Spoiler
25 novembre, 2010
Je suis enceinte.
Théoriquement, je devrais attendre encore un peu avant de vous le dire, le fameux cap des trois mois n’est pas encore tout à fait passé, mais tant pis : sauf accident vache, je devrais l’avoir, pour finir, ce premier bébé l’année de mes trente ans.
Tout est allé très vite.
J’ai rencontré un homme. Il s’appelle Guy.
Il m’a dit qu’il m’avait remarquée, que je lui plaisais. Il m’a proposé de faire un bébé. J’étais un peu inquiète bien sûr, mais il m’a rassurée. Il m’a dit qu’il en avait déjà fait des tas, que ça s’était toujours très bien passé. Il m’a dit qu’il allait me présenter ses amis, que si on s’y mettait à plusieurs ça pourrait aller vite.
J’ai dit oui.
Ne vous inquiétez pas : je n’ai pas foncé tête baissée, j’ai posé des questions, j’ai tâté le terrain.
J’ai demandé si ça n’allait pas m’empêcher d’écrire sur mon blog. J’ai demandé si j’allais être obligée de lui donner mon nom. Il a dit que ça pouvait se passer à mes conditions, que je pouvais accoucher sous X, que je pouvais continuer à écrire.
Alors j’ai dit oui.
Maintenant que c’est lancé, j’ai la trouille, bien sûr.
Est-ce que le bébé sera comme je l’imagine ? Est-ce que je vais l’aimer ? Est-ce qu’il sera beau, drôle, intelligent ; est-ce qu’il va me ressembler ?
Combien de temps Guy va-t-il rester à mes côtés après la naissance, avant de me laisser le bébé sur les bras pour courir après une autre, plus jolie et plus talentueuse ?
Je sais bien qu’on rêve toutes d’accoucher d’un prix Nobel et que ce n’est pas donné à toute le monde, mais je n’en demande pas tant. Je voudrais seulement qu’il mène son petit bonhomme de chemin et pouvoir en être un peu fière. Et bien sûr, je voudrais qu’il vous plaise. Surtout.
Considérez que vous en êtes tous les parrains et les marraines. Tous ceux qui sont passés par ici, pour me lire, pour me laisser un mot d’encouragement. Ça ne se serait sans doute jamais fait sans vous.
Et malgré tout ce que je vous dois, je vais vous demander encore deux choses.
D’abord, de m’aider à faire diffuser les faire-part, au moment de la naissance.
Ensuite et surtout, pour ceux qui connaissent mon identité, de m’aider à garder l’anonymat sans lequel tout se casserait la gueule. (Aux profs de ma fac notamment, qui ont joué gaiement au téléphone arabe jusqu’ici en me promettant le contraire et en roulant des yeux innocents.)
Je vous tiendrai au courant du développement de la grossesse, en essayant de ne pas devenir trop monomaniaque.
Si je deviens comme toutes ces mères chiantes qui n’ont plus à la bouche que la dernière en date de leur choupinet d’amour, rappelez moi à l’ordre.
Toinette et Argan
22 novembre, 2010
Je vous avais déjà parlé de la prise rituelle de la tension artérielle, ce truc inutile sept fois sur dix mais auquel il faut quand même faire semblant de s’intéresser, sinon le docteur « il m’a même pas pris la tension ».
Et bien sachez que son équivalent pédiatrique existe. Pardon si je fais un peu monomaniaque de la pédiatrie en ce moment, mais il fallait que j’en parle.
Chez les petits, on est dispensé de tension, soit, mais il faut s’occuper DES DENTS.
Semblerait que les Dents, c’est le truc qui réveille les parents la nuit. J’imagine que c’est la compet’ à la sortie de la crèche. « Moi il vient de faire sa quatrième. Et le vôtre ? »
Les Dents, c’est l’explication ultime de tout et n’importe quoi, et c’est l’obsession des mamans.
J’ai deux problèmes principaux avec les dents.
Le premier, c’est que ça passionne les parents, et que moi, ça m’intéresse à peu près comme un sketch d’Elie Kakou.
Que les choses soient claires et nettes dès le début : je ne sais pas prédire l’éclosion d’une Dent deux semaines et demi avant. Pire que ça : je n’ai pas envie d’apprendre. Je m’en cogne. On s’en cogne de savoir si votre petit a une, deux, quatre ou six Dents en préparation. Vous avez déjà vu un adulte chez qui les Dents n’ont jamais poussé ? Bin voilà, moi non plus. Elles vont pousser, ses Dents. Il va finir par en avoir un nombre honorable, comme tout un chacun.
Quand une mère me dit : « J’ai l’impression qu’il fait une Dent, au milieu en haut y a un petit point blanc, vous pourrez vérifier ? » ou « Il est grognon en ce moment, la nounou m’a dit qu’il devait faire une Dent, vous me direz ? », je me transforme illico en homme politique qui essaie de vous expliquer pourquoi vous croyez que vous payez deux fois plus d’impôts que l’année dernière mais qu’en fait non.
« Ouiiiiiiiiiiii, effectivemeeeeeeeent, il y a un petit quelque chose, mais bon on ne sait pas quand ça va sortir, hein, parfois c’est trompeur, ça peut être dans deux jours comme ça peut être dans deux semaines ou deux mois… Ça varie beaucoup d’un bébé à l’autre vous savez… »
J’ai rien senti, hein. Votre mioche, il a ouvert la bouche deux secondes trois quart, et j’étais occupée à chercher une fente palatine. Je ne saurais même pas à quel âge on est censé avoir sa première dent si ma sœur doublement mère ne m’avait pas rencardée. D’ailleurs, entre le moment où elle me l’a dit et le moment où j’écris ces mots, j’ai oublié.
J’ai bien l’impression que certains médecins savent, au demeurant. Quand je vois dans les carnets de santé « Deux dents », sérieux, je suis épatée. Je ne vois que trois hypothèses :
– soit le type a menti, comme moi, mais c’est quand même beaucoup plus gonflé de l’écrire noir sur blanc que d’embrouiller oralement les parents de circonlocutions hasardeuses et contradictoires,
– soit le type a répété ce qu’a dit la mère « Il a fait sa troisième Dent la semaine dernière ! » pour crâner devant les collègues qui liront le carnet de santé après lui,
– soit y en a vraiment qui savent compter les dents, et qui le font. Mon plus grand respect à eux.
Mon deuxième problème Dentaire, c’est les mythes et les légendes que des siècles d’incompétence relationnelle médicale ont fait fleurir autour des quenottes.
C’est trop compliqué probablement, de dire à des parents qu’on ne sait pas exactement pourquoi le petit a de la fièvre / de la diarrhée /le nez qui coule / les joues un peu rouges / les fesses un peu rouges / une tendance à être grognon depuis quelques jours. Qu’il y a des tas de virus qui donnent un peu de fièvre, que l’examen est rassurant, qu’on ne peut pas dire ce que c’est exactement mais qu’on sait tout ce que ce n’est pas, et que c’est souvent bien suffisant en médecine. Qu’il y a des tas de moments où le transit se dérègle un peu et que c’est la vie. Que l’érythème fessier du nourrisson, des fois ça vient, des fois ça part, que c’est comme ça, que ce n’est pas forcément expliqué ou causé par quelque chose.
C’est chiant, hein, de dire qu’on ne sait pas.
Alors on sait. C’est les dents.
Fastoche, implacable, rapide, efficace. Les parents vous gonflent avec une question un peu naïve au sujet d’un truc sans importance ? Y a du monde dans la salle d’attente ?
C’EST LES DENTS, vous dis-je !
Et puis moi je passe derrière, à essayer de dire aux gens que la fièvre, c’est très fréquent, que les dents, c’est à un moment ou l’autre inévitable, qu’inévitablement des phénomènes courants vont être amenés à survenir simultanément, et que la simultanéité et la causalité, c’est pas tout à fait la même chose, le tout en essayant de garder intactes l’image de – et la confiance accordée à – mon prédécesseur dentophile.
Alors oui, bien sûr, c’est pas un bien gros drame, de dire aux gens que c’est les dents. C’est un petit mensonge, c’est parfois pour la bonne cause, c’est parfois parce qu’on sait que les parents vont mieux comprendre cette explication et en être davantage rassurés qu’avec mes envolées lyriques de sauveuse du monde qui est meilleure que tout le monde sur la simultanéité et la causalité.
Moi aussi, j’ai mes petits mensonges (ne serait-ce que vingt lignes plus haut, quand je n’arrive pas à me résoudre à dire « Je sais pas compter les dents et jm’en fous »), j’ai mes petits raccourcis faciles, et je ne me permettrai pas de jeter la pierre.
Mais voilà, fallait que ça sorte, bordel : c’est pas les dents.
Merci aux courageux
17 novembre, 2010
Hop.
Comme je suis une grosse feignasse, mais que ça mérite quand même largement d’être dit, et que j’ai des supers copains qui se sont cassé les bouclettes à ma place…
Concernant l’histoire qu’en plus de les traumatiser avec les chats, les crudités, la mayonnaise, la viande, les œufs, la charcuterie, le CMV, les crustacés et la lune en mars, on s’en va culpabiliser nos femmes enceintes avec le Doliprane :
– y a mon ami Borée qui en parle ici
– y a mon amie aux yeux ouverts qui en parle là. (Elle commence son article par « Non mais c’est quoi cette psychose », ça vous donne un indice.)
– y a mon ami le CRAT qui en parle aussi. J’en profite pour un tip au femmes enceintes / allaitantes : le CRAT est votre ami. Si la notice du médicament dit un truc, si le médecin dit un truc, si le pharmacien dit un truc et que le CRAT dit autre chose : c’est le CRAT qui a raison.
Pas possible de vous mettre le lien direct, tapez « Doliprane » dans le moteur de recherche, vous trouverez la mise à jour que je vous copie sauvagement ci-dessous.
- Cet article comporte trois parties : une étude épidémiologique, une expérimentation animale in vivo et une autre ex vivo.
- L’étude épidémiologique a été réalisée par interrogatoire de femmes enceintes au 3ème trimestre sur leur consommation d’antalgiques au cours des deux 1ers trimestres de grossesse. Les garçons ont ensuite été examinés à la naissance à la recherche d’une cryptorchidie.
- La fréquence des cryptorchidies n’est pas significativement augmentée chez les femmes ayant consommé un antalgique en cours de grossesse, ni chez les femmes ayant consommé spécifiquement du paracétamol, de l’aspirine ou de l’ibuprofène.
- Les cryptorchidies ne sont pas augmentées par la prise de paracétamol au 1er ni au 2ème trimestre (l’étude n’inclut pas le 3ème trimestre).
- Ce n’est que chez les enfants des mères ayant pris du paracétamol pendant plus de 15 jours au 1er et au 2ème trimestres que l’on retrouve une augmentation des cryptorchidies à la naissance. Aucune information sur leur sévérité, ni sur leur évolution n’est fournie (alors qu’elle est spontanément favorable pour une grande proportion entre l’âge de 1 et 3 mois).
- Le nombre important de données manquantes dans la partie épidémiologique et la méthodologie insatisfaisante, doublée de résultats non concluants pour les parties expérimentales, ne permettent pas d’établir à ce jour un lien de causalité entre la prise de paracétamol en cours de grossesse et une augmentation de la fréquence des cryptorchidies.
- Le bénéfice du paracétamol en cours de grossesse reste au 1er plan, quel que soit le terme de la grossesse
Une étude publiée dans Human Reproduction jette le trouble sur une éventuelle augmentation des cryptorchidies chez les enfants dont les mères ont pris du paracétamol et d’autres antalgiques légers en cours de grossesse.
Voilà.
Mangez du Doliprane et faisez l’amour.