Je déteste les parents.

Bon, pas tous TOUS.
Pas les miens, d’abord, ce qui est déjà un bon point. Mais ma collection personnelle de catégories de parents détestables s’agrandit de jour en jour. Je déteste, en liste non-exhaustive :

Ceux qui parlent à la place.
De leur enfant, qui a 7, ou 10, ou 15 ans. Exactement comme, petite, je détestais les médecins qui posaient les questions à ma mère, alors que j’avais 8 ans, des oreilles, un cerveau, une langue, et les connexions appropriées entre tout ça pour que ça fonctionne déjà à peu près correctement.
– Quel âge tu as ?
– Il a 5 ans.
– Où est-ce que tu as mal ?
– Il a mal au ventre, hein chéri tu as mal au ventre ? Et depuis hier, il me fait de la fièvre. Déjà qu’il vient de me faire une angine !
On jurerait que ce sont les amygdales de la dame qui sont en feu. On n’a pas idée, d’avoir 8 ans et de faire souffrir sa mère comme ça.

Ceux qui mentent.
Il a de la fièvre depuis trois ou douze ou vingt-quatre heures. Ou alors, il a mal au ventre depuis 9 jours. Je prends sournoisement mon ton innocent pour demander ce qu’en a dit son médecin habituel, avant qu’ils ne viennent aux urgences.
Heuuu, bin, on est pas allé le voir parce que :
> Il est pas là.
> Il est pas là.
> Il est en vacances.
> Il est pas là.
> Il avait plus de place.
> Il est mort.
> Il est pas là et puis d’abord il avait plus de place. D’ailleurs, je crois même qu’il est mort.

Ceux qui ne mentent pas.
Il a de la fièvre depuis trois ou douze ou vingt-quatre heures. Ou alors, il a mal au ventre depuis 9 jours. Je prends sournoisement mon ton innocent pour demander ce qu’en a dit son médecin habituel, avant qu’ils ne viennent aux urgences.
On n’est pas allé le voir, parce que :
> Il avait pas de place avant ce soir à 19h, et moi, ce soir, je peux pas l’amener.
> On voulait qu’il soit vu plus vite
> On voulait voir un spécialiste (pas de bol, moi, je suis interne. Encore moins qu’un généraliste, imaginez un peu…)
> On veut une radio
> On vient ici tout le temps ! (Ah bah ça va alors !)
> On l’ a déjà vu hier mais le traitement ne marche pas ! (ce qui nous amène brillamment à la catégorie suivante)

Ceux qui attendent de moi que je pallie leur incompétence.
L’enfant a été vu la veille, on a posé un diagnostic, proposé un traitement, oui mais :
– Il veut pas le prendre, l’antibiotique ! (Il veut pas le prendre… La phrase me laisse toujours songeuse…)
– Il se débat trop quand on veut le moucher (Et donc ? Je dois inventer un nouveau traitement super plusse mieux qui ne nécessite pas de le moucher ?)
– Il veut pas boire la solution de réhydratation que vous avez donnée, il veut que du coca ! (Bougez pas, je dois vous présenter quelqu’un…)

Leurs cousins germains.
Qui me laissent me débattre seule avec leur furie de môme qui me donne de joyeux coups de poings, qui le maintiennent avec le tonus d’une nouille cuite, et qui ricanent : « Huhu, c’est toujours comme ça chez le médecin« .

Et, en première place, indétrônés à ce jour, ceux qui disent, au choix :
– Sois sage ! Ou la dame va te faire une piqûre ! (Heuuu, bin oui, peut-être bien. Mais c’est à dire que j’ai quelques autres critères qui passent juste un peu avant sa sagitude…)
– Allez, ouvre la bouche ! La dame va te donner un bonbon ! (Heuuu…. Non ?)
– Je te promets qu’il n’y aura pas de piqûre (Heuuuu… Bin si, là)
– Je te promets que ça fait pas mal ! (Heuuu… C’est à dire que si, un peu, quand même…)

Suspens

14 janvier, 2008

Hop, une blague de médecin.
(Ayant déjà quelques doutes quant à la drôlerie intrinsèque de l’histoire, et me demandant un peu dans quelle mesure ce n’est pas le genre d’anecdote qui se termine par un bafouillant « Non, mais fallait être là, quoi…« , je présente mes excuses par avance aux non-médecins)

Externat, stage en réa.

La matin, grand staff avec la-chef-qui-fait-peur. Le stéréotype de la chef-qui-fait-peur.
L’externe de garde doit présenter un dossier.
Présenter un dossier, c’est, en gros, raconter l’histoire d’un patient qu’on a vu pendant sa garde. Pourquoi il est venu, ce qu’il avait comme problème, ce qu’on a fait comme examens, ce qu’on a conclu comme hypothèses diagnostiques, quels traitements on a mis en route, comment les choses ont évolué par la suite.
Rien de bien dur, sur le papier.
Mais, pour présenter un dossier, il faut l’avoir compris.
Sinon, on fait des précisions inutiles, on n’enchaîne pas les éléments dans le bon ordre, on oublie de dire un truc essentiel, et tout le monde voit bien qu’on a rien compris à ce qui s’est passé.
C’est un peu comme résumer un bouquin. On voit vite si vous avez saisi l’essence de l’histoire ou non.

Et présenter un dossier, devant toute une clique de blouses plus ou moins blanches, quand on n’en a pas l’habitude, ça fait drôlement peur.

C’est au tour d’un de mes collègues de passer sur l’échaffaud.
Il commence son histoire :

« Mr Machin, qui est venu pour telle raison, qui avait tels symptômes, à qui on a donné tel traitement. Il a présenté pendant la nuit un arrêt cardio-respiratoire, et heuuu… on l’a massé, on a injecté de l’adrénaline, et heuuu…. Ah oui, j’ai oublié de vous dire, c’est un monsieur qui a dans ses antécédents… »

La chef le coupe. En pleine apogée de l’histoire, l’heure n’est pas aux flash-back : « Non, mais attends. Il est reparti ou pas ??? »

Mon collègue : « Non non, on l’a gardé dans le service ».

Voilà.
Il fallait peut-être y être, mais moi, cinq ans après, ça me fait toujours rire.

Dieu-Café

12 janvier, 2008

Il y a des tas de choses qu’on n’apprend pas dans les bouquins.
Certaines règles obscures et implicites de l’hôpital, par exemple.

Gardes aux urgences.
Il est 5h du matin, je n’ai pas dormi, j’ai eu quelques patients compliqués, mon chef est allé dormir, je me suis angoissée deux ou trois fois pour savoir si je pouvais ou pas me permettre de le déranger pour une question de néophyte, j’ai cru que j’allais pouvoir me coucher quand deux nouveaux patients sonnent à la porte.

L’équipe paramédicale prend un café. Chacun a ramené un petit quelque chose pour la garde, et, comme pour le moment c’est tranquille, ils prennent le temps d’un café-gâteau-chocolat.
Avec ma politesse légendaire, avec mon sourire jusqu’aux oreilles, je demande si je peux leur en prendre une tasse.
Non, on me dit.
Je ris, d’abord. En premier réflexe. Ahahah, sacré toi.
Et je prends conscience soudainement du ton revêche et ferme, des sourcils froncés et des lèvres pincées.
Heuuuu, non ? Vraiment, non ?? Vraiment, là, avec votre cafetière pleine devant vous, avec mes gentillesses et mes sourires pour demander, avec le fait qu’on vient de passer 6 heures à bosser ensemble en pleine nuit, non ???

Au fur et à mesure des gardes, on se rend compte progressivement de l’institution cafetière de l’hôpital.
On fini par remarquer le cadenas sur le placard de droite, celui de l’équipe de jour.
On se rend compte que pendant la journée, la cafetière est verte, alors que la nuit elle est noire.
On passe et on entend des bribes de conversation sur Bidule qui a toujours pas payé sa cotisation.
On note que ah, tiens, oui, le placard du milieu est cadenassé aussi.

On comprend que les gens en ont eu marre que ce soient toujours les mêmes qui achètent le café, qu’il y a eu des histoires de filtres disparus, qu’il y a eu des histoires de médecins qui se servent alors qu’ils ne cotisent jamais, et qu’il y a une véritable guerre autour du café.
Que le café est un symbole.
Que le café a pris une dimension mystique.

Et puis quand même, quand on nous refuse une tasse, 20 pauvres centilitres de café, alors qu’on n’a rien fait à personne, alors qu’on est physiquement authentiquement épuisé, alors que la nuit est encore longue, l’envie nous prend de sortir un billet de 5 euros de sa poche, de le lancer dédaigneusement à la figure des sourcils, et de dire « Mais tiens, je te le paye, ton café ! ».

Et puis on se rend compte que c’est exactement la même chose dans l’hôpital suivant.
Et dans celui qui suit encore.
Et dans celui d’après.
Alors le deuxième jour de stage, on amène sa demi-livre de café qu’on dépose en offrande.

Edit : un infirmier raconte la même chose ailleurs en beaucoup mieux que moi :)

Autorité médicale

12 janvier, 2008

Internat, urgences pédiatriques.

Elle nous amène sa fille, deux ans à peine, parce qu’elle a mal au ventre.
Elle a mal au ventre parce qu’elle est constipée.
Après l’examen, quand j’ai bien palpé le ventre dans tous les sens (et vas-y que je masse), la petite a envie de faire caca. Et elle fait caca. Et elle n’a plus mal au ventre.
L’imposition des mains, ça s’appelle.
Les amis, y a pas, je suis trop forte.

La mère me dit, sur le ton dont on se plaint du temps qu’il est pas beau ou des impôts qu’ils sont trop chers :
« Vous savez, elle est souvent constipée. Mais forcément, elle mange queeeuuu des bonbons… » Levant les mains au ciel : « Tooooooooute la journée !!!« 

Genre la gamine est atteinte d’une maladie génétique orpheline qui lui fait pousser des bonbons à même la bouche.
Je me moque, je me moque, mais c’est vrai, ils sont pas faciles à cet âge là.
Ils vous disent « Moumou je t’aime » pour endormir votre méfiance, et dès que vous avez le dos tourné, ils vous chourrent les clés du scooter pour aller acheter des Dragibus au Champion.

Et quand je dis que bah oui, forcément, les bonbons toute la journée, ça aide pas, elle se tourne vers sa fille, me pointe du doigt et dit :
« Aaaah ! Tu vois ? Tu écoutes, ce que dit le docteur ? »

Deux ans, la gamine.
L’autorité médicale, y a qu’ça d’vrai.

C’est dur, d’être attentif jusqu’au bout de son examen.

A la fin de la journée, en plein hiver, en pleine épidémie de gastro, à la douzième sciatique, on finit par commencer ses consultations avec une idée toute faite et un diagnostic déjà posé.

– Des vomissements ? –> Et allez hop, encore une gastro.
– Seixième enfant-qui-tousse-malgré-le-traitement-commencé-la-veille-par-le-médecin ? –> Encore des gens qui s’imaginent qu’on peut faire passer la toux d’une grosse crêve en 24h de gélule magique, et qui s’imaginent que les urgentistes sont de grands spécialistes toussologues avec des médicaments super mieux.

On pose le stéthoscope parce qu’il faut bien le faire, parce qu’on le fait toujours, parce que c’est la trentième fois de la journée qu’on le fait.
Et après, il faut encore penser à écouter. Ecouter vraiment. Avec ses oreilles.
Pas juste faire les gestes et prendre une tête concentrée.

Parfois on oublie.
Parce qu’on voit bien, à la bouille de l’enfant qui gazouille et qui sourie, à l’absence de fièvre, à son nez plein de morve, à ses parentes idiots qui viennent aux urgences tous les trois matins, comme on passe au Mc Drive, qu’on n’entendra rien dans ses poumons.
Parce qu’on examine moins bien le ventre de celui qui vient parce qu’il a mal aux oreilles que de celui qui vient parce qu’il a mal au ventre, et que, peut-être, on est en train de passer à côté de tout autre chose.
Parce que, parfois, le moment qu’on prend pour faire semblant d’examiner le ventre nous sert à prendre le temps de réfléchir. Antibiotiques ou pas ?

Et puis, de temps en temps, au milieu de tous les patients qui vont bien et qui ont l’air d’aller bien, de tous ceux qui vont mal et qui ont l’air d’aller mal, il y a les petits vicieux qui vont mal et qui ont l’air d’aller bien.
De temps en temps, alors qu’on vient à moitié d’engueuler les parents parce qu’ils sont venus nous déranger pour trois fois rien, ça siffle à tout va dans les poumons.
De temps en temps, c’est pas une gastro, c’est une appendicite.

C’est difficile, vraiment, de rester concentré tout le temps.

Bouillon

6 janvier, 2008

Je n’ai pas de grandes ambitions carriéristes.
Enfin, disons que les ambitions qui me paraissent déjà énormes (avoir un cabinet, avoir des patients qui me respectent et qui me font confiance, et passer à leurs yeux pour un bon médecin) ne sont pas celles qui font rêver la plupart des gens.
Je n’ai pas envie d’être chef de service, je n’ai pas envie d’être prof à la fac, je n’ai pas envie de décrocher les diplômes accessoires qui feront de moi un généraliste spécialisé en veinologie ou en nutrition ou en urgences.

Mais quand-même, parfois, je rêve d’être un jour la grande chef de service, pour imposer mes lois et mes caprices.
Et pour prévenir mon équipe que :

– Dans mon service, on frappe à la porte avant de rentrer dans une chambre. Toujours. Sinon on est viré. Ahahahahhaha, oui, comme ça, pouf, c’est moi qui décide.
– Dans mon service, on appelle les gens par leurs noms, et pas « Mamie » ou « La cirrhose du cinq ».
– Dans mon service, on parle aux gens à la deuxième personne du pluriel. Pas à la troisième du singulier.
– Dans mon service, on se présente aux patients. On dit qui on est et ce qu’on va faire.
– Dans mon service, on met des draps sur les gens qui sont tout nus.

Dans ma longue série hospitalière des « N’oublie pas« , il y a tous ces détails idiots, toutes ces choses insignifiantes, mais qui prendraient si peu de temps à l’équipe soignante, et qui changeraient radicalement le vécu et l’hospitalisation des patients.

Parce qu’il est juste intolérable de voir quelqu’un surgir dans sa chambre sans crier gare, pendant qu’on est tout nu, ou en train de faire pipi, ou en train de se gratter les couilles. Parce que c’est bon, on a bien compris qu’on est là de passage, et que ce n’est pas vraiment notre chambre, mais celle de l’hôpital, celle de l’infirmière, celle du médecin. Qu’ils sont là chez eux, et qu’on est le quatre-cent-vingt-quatrième « patient de la 12 » de l’année. Qu’ils pourraient aussi pisser aux quatre coins de la chambre pour rendre les choses plus claires.

Parce que je prépare un post complet sur l’habitude insensée d’appeler les patientes par leur nom de jeune fille.

Parce que s’il est déjà pénible de s’entendre demander par la bouchère si « elle va bien ?« , alors qu’on est habillée et digne et maquillée, il est parfaitement insupportable de s’entendre demander si « elle a fait pipi ? » alors qu’on a le cul apparent dans une blouse trop petite et mal fermée, la main sur le pied à perf qu’on essaie péniblement de transporter jusqu’aux toilettes, pour, justement, essayer de faire pipi soit-même comme un adulte dans des toilettes normaux, et pitié, pitié, pas sur le bassin pendant qu’on nous regarde faire et qu’on s’impatiente parce qu’on ne va pas assez vite.

Parce qu’il y a un moment où il faut arrêter de prendre les gens pour des cons, et apprendre à faire confiance à leur sens commun. Parce que quand on se retrouve le thorax sous la sonde d’échographie d’un type qui a visiblement 26 ans, qui fronce les sourcils, qui repasse quarante fois au même endroit, qui fait traîner l’examen sur quarante minutes, qui n’explique rien, qui hésite, qui se trouble, qui finit par bredouiller qu’un « collègue va repasser pour jeter un coup d’œil », on a envie de lui dire « Écoute coco, j’ai bien vu, que tu apprends, là, que tu t’exerces. Et ça ne me dérange pas. Et je comprends qu’il faut bien que tu apprennes. Mais juste, il aurait suffit que tu me le dises, que tu te présentes, que tu me le dises, enfin, que tu es étudiant et que tu apprends à faire des échographies, et que tu me demandes l’accord que je t’aurais donné si volontiers. »

Parce qu’avec les équipes qui changent sans arrêt, sur 8 ou sur 12 ou sur 24 heures, les blouses blanches de jour, les blouses blanches de nuit, les blouses blanches du week-end, les blouses blanches des médecins, les blouses blanches du matin, les blouses blanches des infirmières, les blouses blanches de l’après-midi, les blouses blanches des aides-soignantes, on finit par ne plus savoir qui est qui et qui remplace qui.

Parce que toutes ces choses évidentes pour nous (« Bin, je suis le médecin, voyons« ) , qu’on oublie de préciser puisque pour nous, on est le médecin tous les jours, 24h sur 24, et l’externe c’est moins fort que l’interne, et le liseré bleu sur la blouse c’est pour dire qu’on est la sage-femme, ce sont des choses que ne savent pas les gens normaux. Et que oui, il faut s’astreindre à faire l’effort de le redire, à tous les nouveaux patients, tous les quarts d’heure, inlassablement.

Parce qu’il faut se souvenir continuellement que l’hôpital est un monde à part, plein de significations et de peurs et de croyances, et que nous avons une vie pour nous y adapter.
Alors que les patients y sont projetés du jour au lendemain, alors même qu’ils sont affaiblis et malades, et effrayés.

Placébeau

6 janvier, 2008

Ils sont beaux, les médecins.
Ils sont grands, et ils ont une blouse très blanche, ou une grosse sacoche en cuir et un joli costume avec la touche précise de suranné qui inspire confiance .
Ils rentrent dans la chambre que le patient est déjà à moitié guéri.
Ils portent leur effet placebo au bout de leurs les tempes poivre et sel de celui-qui-a-déjà-tout-vu ou de leurs brillants badges rouges qui proclament, sur fond de chaîne en or et de pectoraux velus : « Interne en chiiii-ruuuuur-giiiiie« .

Alors forcément, quand je débarque dans une chambre avec mes couettes, mes joues de hamster et mes tâches de rousseur…

Au téléphone : excuse-moi, je dois te laisser, l’infirmière est là.
A l’interne en chiiiiruuuurgiiiiie que j’ai appelé pour un avis, qui veut vérifier l’état de confusion d’un patient, et qui me pointe du doigt en demandant qui je suis : c’est votre assistante, docteur.
Quand je viens d’interroger le patient, de l’examiner, de lui expliquer ce qu’il a et comment on va le traiter pendant 15 bonnes minutes de hochements de tête, après cinq ou six « Oui, oui » : Oui, oui, mmmhh, d’accord. Mais quand est ce que je vais voir le médecin ?

Je ne compte plus combien de fois j’ai dit « Mmm… C’est moi le médecin ».

En même temps, bien fait pour moi, ça m’apprendra à me présenter.

En même temps, j’ai de la chance, on me prend pour l’infirmière. Ma collègue congolaise, on la prend pour la femme de ménage.
C’est vrai quoi, on n’a pas idée d’être médecin et jeune, jolie ET noire.

Epique équipe

6 janvier, 2008

Dans la plupart des services où je suis passée, j’ai été la grande chouchoute de l’équipe paramédicale.

Grâce à mes hauts faits. Très très hauts. Voyez plutôt :

– Je dis bonjour
– Je dis bonjour en souriant !
– J’essaie de contourner le sol encore mouillé qui vient juste d’être lavé au lieu de marcher dessus avec mes gros sabots genre C’est-pas-tout-ça-mais-j’ai-des-vies-à-sauver
– Je dis s’il vous plaît quand je demande un truc
– Le matin, avant le tour, dans le dossier des patients, je lis aussi les transmissions des infirmières et des aides-soignantes.

Et plus sérieusement :

– J’ai compris depuis longtemps qu’une infirmière qui a plusieurs années d’expérience dans le même service sait plus de choses que moi qui vient de débarquer, et j’écoute les conseils et les réflexions qu’on me fait.

– J’ai appris depuis longtemps que l’équipe paramédicale est une source précieuse d’informations sur le vrai état des patients. Qui disent toujours « Ca va très bien » au médecin, et « J’ai trop mal« , ou « Je suis constipée« , ou « Je ne veux pas qu’on me transfère dans cet hôpital, c’est trop loin de chez moi » aux infirmières et aux aides-soignantes.

– J’ai une sincère et profonde admiration pour leur travail, qui va très, très au delà de la bête exécution des gestes techniques qui sont prescrits.
Parce qu’elles passent chaque minute auprès des patients, de leurs douleurs, de leurs questions, de leurs plaintes, quand on peut se réfugier derrière nos dossiers et nos chiffres.
Parce qu’elles sont la chair à canon des urgences, parce qu’elles sont au front, et que ce sont elles qui reçoivent en pleine face l’agressivité des gens. Qui sont odieux avec elles et adorables avec nous, puisqu’ on est LE DOCTEUR.
Parce ce que ce sont elles que les patients engueulent quand ils attendent depuis trop longtemps dans la salle d’attente, alors que c’est nous qu’ils attendent.
Parce qu’aux urgences, elles ont la très lourde, et très médicale tâche de repérer si un patient est « grave » ou « pas grave », et de nous alerter en fonction.
Parce que ce sont elles qui attirent notre attention sur le petit qui n’a vraiment pas l’air bien, et qui, parfois, en définitive, lui sauvent la vie.
Parce qu’elles sont nos yeux, nos oreilles, notre adrénaline, et que c’est nous qu’on remercie à la fin.
Parce que pas plus tard qu’aujourd’hui, c’est grâce à l’une d’elle que j’ai pu rappeler un patient que j’avais fait partir avec une ordonnance de QUARANTE FOIS la bonne dose quotidienne de primpéran.

Bref, s’il existe un top-ten des personnes qu’on ne peut pas accuser de se la jouer « Toi et moi on n’est pas sur le même barreau de l’échelle Cocotte« , je crois bien que je mérite d’y figurer.

Et parfois, malgré tout, on se noie dans des conflits qu’on n’a pas déclenchés. Parce qu’on tombe sur quelqu’un qu’on a trop souvent pris pour un con, ou parce qu’on tombe sur un con authentique.
Parfois, tout devient sujet à polémique. C’est la compétition permanente. Ahahah, il va bien voir, l’interne, que j’en sais plus que lui et que je ne suis pas qu’une infirmière à la con.
Non mais je sais, hein, ce n’est pas la peine de t’acharner à le prouver comme ça. Ce n’est pas la peine de chercher la petite bête dans la moindre de mes prescriptions. Ce n’est pas la peine de me le dire sur ce ton triomphal. On pourrait peut-être juste discuter, simplement, de ce qu’on pense meilleur pour le patient. Sans compétition, sans concours, sans sous-entendus, sans guerre des classes inutile, inopérante et absurde. Avec des mots. En équipe.
En équipe, quoi, merde.

Tout ceci devait être le préambule à mon histoire avec le brancardier de réa.
Comme ça commence à faire long, comme préambule, je vais m’arrêter là et me garder le brancardier sous le coude.

Bonne année mon cul.

3 janvier, 2008

Le titre, c’est juste pour un hommage à Desproges.

Le post, c’est juste pour signaler qu’en 26 et 27ème position des mots-clés qui ont amené des gens à visiter mon site, bien rangés entre les plats « dresseuse d’ours blog hopital » et « dresseuse dours », il y a :
– 27ème : dresseuse de male
– 26ème : dresseuse de bites

Bonne année à tous.

Vider les truites

3 janvier, 2008

– Et qu’est ce que vous faites dans la vie ?
– Je suis médecin.
– AaaaaaaaAAAAAHHHH !!?? Ouhlala, dites doooooonc !!!! Et quelle spécialité ?
– Je suis généraliste.
– Oh.

– Non non non, c’est très très bien, généraliste. C’est très bien, ça te va très bien…. Mais pédiatre, ça te plairait pas, pédiatre ??

– Et qu’est ce que tu fais comme spécalité ?
– Je suis généraliste.
– Ah. C’est six ans, c’est ça ?
– Non, c’est neuf.
– Ah. Mais le concours de l’internat, c’est pas à la sixième année ??
– Si si. Mais après, on fait 3 ans ou 3 ans et demi de spécialisation en médecine générale.
– Aaaah ? Oh bin je croyais que c’était que les spécialistes qui faisaient ça.

– Je suis embêtée de vous demander ça, je sais pas si vous pouvez, mais je n’ai pas pu avoir de rendez-vous avec ma gynéco avant le 17, pour mon renouvellement de pilule, et je ne vais pas en avoir assez….

– Et ça te plaît, en ce moment, ton stage de pédiatrie ?
– Oui, c’est bien…
– Mais je veux dire, si tu pouvais choisir une spécialité, tu ferais quoi ?
– J’ai déjà choisi une spécialité, j’ai choisi généraliste.
– Non mais je veux dire, je sais, là, que tu peux plus choisir. Mais si tu pouvais choisir, tu ferais quoi ?
– Bin je ferais généraliste.
– Non, mais si tu pouvais choisir une SPE-CIA-LI-TE ?
– GE-NE-RA-LISTE.

– Le pédiatre ne peut pas me voir aujourd’hui, j’ai rendez-vous dans une semaine pour ses vaccins, mais là, il me fait de la fièvre depuis hier midi. Alors je me suis dit, bon… Vous avez le droit d’examiner les enfants ?

– Alors, tu vas pouvoir faire ton stage chez ton ami généraliste, là ?
– Je ne crois pas, pour finir. Mais en même temps, je me console en me disant que j’aurais eu vraiment trop le trac.
– Ah ? Pourquoi ??
– Bin, c’est quelqu’un que j’admire vraiment beaucoup, je crois que j’aurais eu trop peur de le décevoir…
– Le décevoir ? Bin, pour diagnostiquer des gastros et des grippes, hein….