Super-Externe

30 novembre, 2007

Les ambulances, à part ramener chez eux des gens qui ont consulté à trois heures du mat pour une vague douleur qui dure depuis deux semaines, servent aussi à assurer le transport des malades d’un hôpital à l’autre. Quand on a besoin d’examens qu’on ne peut pas faire sur place, par exemple.

Et, si le patient est un peu lourd, la présence d’un « membre du corps médical » est exigée à bord.
C’est à dire qu’il faut quelqu’un pour s’occuper de lui s’il est susceptible de lui arriver quelque chose. Comme bien sûr, on ne va pas mobiliser un vrai médecin pour se coltiner 20 minutes de transport, une à deux heures d’attente sur place le temps que l’examen se fasse, 40 minutes d’attente des ambulanciers pour le trajet retour, et 20 nouvelles minutes de transport, on y colle l’externe. Quatrième à sixième année de médecine, soit deuxième à quatrième année d’hôpital.

Et dans « quelque chose », tout est possible.
Si le patient est sous oxygène, et si en passant un dos d’âne le tuyau d’oxygène se décroche, il faut un « membre du corps médical » pour prendre le bout de tuyau et le clipser sur l’embout de la bouteille d’oxygène.
Si un patient va très mal, il faut un « membre du corps médical » pour assurer la prise en charge immédiate. Genre, s’il fait un arrêt cardiaque, il faut un externe pour crier très fort « Au secoooours ! Au secoooours ! Je sais pas comment on faaaaait ! »

Pendant mon stage, je m’occupe d’un patient très lourd, au sens premier du terme. Il pèse 160 kilos.
– Comme il vient pour rectorragies (= sang dans les selles = plein de diagnostics plus ou moins graves possibles), il faut lui faire plein d’examens.
– Comme c’est toujours compliqué, on ne peut pas lui faire les examens sur place. Soit parce qu’on n’a pas du tout de quoi les faire, soit parce que le matériel qu’on a pour les faire ne supporterait pas ses 160 kilos.
– Comme il pèse 160 kilos, il doit voyager en « lit », et non en « brancard ».
– Comme il doit voyager en « lit », il doit être accompagné par un « membre du corps médical« .

Là, quand même, je m’interroge.
Parce que je suis à mi-temps à l’hôpital, et que si je dois l’accompagner partout, je suis partie pour une semaine de trajet en ambulances. Et avec un examen par jour, 4 heures d’ambulance et de salles d’attente par examen, ça s’annonce très formateur.
Que mes 5 années de médecine soient hautement indispensables pour brancher un tuyau ou pour crier au secours, soit.
Mais quel rapport avec le lit ??

Ah, m’explique-t-on.
C’est que les lits n’ont pas les dimensions qui collent avec les rails de l’ambulance.
Donc, ils ne sont pas bien fixés.
Un jour, lors d’une accélération un peu brutale, un lit est parti en arrière, a défoncé les portes de l’ambulance et s’est retrouvé sur la voie publique.
Depuis, les ambulanciers ont exigé, et obtenu, une clause qui précise qu’un « membre du corps médical » doit accompagner tous les trajets en lit.

Très bien très bien.
Bon, faisons le point sur ce qu’on attend de moi.
–> Si le tuyau se débranche, je rebranche le tuyau.
–> Si le patient fait un accident grave, je panique et je crie Au secours-Au secours.
–> Si le lit se décroche, je sors mes supers-biceps de super-externe, et je le rattrape à la volée.

C’est bien ça ?

13 Réponses à “Super-Externe”

  1. Pat Dit:

    Bonne semaine ……… et bon courage pour les biceps!
    ;-)

  2. Sel Dit:

    AU LA ;;; moi je fesait ça avec les couveuses… Vous savez les toutes petites crevettes qui sont trop en forme pour rester dans la grande néonat de CHU mais pas encore assez pour sortir de couveuse… Ceux qui encore sous oxygene doivent changer d’hopital….
    Consignes « si il désature tu le stimule en le secouant doucement et si ça ne marche pas tu lui met le masque…. »
    …grand moments de solitude…
    NB tres bien ton blog, temps de véritées….

  3. cathy Dit:

    tres drole de lire l’envers du decor. je frequente un peu trop souvent les blouses blanches en ce moment, et je me doutais bien de ces petites anecdotes…(pso-and-co.over-blog.com) il suffit de regarder les patients avec nous et on comprend que ce ne doit pas etre toujours super easy. (c’est d’ailleurs peut etre ce que les docs que j’ai vu ont pensé de moi..; ahahahah)
    Je repasserai

  4. Rrr Dit:

    Pat : la semaine est loin derrière moi, maintenant… Mais elle a été effectivement formatrice au plus haut point. Je crois bien que j’ai fini par emmener un bouquin dans l’ambulance…

    Sel : oh mon dieu, grand moment de solitude, effectivement. J’aurais été terrorisée. Et merci :)

    Cathy : Bon courage avec vos allers-retours hospitaliers. C’est vrai que nous avons parfois tendance à oublier que la vie existe en dehors des murs de l’hôpital…

  5. JeeP Dit:

    C’est terrible comme tes anecdotes m’en font revenir à l’esprit. Cette nuit où, de garde aux urgences, je m’occupais d’un patient avec un trouble du rythme cardiaque. Il fallait le monter aux soins intensifs. L’interne de cardio est soudain rappelé en extrème urgence aux soins. Et là il me dit de brancarder le bonhomme, avec l’aide d’une aide-soignante, avec le scope et le défibrillateur sur le ventre, et la consigne inoubliable « ah oui, et si son rythme déconne, tu le choques ». Comme ça, tout simplement, quand tu es en ème année de médecine…
    La balade en ascenseur la plus longue de ma vie.

  6. Rrr Dit:

    Jeep : épouse-moi.

  7. maduixa Dit:

    JeeP… j’ai eu exactement la même histoire il y a quelques mois (eh oui, toute jeunette, encore externe et absolument positivement ravie d’être ainsi rassurée… merci de me faire savoir que je ne suis pas la seule gourde et qu’on l’est tous !)… Mais pourquoi ai-je choisi la réa pour cette garde… ça n’arrive pas, en secteur, ça…
    Bref, trop gourde pour expliquer au senior (qui de toutes façons était déjà sur un autre patient une seconde après m’avoir lâché cette bombe) qu’on ne m’a jamais expliqué comment se servir d’un défibrillateur, je prends sur moi et fais la tête très normale (ou très crispée faisant semblant d’être normale) de celle qui sait et pour qui tout va bien, et j’accompagne le brancardier et le brancard…
    … dans l’ascenseur, le brancardier et le patient (apparemment un grand habitué de la réa cardio et de ce genre de situation) se regardent et rigolent… C’est le patient qui m’a mise à l’aise :
    – vous inquiétez pas, je vous promets de vous faire la faveur de ne pas claquer avant la sortie de l’ascenseur… Et au cas où, lui il sait faire.
    … j’ai jamais su s’il fallait que je rie ou pleure… Et l’ascenseur est arrivé à destination… j’ai pas décroché un mot, et suis revenue en réa… Depuis je sais que les brancardiers savent ce qu’ils faut faire et qu’on n’est là pour le fun… Mais maintenant que je suis rassurée, forcément, j’ai plus été dans cette situation…

  8. Tam Dit:

    je suis morte de rire, je me reconnais tellement !!! surtout qu’on avait le sac d’urgence, mais qu’on ne nous avait jamais expliqué ce qu’il y avait dedans mais qu’on n’avait pas non + le droit de l’ouvrir pour regarder car il y avait des scellés !!!!!!!! de toute façon, si c’était un ZOLL, je ne savais pas m’en servir à l’époque…

    une fois je devais faire « un transport patient », 4h à poireauter avec lui au scan, à contampler son scope… un beau rythme sinusal ça berce bien zzzz !

    et puis on rentre, et là sur la voie publique, mais à l’intérieur de l’hopital qd mm, il est grand mon hopital…, ya un mec à terre !!!! et là l’ambulancier : « tu peux intervenir ???? » heeeeeeeeeeeeein ??????? au secouuuuuuuuuuuuuurs !!! et puis euh j’ai mon patient à surveiller, hein !!!!! il y avait déjà pleins de médecins autour de lui il était en PLS et respirait… je ne voyais pas quoi faire !!! du coup pour me rendre utile, je suis allée appeler la sécurité pour bloquer la circulation et ne pas créer un sur-accident… les ambulanciers ont cru que j’avais pris la fuite !!!!

    un énorme moment de solitude et d’inutilité…

  9. sophie Dit:

    Vous me faites rires, (je vais essayer de m’interdire de vous lire pendant mes heures de travail, mais c’est difficile).
    Bravo..

  10. Tite externe Dit:

    Tout d’abord bravo pour ce blog, il n’y a pas un post qui ne me rappelle une histoire vécue par moi ou un de mes copains, et c’est très bien écrit.
    Celui-ci en particulier me rappelle quand on m’a envoyé accompagner la petite Julie, née à 24 SA, 32 SA au moment de l’examen algique et fébrile depuis 3 jours sans qu’on ne retrouve rien à part un syndrome inflammatoire, passer une scinti osseuse dans un grand hôpital parisien pour deux raison:
    1) la nécessité d’une personne du corps médical dans l’ambulance comme évoqué plus haut
    2) oui il y a bien un service de pédiatrie dans ce grand CHU parisien, mais tu comprends, il est complètement à l’opposé de la médecine nucléaire, donc pour l’examen tu feras fonction de pédiatre. C’est aussi cette raison qu’on m’a donné quand j’ai osé demandé des antalgiques pour la petite a souffert tout l’après midi (oui parce qu’après on a du attendre que l’ambulance revienne nous chercher: 3h d’attentes avec un petit bout qui n’a rien mangé depuis le matin et qui a mal, je faisais pas la maligne!)

  11. docecn Dit:

    J’aime beaucoup !

  12. doctorette Dit:

    oh là là les vieux souvenirs de garde d’externe aux urgences, quand il fallait accompagner un patient au scanner et qu’il venait pour crise convulsive, on y allait avec notre canule de Guedel dans une main et l’ampoule de Valium dans l’autre, en tremblant à l’idée qu’il se remette à convulser… et les transports des bébés d’un hôpital à un autre… c’était trop trop ça!
    ps: j’adore ce blog, merci!!

  13. doume Dit:

    Je me souviens , externe en pédiatrie, avoir fait un transport de bébé CHU Dijon- Necker Paris.
    A Paris quand l’infirmière a vu ce bébé langé (et non en couche jetable), elle m’a demandé d’où on venait !
    Et oui, à Dijon, en 1982, la 1ère chose qu’on devait apprendre en stage pédia, c’était à langer les bébés, épingle à nourrice à l’appui…

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