Aide toi

23 mars, 2008

Je ne pratique pas l’art de la divination.
La seule chose que je peux lire dans vos entrailles, c’est qu’il est déjà trop tard.
J’aimerais bien, notez. Mais à la fac, j’ai pris option « Ethique médicale », et on ne peut pas tout faire.
Alors des fois, j’aimerais bien que vous m’aidiez.
Juste un peu.

Mesdames, par exemple. Que je puisse vous prendre par surprise au point de vous faire perdre la mémoire quand je vous pose des questions incongrues alors que vous venez pour une bête douleur de ventre, je peux le concevoir.
Mais quand vous venez pour un retard de règles, quand même, ce serait gentil de connaître la date de vos dernières règles.
Et quand je vous demande combien votre enfant prend de biberons par jour, la réponse « Oh, je ne compte pas vous savez » ne m’aide que très moyennement.

Je ne sais pas, moi, tentez quelque chose, au hasard, au culot. Une approximation, une estimation grossière, une moyenne, mais un chiffre, quoi.

Je m’en rends bien compte, ce n’est pas très Petit Prince, tout ça. Ca fait très grandes personnes. Mais s’il vous plaît, s’il vous plaît, on veut des réponses avec des numéros dedans.
« Souvent » ne m’aide pas quand je demande combien de fois par semaine ou par mois ça arrive.
« Oh, un moment » ne m’aide pas quand je demande depuis combien de temps ça dure.

Sinon, moi, je me rebelle et je vous fais des ordonnances avec  » 1 comprimé quelques fois par jour pendant quelques temps ».

Ordonnance que vous penserez à amener au prochain médecin que vous verrez pour un second avis.
Parce que lui, quand vous lui direz que mon traitement ne marche pas, et que vous voulez autre chose, comment, mais COMMENT voulez-vous qu’il fasse quoi que ce soit pour vous si tout ce qu’il sait, c’est que vous prenez « un sirop » ? Comment vous vous imaginez que ça se passe ?
« Oh, bah si un sirop ça marche pas, on va essayer une gélule, alors... » ??

Au fait, c’est la même chose pour « un antibiotique », hein.
On s’en cogne, de savoir que vous prenez un antibiotique.
C’est à peu près aussi utile que de savoir que vous prenez un sirop.

Alors très sérieusement, maintenant, un MESSAGE DE SANTE PUBLIQUE :

Soit on est capable de donner tout son traitement de tête, sans oublier un médicament et sans oublier les posologies ni la durée du traitement, soit on a toujours sur soi une fiche cartonnée avec la liste de ses médicaments.

Si vous avez une mère ou une grand-mère qui n’a plus toute sa mémoire, vous savez ce qui vous reste à faire.
Le prochain médecin qui la verra aux urgences construira un petit autel avec des bougies en hommage autour d’une photo de vous.
Et potentiellement, vous, vous sauverez la vie de votre grand-mère.

16 Réponses à “Aide toi”

  1. anita Dit:

    Et tu n’as pas connu le patient qui, à la question « vous buvez combien?  » répond: « oh! pas plus que vous Docteur! »
    Mais on a tous eu : « Mais vous savez bien , le petit cachet rouge et blanc! »
    Et puis: « vous tournez à droite, juste après l’orme », quand il est trois heures du matin, et de toute façon, à vingt-cinq ans, vous ne distinguiez pas une asperge d’un poireau.
    :-)) Mon guieu que tu me rajeunis!

  2. juliette Dit:

    oh que c’est vrai!!
    Que de petites larmes interieures de désolation j’ai pu verser devant les réponses réprobatoires de mes patients : »mais voyons docteur vous savez bien!!!les petites pillules rouges et blanches!!!Voyons!!! »….ben non y a pas encore dans le vidal le classement des médicaments pas aspect des pillules (peut être à suggérer…?). « mais si j’étais sous antibiotique pendant 7 jours!!! un truc en i à la fin ou peut être ic… » « di antalvic…? » « oui c’est ça!!enfin un antibiotique j’vous dis » « snif….(et c’est parti pour un discussion de 10 minutes pour faire accepter au dit patient que non non non décidement le di antalvic n’est pas un antibiotique..on l’aurait trompé!!!??? »)
    Je découvre ce blog et je me régale!! Merci pour ton talent et tes histoires dans lesquelles nous sommes visiblement un bon nombre à nous y retrouver!!
    vive la médecine générale!!!
    juliette encore interne en médécine générale pour 1 mois….

  3. Avalo Dit:

    Du point de vue du patient (oui parceque mes études de médecine se limitent à la lecture/froissage des petits papiers dans les boîtes de médicaments) on pense rarement qu’il existe d’autres malades avec d’autres symptômes et des milliers de médicaments qui ressemblent aux nôtres. Ce n’est qu’une fois devant le médecin (dont le regard triste nous renvoi l’imprécision pathétique de nos réponses) que l’on pense « oui, tiens c’est vrai un bout de temps ça faut combien en an, mois, jours??? ».
    Le coup du bristol avec tout noté dessus, je fais passer le mot, suffira juste de ne pas avoir à sortir « mais je vous jure docteur, c’est tout noté sur le papier à la maison….. »

  4. loriane Dit:

    et une question comme ça, mais vous avez le droit d’appeler le confrère pour connaitre la prescription précédente?
    nous on le fait souvent… mais peut-être que ça ne marche pas avec le secret médical et tout et tout.

  5. Anonymous Dit:

    Je kiffe ce que tu écris, un commentateur a déjà cité un mot que tes récits m’inspirent : talent

  6. GreG Dit:

    Tiens, ma grand mère a eu des passages à l’hôpital. Après son opération du coeur, j’ai décidé de faire une petite fiche, sous Excel, avec les médocs à telle heure, en telle quantité …

    Et bien même ça, les infirmières de ma région n’ont pas su les respecter, car elles oubliaient toujours quelque chose (Une fois le médoc pour l’Hyperlipen, une fois c’était les Nortrilen ou encore son Elthyrone … Ca va du simple médoc ou c’est pas grave (Hyperlipen, pour le cholestérol), au médoc ou c’est bien plus grave (Nortrilen, médoc anti dépresseur) et à chaque fois, les infirmières trouvaient à dire, incapable de comprendre le tableau fait. C’est sur que ceci :
    http://img329.imageshack.us/img329/9993/sanstitre2copieeh5.jpg

    C’est difficile à comprendre …

    Enfin, j’abonde dans ton sens cela dit, si tous le monde était comme moi, je pense que nos mamy et papy ne s’en porterait que mieux !

  7. JeeP Dit:

    loriane: oui, on a le droit, c’est même indispensable dans certains cas. Mais on se trouve parfois confronté à des problêmes diplomatiques (le patient est venu parce qu’il n’a plus confiance dans son médecin, on l’appelle parce qu’on ne comprend pas pourquoi il a prescrit un traitement et la prescription s’avère injustifiée…). Mais sur le fond, le secret n’existe pas entre professionnels de santé du moment qu’on a le patient en commun et que les informations données concernent le même problème (en théorie, on n’a pas à révéler qu’un patient est alcoolique si on l’adresse au dermatologue pour une question quelconque).
    Mais bon, moi je bosse aux urgences, on a peut-être plus de temps pour appeler les confrères. Le MG qui court la campagne, je pense que c’est plus compliqué pour lui.

  8. jvdoubov Dit:

    Ah bah on a tous des problèmes communs que personalafac il a pensé même à nous cozer de… Et nos petits trucs.
    Moi, quand on me répond « pas longtemps », je dis, d’un ton patient : « bon. Plutôt trois heures ou plutôt trois ans ? » et après on improvise… Mais ça m’indigne moins que toi. Les gens en face, ils pensent qu’on pense comme eux, et que « pas longtemps » pour eux, ça doit être « pas longtemps » pour moi. C’est quand même assez sympa.
    Par contre, je m’indigne d’autres choses (mon blog http://lebloganti-knock.blog.20minutes.fr/) Comme quoi on est pareilédifférents. J’aime bien ce que tu écris. Je me suis souvent demandé, si moi je m’étais trompé de route, et si j’aurais dû écrire plus et médeciner moins. Tu dois te poser la même question le soir…
    Je te rassure, mes enfants affirment que je suis moitié moitié, et que médeciner sans écrire ou écrire sans médeciner, ça me tuerait…
    Amicalement
    Jean Doubovetzky

  9. Lavrenti Dit:

    Je pense qu’il vous est possible de comprendre l’état d’esprit des individus que vous décrivez en faisant un parallèle.

    Imaginez, un jour, un diabétique vient se faire prescrire de l’insuline. Il n’est que de passage, vous ne le connaissez pas. Comme vous n’êtes pas une machine à remplir des ordonnances, vous posez quelques questions de routine, ne fut-ce que pour vous assurer que vous n’avez pas affaire à un type largué. Vous commencez donc par la base :

    -Quelle est votre glycémie ?

    A ce moment, le regard de votre interlocuteur se perd un instant dans le vide et il vous répond :

    -Entre zéro gramme trente et trois grammes.

    La situation dans laquelle vous vous trouvez à cet instant est exactement celle de la personne à laquelle vous demandez son dosage médicamenteux et qui vous sort du beaucoup ou de la pilule blanche et rouge.
    Vous pensez apporter un élément technique, certes approximatif mais qui reste valable à vos yeux, alors que vous mettez complètement à coté de la plaque et que votre question est absurde.

    Il s’agit dans les deux cas d’une approximation technique sans aucune valeur qui n’a d’intérêt que si elle est affinée. Le travail du technicien consiste justement à affiner cette information de manière à pouvoir en tirer la substantifique moelle.

    Alors, ne jetez pas la pierre au néophyte qui pense bien faire en vous sortant des incongruités. Ricanez en de bon cœur tout comme le sucré qui est venu vous voir a gentiment souri à votre confusion, mais ne le méprisez pas pour ça et ne laissez pas ce genre de chose porter sur vos nerfs, ça n’en vaut pas la peine.

  10. docteur Vincent Dit:

    Connaissez-vous le web médecin? On l’installe sur son ordinateur et hop, on a accès à tout l’historique de la Sécu du patient. Très utile quand une mamie nous dit: je prends un cachet jaune, puis un petit rouge (ça, on sait à peu près) et un coeur blanc (ça aussi) et un petit sachet à midi (ça, c’est le dosage sur lequel on coince). Le monsieur qui prend un cachet bleu avant de se coucher avec sa légitime (ou non) ça, on sait aussi.
    Mais tout les petits blanc, ça fait criser, on tremble en pensant à l’erreur médicale que l’on ne va pas manquer de faire. Alors on téléphone aux pharmacies, parfois à toutes celles du coin quand la vieille dame n’a pas été elle-même chercher son ordonance. Grands moments de perte de temps!

  11. flo Dit:

    C’est bien pour ça qu’on dit à nos patients d’avoir leur ordonnance sur eux, et qu’au besoin ou leur traduit en DCI quand ils partent à l’étranger.(Je suis pharmacien d’officine).
    Pour certains, avec ordos multiples, de prescripteurs divers, et risque +++ de plantade, on leur fait même une récap sur une seule feuille.

    Il ne faut pas hésiter à appeler le pharmacien, on a l’historique des délivrances pour nos patients sur plusieurs années, et de TOUS leurs prescripteurs.
    Avec la généralisation du Dossier Pharmaceutique, vous y aurez accès très facilement, et très directement, y compris sur les médicaments non remboursés, faille du système web médecin.

  12. Tom Rakewell Dit:

    Parfois c’est le médecin qui reste dans le vague. Ma copine va chez son médecin traitant (très bien par ailleurs) pour causer équilibre alimentaire.

    Dr: Le soir, préférez les légumes verts comme les haricots verts et les épinards.
    Elle: Ça ne me dérange pas les épinards, j’adore ça.
    Dr: Attention ne mangez pas que ça, ça contient de l’acide oxalique et vous risquez la crise de goutte.
    Elle: Pas trop, ça veut dire combien ?
    Dr: Bon, j’exagère. Il faut vraiment y aller pour qu’il y ait un risque.
    Elle: Vous êtes en train de parler de quelle genre de quantité d’épinards, là ?
    Dr: Ben, beaucoup.

    Exactement le même sketch un RDV plus tard sur les champignons et le risque de bézoard végétal…

  13. docausol Dit:

    J’ai travaillé quelques mois dans un petit paradi tropical francais : Mayotte.
    He bien 40 % des gens n’y parle pas un mot de francais, mais shimahore, une langue proche du Swahili d’afrique de l’est.
    En shimahore (et dans la culture mahoraise et comorienne), le temps n’a quasiment aucune importance, et aucune façon de s’exprimer. POur conjuger un verbe au présent il y a plusieurs temps !, mais il n’y a qu’UNE forme future et UNE fomr passé.
    pour aujourd’hui on dit : Léo
    pour demian et TOUS LES JOURS D’APRES on dit : méso
    pour hier on dit : jana.
    et pour TOUS les jours avant hier on dit : suzy.
    Cet aspect est tellemnt profondément culturel que quand on te réponds « Suzy » (soit : dans le passé) : si tu demande à un traducteur de demander combien de jour, de mois ou d’année, il te réponds qu’il n’y a pas moyen de poser cette question…

  14. Petite Plume Dit:

    Je suis libraire, et sans les conséquences tragiques, on a parfois un peu du mal aussi, pour connaîtrel’âge des enfants. Alors quand un vieux nous dit que son petit fils (rejouissons nous déjà il sait que c’est un garçon, certains hésitent…) est « petit », je cite, ça reste assez vague. sachant qu’on vend des livres pour 0 à 16 ans, alors « petit » souvent, ça dépend des cousins… qu’on ne connais pas non plus…

  15. Papillon Dit:

    ce QU’IL vous reste à faire ;)

  16. MG 2e dan Dit:

    Je trainais sur le site de jaddo à la recherche de brèves non encore lues, et je suis tombée sur ce commentaire :
    « Mais sur le fond, le secret n’existe pas entre professionnels de santé du moment qu’on a le patient en commun et que les informations données concernent le même problème (en théorie, on n’a pas à révéler qu’un patient est alcoolique si on l’adresse au dermatologue pour une question quelconque). »
    Heu … oui et plutôt non. Je suis médecin gé et le secret professionnel s’applique entre professionnel de santé. Il faut l’accord du patient pour divulguer des info. Après cet accord est bien souvent tacite dans la coordination des soins. Mais personnellement je ne cachette pas mes courriers et je les mets dans l enveloppe quand le patient en a pris connaissance et a validé.

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