que c’était un pli inguinal dégueulasse, et j’ai trouvé que la maladie de Verneuil ça donnait une bonne image de pli inguinal dégueulasse.
@truiss : comme je le disais un peu plus haut, ils viennent d’emménager. Belle occasion pour repartir de zéro, en effet.
@Zigmund : Artériopathie Oblitérante des Membres Inférieurs.
24 mai, 2011 à 15 h 28 min
Beau billet de terrain (ce sont mes préférés)! Belle exposition de ce travail d’equilibriste (tout en dressant des ours ca devient chaud!).
Il est vrai qu’on ne sent pas trop la concertation avec Carotte dans le texte ? (a moins qu’il n’ai eu que peu de contact avec eux et qu’il ai été convenu qu’ils devenaient tes patients a toi que t’as ^^)
edit : ah ben voila tu as repondu ci-dessus :p
Assez d’accord avec la remarque de Rafael sur la continuité du texte, sinon. Le « J’ai rien fait » (sur le coup!) parait un peu dur quand on lit la suite, par exemple ;) D’ailleurs on retrouve aussi un decalage entre le Présent sur le début du texte, switch au Passé subitement (mais l’effet de style est peut-être voulu)
Mini-jupe rouge : quels veinards tes patients ! :D
24 mai, 2011 à 15 h 38 min
Pour le présent et le passé, je sais pas si y a pas UN post où j’ai pas fait ça.
Je fais ça tout le temps, c’est même pas tellement que c’est voulu, c’est juste que c’est comme ça que ça vient et puis zou.
Pour la continuité, bin… Déjà à ce moment là, j’étais pas sûre de réussir à débuter le traitement la fois suivante. J’avais vaguement dans l’idée de, mais c’était encore en chantier. Y s’trouve que ça a tourné comme je voulais (ou du moins ça en prend la direction), mais à ce moment là je n’en savais encore rien.
Et au final, le type a des doses trop faibles d’antidiabétique, (toujours dans l’espoir de l’apprivoiser avec et de pouvoir augmenter peut-être après), aucun traitement ni suivi pour une BPCO majeure, et j’ai laissé partir tout le monde en vacances alors que la dame a probablement un cancer qui lui grignote gentiment le pelvis.
Donc bon, je ne suis pas sûre qu’on puisse déjà parler de « traitement médical optimal ».
24 mai, 2011 à 16 h 55 min
Superbe exercice de dressage d’ours. Superbe texte. Vivement le bouquin.
24 mai, 2011 à 21 h 33 min
J’ai eu le même, poussé à ma consult par un anesthésiste un peu inquiet sur la qualité du réveil (pour l’anesthésie, c’était presque déjà fait…).
Bon, je lui ai tout brandi, les médocs, la tonne d’examen complémentaire, les « règles hygiéno-diététiques » (il y a des jours où on est bon, et des jours où on est nuls, vous ne croyez pas?)
Il n’est jamais revenu.
MAIS…mais,mais, il va très bien, il tient le comptoir du bistrot qui fait l’angle avec l’hosto, et il y boit autant que j’y mange.
C’est un embryon de réponse?
(Jolie allusion à Brel, by the way)
24 mai, 2011 à 21 h 34 min
Docteur16, j’en reviens pas qu’on puisse penser que Jaddo veut se mettre en avant ou frimer…c vraiment à l’opposé total de ce que je ressens de la personnalité de notre toubib à couettes nationale..
Merci Jaddo pour simplement ta façon de voir des êtres humains avant de voir des symptômes sur pattes.
24 mai, 2011 à 22 h 33 min
Mes grand-parents côté paternel se comportent de la même manière mais ils n’ont heureusement pas de problèmes aussi graves.
Ils sont persuadés que les médicaments les empoisonnent et ils prennent peu ou pas leur traitement. Ça ne les empêchent pas de retourner se plaindre au médecin…
Qu’en dit le docteur Carotte ?
25 mai, 2011 à 7 h 29 min
7h20…
J’ai appris de nouvelles choses AOMI et maladie de Verneuil.
Ben franchement, oui, c’est pas ragoutant, c’est bien d’avoir prévenu !
Bravo pour votre sens de l’humanité. Je rêve d’avoir un médecin comme vous qui sache écouter, analyser, prendre en considération le mental, plutôt que celui qui « prescrit » du doliprane sur chaque ordonnance que je reçois…
Merci de partager cela avec nous (et vivement octobre !)
25 mai, 2011 à 11 h 31 min
Je partage les avis faisant part de ces magnifiques acrobaties langagières qui rythment et embellisse des situations humaines, pleines de pathos à percer un blindage renforcé.
Merci de cette humanité qui manque cruellement dans nos relations aux institutions médicales.
Par contre si je tombe malade, je peux avoir droit à une visite en mini jupe rouge ? :)
25 mai, 2011 à 15 h 59 min
Au delà des probèmes médicaux où sont confrontés les médecins et les proches,il y a un style de vie issu soit de la misère ou simplement de multiples conditionnements sociaux qu’il est difficile de remettre en cause.
Il existe encore des personnes qui vivent avec les animaux domestiques (poules, cochons et autres) qui entrent et sortent de la maison comme au temps moyennageux et où il n’y a pas une chaise correcte pour s’asseoir, ni un coin de table pour poser quelque chose.
Il m’a été donné récemment d’accompagner une tante pour rendre visite à une de ses amies grabataire, remplie d’escarres non soignées qui refuse toute hospitalisation bien qu’elle souffre à cause de sa religion. Bref le médecin appelé avec toute la bonne volonté du monde ne peut qu’être impuissant, il ne pourra agir que quand la malade ne sera plus en état d’exprimer son refus mais là, il sera certainement trop tard, ce qui veut dire, qu’en fait nous sommes tous responsables personnellement de notre propre vie tant que nous ne sommes pas considérés comme atteints psychiquement, c’est le libre arbitre en somme.
En tout cas j’ai bien aimé ce post si près de la vie comme bien d’autres d’ailleurs.
26 mai, 2011 à 0 h 04 min
C’est drôle que vous parliez de super et under woman ; ces toubibs là – ceux dont vous ne souhaitez pas faire partie -, je les appelle les cow-boys, moi. Ce qui signifie « garçons vachers », faut s’en souvenir. Je les rencontre peu car, quand j’ai le choix, ils ne dépassent pas le 1er RDV. Mais des fois, il n’y a pas le choix, il faut se les coltiner. Les garçons vachers sont très courants parmi le personnel de SOS médecin et à l’hosto ; ils sauvent le monde et vous expliquent la vie en trois phrases sèches bien senties puis, quand vous leur dites très poliment Merde, se redressent de toute leur taille d’hommes en pleine santé et responsables et précisent qu’en cas de pépin, ce sera pour votre pomme. Ben oui, ils gardent des vaches hein ; ils ne chassent pas le loup.
26 mai, 2011 à 9 h 39 min
J’ai d’abord trouvé l’histoire très belle. Puis j’ai réfléchi un peu.
Je la trouve toujours très belle mais elle me dérange quand on pense à la situation financière de notre système de santé.
On laisse les gens se mettre en même temps des suppos d’un côté et du goudron d’un autre; ça coûte à la collectivité et ça ne sert pas à grand chose. Mais un jour on ne pourra plus soigner des petits enfants qui, eux, ne se sont jamais amusés à s’automutiler en même temps qu’on les soigne.
Quoi faire? On ne peut pas décider de ne plus soigner les fumeurs ou ceux qui ne prennent pas bien régulièrement leurs petites gellules. On pourrait peut-être les éduquer, leur ouvrir les yeux, leur faire réaliser qu’un traitement, c’est un investissement sur les gens, une décision de dépenser de l’argent d’une cagnote qui n’est pas inépuisable?
Mais bon, moi je ne fume plus mais je dois manger trop gras, alors le jour où j’aurai du diabète ou une autre saloperie dans le style, je ne pourrai pas faire le surpris. C’est compliqué tout ça.
26 mai, 2011 à 10 h 11 min
Chère consoeur,
Entre le tabac, la crasse et la misère intellectuelle, notre métier n’est pas toujours drôle. Mais c’est bien d’en rire et de sortir des clichés délivrés par les mutuelles et par la CNAM
26 mai, 2011 à 11 h 05 min
Chère Jaddo, j’adhère (il fallait bien la faire celle-là)!
Pourquoi? Je vais juste raconter une petite histoire étant moi-même remplaçant. Peu après mon début d’activité me voilà en maison de retraite pour une visite de routine d’une patiente grabataire dans son fauteuil roulant et voici que l’infirmière me dit: « et au fait,qu’est ce qu’on fait pour son genou? ». Après examen et explication il semblerait que Dr B. que je remplace ait incisé il y a quelques mois un abcés du genou (qui, au passage, est prothésé) et mis sous antibiotiques au long cours (je vois déja les orthopédistes qui poussent des hauts cris). Le genou est chaud et la plaie pas très saine mais bon, elle se porte bien la madame. Frais moulu de l’université, je pousse des hauts cris également et me voilà parti pour une consult orthopédique en urgence avec appel de la famille pour accompagner cette dame qui bien sur a un Alzheimer. 2 mois plus tard je reviens dans la même maison de retraite. « Au fait comment va madame unetelle? ». « Oh, elle s’est faite opérée et est morte en soins intensifs » m’apprend la charmante infirmière….. Hum…. c’était peut-être pas si mal de la laisser dans sa maison de retraite finalement. Pas très académique mais pas si mal.
26 mai, 2011 à 14 h 48 min
@Bruno, sachez que ceux qui coûtent cher, ce sont les non-fumeurs, non buveurs, propres sur eux, qui vivent jusqu’à 90 ans en suçant les caisses de retraites et le suivi médical normal. Les fumeurs diabétiques qui crèvent à 70 ans sont une bénédiction pour les comptes de la nation. Faudrait voir à pas en plus les culpabiliser.
26 mai, 2011 à 15 h 09 min
Excellent billet, qui reprends une problématique essentielle de la médecine générale.
J’aime beaucoup.
Il m’a fallut des années pour apprendre à accompagner les gens sans forcer les prises en charge non désirées, tout en ne les abandonnant pas…
Tu sais déjà le faire!
La MG, c’est faire de la corde raide tous les jours. Connaitre les reco et les procédures, et en sortir chaque fois que nécessaire. Pas facile!
26 mai, 2011 à 15 h 27 min
@Bruno : Bonjour. Ce qui me gène beaucoup dans ce que vous dites c’est que le fait que ce soit la collectivité qui finance les soins médicaux, donne le droit à ceux qui représentent le système, d’intervenir sur nos choix de vie.
C’est une prise de pouvoir intrinsèque à ce genre d’organisation des soins, du technocratico-administratif sur l’être humain. Je suis résolument contre toute intervention publique sur ma vie. On va commencer par lutter contre le tabac et l’alcool, puis (et c’est déjà le cas) sur la malbouffe, puis on luttera contre la moto, la montagne, la plongée sous-marine… etc.
En tant que médecin et addictologue, je reconnais aux gens le droit de s’adonner au tabac, à l’alcool… mais je les aident autant que je peut à stopper dès qu’il y a un embryon de volonté d’arrêt.
Je n’ai aucun droit de leur dire : « fumer c’est mal, trouvez plutôt votre plaisir dans le macramé ou les mots fléchés.
Par ailleurs, effectivement, ce ne sont pas ces patients qui coutent le plus cher.
26 mai, 2011 à 15 h 42 min
@ Bruno et Dominique Dupagne
Et j’ajoute que les taxes sur l’alcool et le tabac sont en partie reversées à la protection sociale. Donc, non seulement ils meurent plus jeunes mais ils financent la sécu plus que les autres.
C’est surtout un sacré faux problème le « déficit de la sécu ». Tout bon journaliste ou économiste, un peu honnête peu vérfier qu’il n’existe pas de déficit structurel de la protection sociale en France. Si les déficits conjoncturels existent, ils ne viennent pas du système.
[Hors sujet]
L’état des comptent de la protection sociale de 1945 à 2007 (derniers comptes certifiés) montrent que la protection sociale (retraites, assurance maladie, chomage, allocations, …) en France serait sans doute légèrement positive de l’ordre du milliard d’euros (sur 600 milliards) mais les comptes n’étant exacts qu’à plus ou moins 3% (soit 18 milliards, une bagatelle !), personne ne peut le savoir avec certitude.[/Hors sujet]
26 mai, 2011 à 19 h 20 min
@Bruno et Dominique Dupagne: sans être d’accord avec l’idée de culpabiliser les patients quand à leurs addictions il me semble douteux de dire qu’ils coutent pas cher à la SECU du fait de leur durée de vie. En effet compte tenu du prix journalier d’hospitalisation (hors prix d’examens complémentaires qui eux aussi peuvent couter cher, IRM et scanners à répétition par exemple)dans un « simple » service de médecine (sans parler de soins intensifs où les tarifs sont simplement hallucinant)je doute qu’ils fassent faire des économies. Ceci dit, si vous avez des chiffres me prouvant le contraire j’en serais ravi.
26 mai, 2011 à 22 h 56 min
Bon bon bon… préface de Martin Winckler et couverture de Boulet… je sens que je vais aimer ton livre :-)
26 mai, 2011 à 23 h 39 min
Depuis quand faut-il montrer patte blanche pour avoir le droit de « VIVRE » sur notre bonne vieille planète qui crève de voir les hommes s’entre tuer pour la pouvoir, la puissance et les richesses?
27 mai, 2011 à 18 h 10 min
Et bien j’aurai bien aimé vous rencontrer, moi qui commence juste à me désintoxiquer de ce traitement bien lourd contre l’asthme que mon super médecin qui tire plus vite que son ombre a eu l’intelligence de me prescrire qui m’a provoqué plus de dégâts qu’autre chose, parce que ce monsieur était persuadé de faire les choses vites et bien…
27 mai, 2011 à 21 h 41 min
Gaffe Jaddo, à lire tes écris régulièrement, je vais finir par ne plus savoir si ce que je préfère, ce sont tes billets, ou les commentaires et débats qu’ils suscitent, instructifs et enrichissants. Et qui sont de plus une mine de liens vers d’autres passionnants écrivains du web :)
27 mai, 2011 à 22 h 22 min
@Stéphane, il n’y a pas de statistiques précises pour ce sujet peu correct politiquement. Mais mourir d’un Alzheimer coûte le même prix que de mourir d’un cancer du poumon. Le fumeur crève simplement 20 ans plus tôt. Et encore une fois, ce qui coûte cher aux comptes sociaux, c’est de vivre. Non seulement ce n’est pas douteux, mais le différentiel est colossal. Un retraité consomme de tout à commencer par du soin, et ne produit rien. Un retraité qui à le bon goût de mourir jeune est une bénédiction pour les comptes de la nation. Qu’il ait un peu traîné à l’hôpital avant ne change pas grand-chose. L’idéal (en mode cynique on) c’est le fumeur gros mangeur qui prend sa retraite à 60 ans et fait sa mort subite à 61 ans. Il a travaillé toute sa vie d’adulte et ne coûtera rien en dehors d’une éventuelle 1/2 pension de réversion pour sa veuve.
28 mai, 2011 à 6 h 56 min
quel bonheur de vous avoir lu, retraité depuis trois ans , j’ai eu l’impression d’être replongé en un instant dans tout ce que j’ai aimé.
merci +++
28 mai, 2011 à 10 h 08 min
Vivre coûte trop cher aux compte sociaux surtout dans les pays indutrialisés, pas le pays pauvres où les chefs d’état s’enrichissent et vivent dans l’opulence à faire vomir et puis si vivre coûte cher aux pays dit « RICHES », il serait temps de penser à éliminer les improductifs, soit : les enfants, les chômeurs, les malades, les retraités,les handicapés……et puis avec une bonne dictature, les comptes sociaux seront au beau fixe non? ;)
29 mai, 2011 à 12 h 04 min
Godwin 1 : Jaddo 0
29 mai, 2011 à 15 h 25 min
C’est de la fausse humilité.
C’est le syndrome de « superwoman » d’être capable de s’adapter et d’être à l’écoute, non?
29 mai, 2011 à 21 h 42 min
Percutant. Tableau ô combien réaliste, quasi quotidien.
Merci Jaddo pour ces mots que vous savez si bien poser sur votre exercice, et pour votre regard d’empathie sans sensiblerie sur les misères du monde.
Dans ce cas précis je crois que j’aurais fait comme vous en croisant les doigts.
@micalement.
30 mai, 2011 à 13 h 19 min
Bravo pour la description » sui generis » de ces couples pathogènes peu solubles dans la médecine; la pratique de consultation éloigne ( protège ? ) de ce contact frontal avec la misère médico-sociale et cette forme de renoncement plus ou moins agressivement affirmé ;et effectivement ( dans ma pratique ) particulièrement chez les artéritiques qui sont souvent imperméables aux diverses prises en charge qu’elles soient empathiques ou autoritaires.
sans doute faut-il accorder plus de libre-arbitre à nos patients, dans leur façon de gérer leur »santé » et donc finalement leur » mode de vie » ; surtout quand manifestement la prévention n’est plus primaire, secondaire ou tertiare mais carrément hors sujet .
il m’est d’ailleurs parfois arrivé de déclencher des »sursaut thérapeutiques » de certains patients à qui j’avais clairement signifié mon impuissance à pouvoir les soigner; mon impuissance mais pas mon désintérêt…
là est peut-être la nuance.
31 mai, 2011 à 11 h 41 min
@Eloclaire
« C’est de la fausse humilité. »
L’humilité ici c’est de reconnaître que le titre de docteur n’a pas l’habituelle emprise suffisante pour améliorer la prise en charge de ces patients.
Je crois que personne n’aurait le culot de prétendre que gagner la confiance d’un patient réfractaire aux soins pour l’amener doucement vers un traitement adapté est dénué d’ambition.
Néanmoins, ambition n’est pas orgueil.
Donc oui, c’est de l’ambition déguisée. Mais ça, c’est écrit dans le billet.
1 juin, 2011 à 18 h 43 min
la minute littéraire :
»… un jour nous abattrons les murs de notre prison; nous parlerons à des gens qui nous répondront; le malentendu se dissipera entre les vivants; les morts n’auront plus de secrets pour nous.
Un jour nous prendrons des trains qui partent. »
( Antoine Blondin – l’humeur vagabonde – 1955 )
1 juin, 2011 à 19 h 22 min
Je trouve votre billet émouvant, sobre et si bien écrit. J’aurais tendance à le lire comme un roman, une poésie de la vie quotidienne, et quelqu’un parlait de Brel plus haut. Merci de partager cela, et comme il serait bon que les médecins soient un peu accompagnés aussi… (par leurs aînés à la retraite peut-être…)
2 juin, 2011 à 13 h 11 min
@Cardio de Brousse
Sympa ta minute littéraire!
L’espoir de prendre un jour des trains qui partent, fait vivre ;)
5 juin, 2011 à 23 h 55 min
Aïe !
J’écris de temps à autres, en tant que patient béotien mais intéressé, sur des forums et blogs médicaux, sur les sujets suivants : inculture médicale en épistémologie de la médecine, confusion entre progrès techniques fabuleux et progrès scientifiques très maigres, croyance pour les + sérieux dans les études en double aveugle en tirage au sort randomisé identique à la croyance des enfants au père noël, persistance étonnante à fourguer des statines qui ne servent dans beaucoup de % des cas qu’à augmenter le risque de diabète de type 2 ou diminuer la capacité à faire du sport- ce qui n’est pas malin, méconnaissance incroyable sur les rapports entre nutrition et santé (cf. par exemple témoignages existants sur liens entre asthme, bpco et alimentation, recueillis avec le pseudo Olive verte sur Doctissimo), etc, etc.
Mais là, alors que j’arrivais motivé, bien que ce ne soit pas le ton du lieu, j’ai lu sur votre blog que vous êtes jolie, en bottes, et en jupe rouge pendant vos consultations. Pfft, envolée la motivation initiale, … Vous consultez les lecteurs de votre blog ? Non ? Allez, pour une fois …
Epaté aussi par votre qualité littéraire, tandis que moi je ne serais capable, textuellement, que de vous ressortir les bons conseils de séduction de Pierre Desprosges : vous aimez les chiens ? Venez chez moi, j’ai un teckel, …, etc. etc.
Et tout ça, malgré votre déco autour de votre plante. C’est dire.
PS : désolé pour votre agression. Peut être méfiez vous d’une espèce de rebond insidieux qui arrive qqfois plus tard et qui empêche de voir l’angoisse monter.
6 juin, 2011 à 12 h 37 min
Waow, belle leçon d’humilité ! Y aller cool sur la prescription/moralisation pour réussir à établir un lien thérapeutique initialement aussi fin qu’un cheveux et le faire grandir, je trouve ça balaise.
J’ai toujours vu ça comme un des aspect qui doit être le plus chaud en médecine générale (et dont je serais tout à fait incapable:), well done !
12 juin, 2011 à 19 h 26 min
Jaddo ou « Cthulhu by now » dans la vie réelle.
1D20 de perte de points de santé mentale par quart d’heure si vos points d’expérience ne vous permettent pas d’atteindre le rang de Grand(e) Initié(e).
Attention: en cas de tentative de recherche de la maladie de Verneuil sur Google Images, comptez 1D20 de perte de points de santé mentale par tranche de 5 mn.
21 juin, 2011 à 19 h 12 min
bravo, je plussoie question faire/ou pas et/ou flipper.
question points d’endurance et encaissement de dégats progressifs, la créature humaine demeure assez époustouflante, même si ça pue.
6 octobre, 2011 à 13 h 21 min
Oui très juste votre post. Se soigner quand on est aussi malade c’est un vrai travail et ça peut être fatal…moralement je veux dire.
Je découvre votre blog aujourd’hui, j’aime bien.
23 novembre, 2011 à 11 h 15 min
Chère Jaddo,
Permettez que je vous appèle par votre nom de scène ?
Pour tout dire à 50 ans je n’ai aucune excuse. Tandis que ma petite famille est scotchée devant les séries amerloques, mes soirées se passe devant mon pécé, et je n’avais pas vu votre blog. Et pourtant je vous lisais depuis le début tout les mois dans Médecine, avec application et enthousiasme. J’ai pensé pour moi : elle a de Vian, de Cronin, de Desproges, mais dans quel ordre ? Péponse on s’en fout. D’ailleurs elle a surtout d’elle toute seule ! Pour être franc, je commence souvent par vous ! Ca me met de bonne humeur. Je dis ça parce quand même dans l’endroit où on lit le plus y’a pas à dire une bonne revue c’est plus pratique qu’un écran. Surtout que pour les livres j’ai pas besoin de mettre mes besicles. Et puis un piaf de voyage m’a déposé votre livre dans ma boite postale. Moment de bonheur.
Bon le soir, mon épouse me l’avait piqué, voir même planqué dans son tas à elle, qu’elle lis le soir. Et après elle a joué celle qui sait pas que le livre de Jaddo est arrivé. Constat : j’aurais du en acheter deux ! Conseil que je donne aux liseurs de livres, Jaddo ça s’achète par paire, un pour lire, un pour offrir !
Pandemixxl,
Médecin sans lien d’intérêt avec les firmes
22 décembre, 2011 à 15 h 24 min
bonjour, je suis moi meme interne en médecine et adore ce que vous racontez.. c’est tellement vrai!!
26 décembre, 2011 à 22 h 15 min
De ta jolie visite, très finement menée, j’espère une chose, même qi ça n’est pas de toi chère Jaddo:
Que les gamins de ces gens cherchent l’origine de l’odeur bizarre qui se dégage du postérieur de madame, et que ça leur fasse un p’tit électrochoc. (aux jeunes comme aux vieux)
après la compliance sera meilleure..
ouai ouai je sais j’ai l’espoir… (j’suis qu’en 3eme année, et en Suisse en plus, imagine :p )
1 février, 2012 à 17 h 46 min
Je découvre ce blog lors d’un après-midi bien calme au cabinet (je suis installé depuis2 mois et demi dans le Sud). C’est marrant, malin et très agréable à lire. Bravo !
1 mars, 2012 à 18 h 58 min
Je salue l’altruisme, mais t’es pas leur maman non plus. Pourquoi t’inquièterais-tu plus qu’ils ne le font apparemment eux-même à propos de leur propre santé? Et puis quoi, la prochaine fois tu leur fera un numéro de cirque pour leur faire accepter un nouveau médicament ou une analyse? Tu remplis ton rôle en répondant à la demande des patients du mieux que tu peux, en leur indiquant la procédure à suivre et en leur prescrivant les traitements adaptés, maintenant faut qu’ils y mettent du leurs aussi. Ou en assument malheureusement les conséquences.
26 avril, 2012 à 23 h 01 min
Avoir cette frousse, c’est l’occasion d’être encore humain.
26 juillet, 2012 à 16 h 04 min
Merci d’avoir partagé cette histoire, c’est très inspirant pour la pratique. L’analyse des faits et des hypothèses est très juste et le ressenti aussi bien sûr.
10 septembre, 2012 à 15 h 50 min
et un travail en equipe une infirmiere pour les soins un kine pour la BPCO