A COMBIEN T’AS MAL ?

19 octobre, 2008

Je déteste Mme Robert.
C’est dur, de bien s’occuper des patients qu’on déteste, mais je m’accroche.
A ma décharge, il faut bien dire qu’elle est détestable.

Et puis, ce n’est pas vraiment ma patiente. On nous a appelées, moi et mes couettes, en tant qu’expertes en soins palliatifs (sic), pour son mari qui meurt d’un cancer. Un cancer du côlon, méchant, bien au-delà de toute ressource thérapeutique.
M. Robert, c’est un tout petit bout d’homme, avec une toute petite moustache, recroquevillé sur son tout petit canapé. Il paraissait improbable qu’un si gros cancer trouve sa place dans un si petit homme, mais il faut croire que tout arrive.
Mme Robert, elle, répète à l’envie qu’elle s’occupe de son mari qui a un cancer. Parfois, j’ai l’impression qu’elle est son mari qui a un cancer. Parfois, j’ai l’impression qu’elle hait son mari qui a un cancer.
C’est sans doute un peu de tout ça en même temps.

Mme Robert, jusqu’à avant-hier, je l’avais vue une seule fois, et je l’avais eue au téléphone 4 ou 5 fois, ce qui était amplement suffisant pour la détester.
Ce n’est pas vraiment ma patiente, mais il est facile de deviner qu’elle serait bien du genre à débarquer en consultation avec sa petite fiche bristol : côté recto les effets indésirables de tous les médicaments qu’elle a déjà essayés, côté verso la liste de tous ceux qu’elle veut que je lui « écrive ».

Mme Robert, elle gère.
Son mari n’a pas un traitement, elle lui donne un traitement.
– Qu’est ce que vous avez comme médicaments contre la douleur pour le moment, M. Robert ?
– M. Robert : J’…
– Mme Robert : Alors je lui donne un Skenan le matin et le soir, et puis un Astiksénan à midi…

D’ailleurs, son mari n’a pas un traitement, elle lui donne son traitement. A elle. Dans tous les sens du terme : celui qu’elle a pour elle, et celui qu’elle a décidé pour lui.
– … et puis un Astiksénan à midi mais pas plus parce que sinon il urine pas, et le médecin avait dit un xanax 25 mais je lui en donne 2, parce que bon, ça fait comme si il avait un 50 n’est ce pas ? Et puis la gabatenpine, j’ai arrêté parce que il tremble il tremble il tremble, alors bon, je me suis dit c’est bien la peine de lui donner des médicaments si c’est pour le rendre malade, et puis le Cortancyl j’en donne 1 au lieu de 2 parce qu’avec son rein je préfère pas.  Et puis comme il supportait mieux le Diantalvic que j’avais pour mes lombaires, je lui donne en alternance avec l’Astiksénan, ça lui fait plus de bien.
Parce que M. Robert, forcément, il a tous les effets indésirables de toutes les notices de tous les médicaments.

Mme Robert, elle sait.
Tout ce qu’on lui dit, elle le savait, d’ailleurs elle l’avait dit, mais le médecin / le pharmacien / M. Robert / l’infirmière / l’hôpital n’a pas écouté.
Elle l’avait dit, que ça le faisait trop dormir l’Astiksénan, mais on lui a prescrit quand même alors elle lui donne pas.
Parce que le voir dormir dans la journée, elle supporte pas. Elle préfère quand il dort pas. Bon, il a mal, c’est vrai, mais au moins il dort pas.
Parce que « Enlever la douleur, enlever la douleur, tout le monde a que ce mot-là à la bouche, c’est bien beau, d’enlever la douleur, mais si c’est pour finir comme un légume couché toute la journée, merci bien !« .
Dit-elle.
Devant lui.

Mme Robert, elle connaît bien tout ça, d’ailleurs elle aurait pu faire infirmière, avec tout ce qu’elle a fait garde-malade.
Avant son mari, elle s’est occupée de sa mère mourante, puis de sa sœur mourante.
Alors maintenant elle commence à savoir, vous pensez. Bon, elle dit Astiksénan, parce que c’est vrai que le vrai mot est trop dur à prononcer, mais on ne peut pas lui enlever ça : elle sait.
Elle s’est occupée de tout le monde, mais « personne ne sera plus là, quand ce sera son tour à elle, quand  l’autre sera mort aussi« .
Et en parlant de l’autre, elle me demande « Combien de temps ça va encore durer ce truc-là ? « .
Devant lui.

Mme Robert, elle maîtrise les outils du corps médical.
– Vous avez mal, en ce moment, M. Robert ?
– M. Robert : Je…
– Mme Robert : COMBIEN T’AS ENTRE UN ET DIX ? COMBIEN T’AS ROBERT ???
(Bon, ok, M. Robert ne s’appelle pas vraiment Robert Robert. Mais il pourrait.)
– M. Robert : J…
– Mme Robert : MAIS ALLEZ BON SANG, LE MEDECIN TE DEMANDE COMBIEN T’AS, REPONDS LUI !! … Bon… Montre où t’as mal, alors ! Montre ta stomie!
Et puis, alors que M. Robert remonte une main silencieuse le long de son flanc, elle lui tape dessus. Comme sur celle d’un enfant qu’on aurait surprise dans le bocal à cookies une heure avant le repas.
Mais non pas là !  LA ! (s’insurge-t-elle, dirais-je si je ne voulais pas ne pas offenser la Reine Zabo *)

Ça, c’était un petit pot-pourri de nos premières rencontres.
Et puis, j’y suis retournée avant-hier.
Au grand dam de Mme Robert, qui, au téléphone, m’avait demandé à quoi ça pouvait bien servir que j’aille le voir lui pour voir comment ça allait, alors que je l’avais elle au téléphone et qu’elle me le disait, elle, comment ça allait.

Dire que c’était une visite difficile relèverait de l’euphémisme.
J’ai eu mal. Physiquement mal.
La pièce était remplie de souffrance, embrumée de douleur, palpable, étouffante.
Lui, raide comme la mort sur son petit canapé, les sourcils froncés, le visage figé, la douleur personnifiée.
Il n’était pas mourant, comprenons-nous bien. Il n’était pas en toute fin de vie, il marchait encore, il mangeait encore, il parlait encore.
Juste, il avait mal. A chaque putain de seconde qui passait.
Il gémissait de façon continue, à chaque expiration.
De temps en temps, il se redressait sur son canapé en portant la main à son torse et en étouffant un cri. Et puis il se remettait à gémir.

Je lui ai demandé, à lui, si ça faisait longtemps qu’il avait mal comme ça.
Elle, elle a dit : « Mais j’en sais rien, moi, si il a mal ! T’as mal Robert ? Réponds ! T’as mal ?? Tu parles pas, tu dis rien, tu restes là à gémir, dis le nous si t’as mal ! »
Ce type, je vous mime sa position dans le canapé en gardant un visage impassible, vous vous dites : oh, tiens, quelqu’un qui a mal.
Je vous montre sa photo, vous vous dites : oh, tiens, quelqu’un qui a mal.
Je vous l’enregistre et je vous fais écouter la cassette, vous vous dites : oh, tiens, quelqu’un qui a mal.

A un moment, il s’est mis à pleurer : « J’en ai maaaaaaaaaaaaaarre, j’en ai maaaaaaaaaaaaaarre ».
Elle a dit « Ouille ouille ouille hein ? Pauvre petit oisillon va ! » en se marrant et en lui faisant un clin d’oeil.

Et puis, allez savoir pourquoi (et si vous êtes allés savoir, venez m’expliquer), mais je la déteste moins, depuis cette visite.
Peut-être parce qu’à un moment, dans je ne sais plus quelle phrase, elle a dit « Je sais bien de quoi j’ai l’air, je sais bien que j’ai l’air d’une mégère ».
Peut-être parce que c’était tellement insupportable, ces gémissements perpétuels, que j’ai pu comprendre qu’elle ne supportait pas.
Peut-être parce qu’elle est tellement insupportable qu’elle doit faire fuir tous les médecins, et qu’il en faut bien un qui la supporte, pour que, peut-être, elle redevienne un jour supportable.
Peut-être parce que, quand on reçoit toute cette violence en pleine gueule, il faut bien en faire quelque chose.
Peut-être parce que cette femme, si je vous montre sa photo, vous ne vous dites pas « Oh, tiens, quelqu’un qui a mal », alors qu’elle gémit à l’intérieur.
Je ne sais pas.

 

 * Pennac, La petite marchande de prose :
« Un type qui écrit des phrases du genre « Pitié ! hoqueta-t-il à reculons » (…) de quel genre de maladie prénatale souffre-t-il, Malaussène, vous pouvez me le dire ? (…) « Pitié, hoqueta-t-il à reculons« … Et pourquoi pas : « Bonjour, entra-t-il » ou « Salut, sortit-il de la pièce » ? »

35 Réponses à “A COMBIEN T’AS MAL ?”

  1. cynique Dit:

    être marié à une conne peut être douloureux

  2. AnA-l Dit:

    Huhu, tres touchant comme histoire.

    Sinon, je sais qu’il existe un Robert Obert, oui oui, Monsieur R. Obert :)

    http://pagesperso-orange.fr/robert.obert/

  3. Avalo Dit:

    Etre confronté à la douleur, à la peur, à la fin de l’espoir 24h/24h, 7j/7j peut rendre différent n’importe quelle personne.
    Comme tu le fais justement remarquer à la fin, ce n’est peut être pas elle qui parle mais sa douleur, ses peurs, un autre moi qui a prit le relai parceque le coté « personne sympa » a laché la rampe depuis un moment.

    Enfin espérons le pour M. Robert, sinon il va la passer au hachoir à viande un de ces jours.

  4. lorna Dit:

    c’est toujours plus difficile pour moi, infirmière de gérer les familles et leur douleur.

    et oui pour la douleur de mme on ne peut pas lui donner d’actiskenan* mais par contre on peut voir mr sans mme, non?

    et expliquer à mme qi’aller faire un tour pendant la visite ça lui fera du bien!

  5. Mistinguette Dit:

    Moi, je trouve ça terrifiant !
    Je pense qu’il y a des gens qui se gâvent du pouvoir qu’ils peuvent avoir sur les autres.
    Et que, face à la souffrance, on ne peut pas être bien différent que ce qu’on a toujours été. Tout au plus est-on révélé -dans l’éclat aveuglant du quotidien- sous son plus mauvais jour… C’est comme une dynamique infernale. Ma grand’mère a vécu plus de 60 ans de mariage avec mon grand-père, traversant la guerre, participant à la résistance, élevant leurs 13 enfants dans l’idée que leur amour était leur force vitale. Elle l’a accompagné vers la mort avec respect et amour, comme à son habitude. Et elle en est sortie meilleure. Voilà. Je n’aime pas Mme Robert non plus. Vraiment pas.

  6. cardiologue de brousse Dit:

    si  » l’amour c’est de rencontrer quelqu’un qui vous donne des nouvelles de vous  » , alors des fois ce sont de bonnes nouvelles , d’autres fois de moins bonnes; à l’évidence pour Mme Robert on est quand même dans le deuxième cas, même avec toute la compassion de Rrr à son égard
    et puis, un couple ce sont souvent deux névroses qui s’accordent…
    pour le meilleur … ou pour le pire
     » bien sur tout ce manque de tendre, et nos amours qui ont mal aux dents … »

  7. cardiologue de brousse Dit:

    et si Robert(e) était LE cancer de son bonhomme, c’est sur elle que devrait s’appliquer l’euthanasie active, non ?

  8. Sébastien POLLET Dit:

    FOR-MI-DA-BLE !

    Ce billet est le meilleur que j’ai pu lire sur votre blog (et je crois quasiment tous les avoir lus) !

    Ça n’est pas un blog d’ailleurs, ça n’a rien à voir avec les niaiseries que l’on peut lire sur 95% des autres, c’est de la littérature chère Rrr !

    Il faut publier, il faut absolument publier ! J’en ai encore les larmes aux yeux de l’émotion qui ressort de vos écrits.

    Nous sommes déjà collègue de part la couleur de nos blouses, j’espère bientôt lettre (!) avec vous de part ce magnifique livre qu’un jour, j’en suis certain, vous nous (vous) écrirez.

  9. doclili Dit:

    Mistinguette a dit toute ma pensée sauf que moi, ma grand-mère, c’est une Madame Robert. J’ai renoncé à comprendre et je n’excuse pas non plus.
    Bravo pour tout !

  10. Melusine80 Dit:

    Difficile, je pense malgré tout de la juger cette madame Robert. La souffrance des autres peut changer la personnalité de celui qui en est témoin. Être là et ne pas savoir quoi faire, car il n’y a plus rien à faire. Et derrière cette air de mégère la peine et la souffrance de devoir « supporter » son mari jadis en pleine forme. Surement la peur de sa mort aussi, malgré ses paroles indifférentes « Parce que le voir dormir dans la journée, elle supporte pas. » (le sommeil = la mort?)
    Qui nous dis que cette femme est toujours comme ça? Qu’elle ne pleure pas une fois les visiteurs partis?

    Malgré tout, je ne cautionne absolument pas la douleur. Elle doit être traitée de toute les façons possibles.

    Mais ce n’est que mon humble avis!

    Très beau « récit », comme toujours!

  11. maduixa Dit:

    J’ai souvent remarqué ça, oui…
    Que ce soient des malades franchement chiants qu’on les enverrait bien paître mais qu’on est obligé de soigner avec toute la bonne volonté dont on est capable…
    Que ce soient des familles de malades, soit comme mme Robert vraiment trop impliqués matériellement, ou vraiment trop détachés émotionnellement, ou vraiment l’inverse (du genre de mon dernier jour en cancéro, la fille d’une mourante qui hurlait, véritablement, dans la chambre, qu’on l’entendait de l’étage du dessous), ou vraiment salauds, ou vraiment égoïstes, ou vraiment tout…
    Que ce soient des médecins qui viennent une fois par mois à la visite, que les patients ne voient jamais, qui accordent même pas un regard à cette visite et disent « lui » en parlant du patient qui est à 20cm…
    Qui qu’ils soient, un jour on sera peut-être eux…
    Et ça fout les boules, de savoir qu’on peut devenir ce patient abominablement chiant dont on parle au café et dont on redoute la visite, ou cette famille de patient que même avec toute la bonne volonté du monde on ne peut s’empêcher de juger parce qu’ils sont « trop », ou ce médecin teeeellement cruel et insensible qu’on se demande pourquoi diable il a fait médecine (c’est fooorcément pour le fric)…
    Ca fout vraiment les boules !

  12. Thomas Dit:

    J’adore-j’adore-j’adore-j’adore.

    C’est horrible, c’est tout ce qu’on veut, mais c’est tellement, tellement bien écrit. Et c’est tellement humain.

    Dur dur d’avoir envie d’écrire ensuite…

  13. docteur T Dit:

    ça me fait beaucoup rire, parceque ton style m’évoque depuis la première fois celui de Pennac (celui des 3 premiers, le bonheur de la petite marchande de carabine, après j’ai un peu décroché…).
    Et sinon, à l’époque où je faisais du SMUR en région parisienne (white or red, no matter…), cette saillie dont je certifie l’authenticité :
    Lui : couché, vaincu, hémiplégique depuis une heure, essayant de rassembler de son pauvre bras valide quelques affaires éparses dans son lit
    Elle : « Dépêche toi donc un peu, t’es pas tout seul à mourir, ces messieurs ont autre chose à faire ». Avec la voix d’Arlety, c’était au Près saint Gervais (93), il y a 10 ans, dans un autre siècle.

    Sinon, bravo l’artiste, j’attends ton roman, j’ai la patience du roc.

  14. question Dit:

    c’est quoi cette  » souffrance  » qui excuse tout?

    on soigne qui ici? l’homme ? la femme ? les deux ?

    y en a-t-il un à protéger de l’autre ?

    deux à aider en même temps ?

    que faire dans un cas pareil ?

    que sont ces émotions qui traversent le médecin dans un tel cas?

    que sont ces émotions qui traversent le lecteur du blog ?

  15. Sébastien POLLET Dit:

    Sinon on peut toujours lui coller du Skenan à la vieille, ça la fera aussi pioncer toute la journée et elle lâchera son marie un peu ! ;-)

  16. tropserieuse Dit:

    à question

    que de bonnes questions!

    comment désamorcer l’agressivité que Madame vous (nous) renvoie en plein visage?
    ne seriez-vous pas tenté de voir Madame Robert seule et ailleurs qu’en présence de Monsieur?

  17. Rrr Dit:

    En plein travail (très, très) en retard, je ne prends que le temps de répondre aux deux personnes qui ont astucieusement proposé de voir les protagonistes séparément.

    C’est une excellente idée.
    Qui se travaille.
    Petit à petit.

    Lors de la première visite, Mme n’avait pas supporté que je m’adresse ostensiblement à son époux. « Non mais vous pouvez me parler à moi aussi, je suis LA !« , avait-elle dit.
    Si nous le proposons d’emblée, c’est le braquage assuré. D’autant que je l’ai déjà malmenée en m’adressant à Monsieur, et qu’elle m’attend de pied ferme.
    C’est une question de négociation.
    C’est une question de douceur.
    C’est une question de temps.

    En soins palliatifs, souvent, il faut prendre son temps, même si le temps est compté.
    C’est délicat, ça échoue parfois, mais c’est indispensable.

  18. annabelle Dit:

    je deteste mme Robert aussi
    mais je suis d’accord…comment lui en vouloir..elle aura fait comme elle a pu, parce que comme ça c’est le faire au mieux et le mieux à faire selon elle…

    Merci encore pour tous ces mots, si justes.

  19. StoppéLeClown Dit:

    Je déteste les Mme Robert qui ont ce profil (et les M. de la même veine). Ce sont des adhérents actifs du club des pervers ! dans le sous-groupe des harceleurs moral. Rien que des nuisibles sournois sans état d’âme, des égoïstes fossilisés. Mme Robert est ainsi depuis toujours, sa vieillesse et la souffrance de son mari n’y sont pour rien.

    Et pour Rrr et ses couettes : ton écriture est pertinente et fine, tellement personnelle. Un plaisir unique, renouvelé à la découverte de tes posts.

  20. eo Dit:

    C’est un texte superbe, et on a tous connu des Mme robert…
    Et aussi combien d’épouses formidables et dévouées !

  21. Inès Dit:

    Je pense que ton texte dit tout.
    Moi je suis toujours autant accro à ton blog qui permet et d’avoir un point de vue plus « réaliste » de la vie d’un médecin (et avant) mais aussi d’en apprendre toujours plus sur l’Humain.
    Addict et pour longtemps.

  22. tropserieuse Dit:

    je reprends :
    comment désamorcer l’aggressivité de Mme Robert?

    bien entendu, et Rrr l’a testé, pas en l’agressant davantage en s’adressant directement à son époux
    (c’est ce qu’on apprend à la Fac : d’abord s’adresser au malade!)
    et la pratique apprend à ECOUTER d’abord CELUI QUI PARLE…

    Negociation douceur et temps : tout est dit

  23. Emeraude Dit:

    Je m’associe au concert de louanges sur ce morceau de littérature (en effet, on est pas vraiment dans le « blog » ici, au sens de ces vitrines égocentriques et niaiseuses qu’on ne lit qu’une fois après avoir espéré autre chose). Ce que c’est vrai, ce que c’est bien écrit, ce que tu devrais publier, bien sûr, si tu en as l’envie, Rrr.
    Sinon une suggestion : mon expérience personnelle m’a souvent montré que la maladie (pas forcément grave) d’un des conjoints, était une excellente occasion de régler des comptes conjugaux…
    Est-ce que Mme Robert ne présente pas la facture à Mr Robert de sa souffrance à elle, qui -peut-être- dure depuis quarante ans ?
    Enfin une autre suggestion : il est toujours possible, même si Mme Robert pousse des hurlements, de mettre en place un traitement antalgique en injections par IDE à domicile… Les effets indésirables, tu peux dire à Mme Robert que tu t’asseois dessus, non ?
    Et après douceur, négociation… en attendant le Monsieur ne poursuit pas son calvaire, même si l’appellation d’oisillon en atténue (faiblement) l’intensité.

  24. Kyra Dit:

    D’accord avec ce qu’a écrit Emeraude , j’ai eu à soigner il y a quelque temps un couple dans une situation similaire . Après bien des détours j’ai fini par découvrir que le misérable  » M. Robert » avait tapé sur sa femme pendant 40 ans…
    Pourquoi n’a-t-elle jamais rien dit? Pourquoi n’a-t-elle pas fichu le camp???
    insondable mystère des femmes battues!

    Ceci dit c’est peut-être une authentique mégère…ça n’est pas une espèce en voie de disparition!

  25. Anonyme Dit:

    Retenons nous de juger, c’est parfois (souvent!) difficile.
    Mme R. agit-elle par vengeance, dresse t’elle une façade pour les tiers, s’est-elle construit une carapace devant sa propre soufrance à voir l’être aimé déchoir ainsi et souffrir?
    Notre rôle n’est-il pas de tenter d’accompagner au mieux de nos connaissances « nos » patients, de temps à autre de les soigner, rarement de les guérir.
    Merci pour votre blog que je découvre, et merci à Gilles Perrin.

  26. Tadou Dit:

    Très beau texte.

    J’ai découvert votre site depuis peu et j’aime vraiment beaucoup votre style, votre humanité.

    Au début, je ne comprenais rien à cette histoire d’ours récurrente et je n’ai eu de réponse qu’après avoir lu tout le fil (à l’envers).

    J’aime bien aussi les « mots de patients ». J’ai essayé de cliquer dessus en espérant les faire tous apparaître, et j’ai fait chou blanc. Y-a-t-il un moyen d’y avoir accés ?

    Merci .

  27. tout est lié Dit:

    elle fait chier la pute qui gueule sur son mari

  28. mg Dit:

    j’ai envie de rajouter pour le débat une autre vision possible: donner de » force « (les piqures) des médicaments oui si nécessaire mais parfois l’écoute peut être suffisante(en cas de douleur morale, mais, me diriez vous, comment faire la différence entre douleur physique et morale, c’est un autre débat); cette histoire fait résonner (raisonner) en moi le cas d’un patient en stade terminal d’un cancer qui était « une douleur » à lui tout seul et sa femme une « Mme Robert » ; et un jour qu’elle m’avait encore plus énervée à parler tout le temps à sa place j’ai réussi à demander à cette femme de sortir de la chambre (en fait j’avais parlé de ce cas dans un groupe de médecins qu’on appelle groupe Balint et le groupe m’avait renvoyé que peut-être la femme « remplissait » par la parole pour calmer son angoisse de la mort et que peut-être il fallait que je les sépare pour la consultation) …et il a pu me poser la question  » vais-je mourir? » .J’aurais pu lui répondre comme j’ai fait souvent en bottant en touche une phrase du genre « oui comme tout le monde » et changer de sujet en parlant de sa constipation et de ses douleurs physiques; mais soutenu par la présence virtuelle de mon groupe je me suis entendu lui répondre: » vous voulez qu’on en parle?  » et m’asseoir à coté de lui sur son lit.Il a pu ainsi parler de son angoisse de la mort, de sa mort et surtout après, de sa vie. Il est mort trois jours après avec beaucoup plus de serénité et sans douleur…et toute la famille m’a harcelé pour me demander ce que j’avais dit et fait! j’ai répondu que je n’avais rien dit mais que je l’avais écouté parler de son angoisse de la mort. Je n’ai jamais revu la famille dont j’étais le médecin et à l’époque cela m’avait fait mal; je sais maintenant, avec le recul, que c’est normal et fréquent que l’on quitte son médecin après le décès d’un membre de la famille que l’on a accompagné pendant des mois jusqu’à sa mort.

  29. patiente Dit:

    Simple patiente, j’ai découvert votre blog depuis peu.
    Je ne suis pas médecin, mais à vous lire, j’en apprends beaucoup!
    « groupe Balint » par exemple je clique et je découvre…
    Merci à vous Docteur Jaddo!…

  30. patiente Dit:

    Je repense à mme Robert. Elle est persuadée d’être plus forte que son mari parce qu’elle fuit la réalité. Quand son mari va mourir, ça va lui remettre les pieds sur terre.

  31. Estelle Dit:

    Je voulais juste dire un mot à mg : c’est génial d’avoir permis à quelqu’un d’exprimer sa douleur.
    La c’était particulièrement « grave » mais il y a plein de petits drames qui sont difficiles pour le « patient » et incompréhensibles pour le corps médical qui a vu pire… ou qui ne sait pas quoi dire et qui cherche à consoler.
    Consoler, c’est raisonner, c’est nier la souffrance.
    Quand on m’a annoncé ma deuxième césa j’ai bien sur dit oui (il n’y avait plus rien d’autre à faire, même si je suis reconnaissante à mon gynéco de toujours faire mine de me laisser le choix). Mais j’ai fondu en larmes : c’était huit mois d’espoir et de bonnes nouvelles qui s’écroulaient soudain (surtout que 2=3).
    L’infirmier anésthésiste s’est senti obligé de me consoler, surtout après la défection de la sf. J’avais pas besoin qu’on me dise que j’allais bien, mon bébé aussi, que c’était mieux pour tout le monde et que j’allais bientot avoir mon bébé avec moi. Ca je le savais, je n’aurais pas dit oui sinon, et après avoir pleuré ce que j’avais à pleurer j’allais très bien, plus en paix avec moi même qu’après ma premiere césa.

    Parfois on a juste besoin de vider ce qu’on a sur le coeur, en pleurant, en criant, en parlant… là on a besoin de quelqu’un qui écoute et accepte cette douleur, sans la juger, sans la nier, sans en rajouter une couche. Juste écouter… c’est très difficile je le sais bien. D’ailleurs, je suis à peu près sure que si c’est trop difficile vos patients vous serait reconnaissant si vous disiez quelque chose comme « je vois que vous souffrez beaucoup, que ça a beaucoup d’importance pour vous et/mais je ne suis pas en mesure de vous consacrer le temps/la disponibilité nécessaire pour écouter votre peine »
    c’est toujours mieux que ‘ne pleurez pas, ça va aller !’

  32. Rodrigue Dit:

    Très beau texte. Merci.
    La seule façon de soigner Mr Robert: foutre Madame à la porte le temps de la visite. Et que ce soit l’occasion de l’hospitaliser, pour qu’il soit vraiment soigné

  33. LFC Dit:

    Rencontré une Mme Robert en consultation d’onco/radiothérapie à l’hopital. M Robert n’a pas sorti un mot de la consultation, mais Madame savait tout, tout, tout… elle savait même que M Robert « n’avait aucun problème pour aller à la selle, ah ça, non ! » et « qu’il a un peu moins mal depuis qu’on a monté les doses d’Oxycontin° ».

    De ma place d’externe, c’était totalement déconcertant. Et je crois que ça ne l’était pas moins pour le médecin.

    J’ai l’impression de relire la même histoire ici.

  34. DrLettie Dit:

    Bonjour, je viens de découvrir ton blog alors je lis un peu tout en vrac.
    J’ai connu une Mme Robert moi aussi au cours de mes remplacements. Son mari mourant était plein d’escarres à force d’être allongé sur son lit et au cours d’une de mes premières visites chez lui je leur ai proposé de s’équiper un peu: lit médicalisé, matelas anti-escarre, fauteuil coque pour qu’il puisse faire autre chose que rester dans son lit pas confortable toute la journée…
    Elle m’a répondu que tout ça prendrait beaucoup de place et qu’elle ne saurait pas quoi en faire « après »…
    Devant lui !!!
    Salope…

  35. Marie Dit:

    Je lis ton blog en long, en large et en travers depuis deux jours, tu cites Pennac, Brel (souvent), La cité de la peur et Kaamelott, alors moi, étudiante infirmière pathologiquement amoureuse de toutes ces références, je t’aime. Comme ça, c’est dit.

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