Epique équipe

6 janvier, 2008

Dans la plupart des services où je suis passée, j’ai été la grande chouchoute de l’équipe paramédicale.

Grâce à mes hauts faits. Très très hauts. Voyez plutôt :

– Je dis bonjour
– Je dis bonjour en souriant !
– J’essaie de contourner le sol encore mouillé qui vient juste d’être lavé au lieu de marcher dessus avec mes gros sabots genre C’est-pas-tout-ça-mais-j’ai-des-vies-à-sauver
– Je dis s’il vous plaît quand je demande un truc
– Le matin, avant le tour, dans le dossier des patients, je lis aussi les transmissions des infirmières et des aides-soignantes.

Et plus sérieusement :

– J’ai compris depuis longtemps qu’une infirmière qui a plusieurs années d’expérience dans le même service sait plus de choses que moi qui vient de débarquer, et j’écoute les conseils et les réflexions qu’on me fait.

– J’ai appris depuis longtemps que l’équipe paramédicale est une source précieuse d’informations sur le vrai état des patients. Qui disent toujours « Ca va très bien » au médecin, et « J’ai trop mal« , ou « Je suis constipée« , ou « Je ne veux pas qu’on me transfère dans cet hôpital, c’est trop loin de chez moi » aux infirmières et aux aides-soignantes.

– J’ai une sincère et profonde admiration pour leur travail, qui va très, très au delà de la bête exécution des gestes techniques qui sont prescrits.
Parce qu’elles passent chaque minute auprès des patients, de leurs douleurs, de leurs questions, de leurs plaintes, quand on peut se réfugier derrière nos dossiers et nos chiffres.
Parce qu’elles sont la chair à canon des urgences, parce qu’elles sont au front, et que ce sont elles qui reçoivent en pleine face l’agressivité des gens. Qui sont odieux avec elles et adorables avec nous, puisqu’ on est LE DOCTEUR.
Parce ce que ce sont elles que les patients engueulent quand ils attendent depuis trop longtemps dans la salle d’attente, alors que c’est nous qu’ils attendent.
Parce qu’aux urgences, elles ont la très lourde, et très médicale tâche de repérer si un patient est « grave » ou « pas grave », et de nous alerter en fonction.
Parce que ce sont elles qui attirent notre attention sur le petit qui n’a vraiment pas l’air bien, et qui, parfois, en définitive, lui sauvent la vie.
Parce qu’elles sont nos yeux, nos oreilles, notre adrénaline, et que c’est nous qu’on remercie à la fin.
Parce que pas plus tard qu’aujourd’hui, c’est grâce à l’une d’elle que j’ai pu rappeler un patient que j’avais fait partir avec une ordonnance de QUARANTE FOIS la bonne dose quotidienne de primpéran.

Bref, s’il existe un top-ten des personnes qu’on ne peut pas accuser de se la jouer « Toi et moi on n’est pas sur le même barreau de l’échelle Cocotte« , je crois bien que je mérite d’y figurer.

Et parfois, malgré tout, on se noie dans des conflits qu’on n’a pas déclenchés. Parce qu’on tombe sur quelqu’un qu’on a trop souvent pris pour un con, ou parce qu’on tombe sur un con authentique.
Parfois, tout devient sujet à polémique. C’est la compétition permanente. Ahahah, il va bien voir, l’interne, que j’en sais plus que lui et que je ne suis pas qu’une infirmière à la con.
Non mais je sais, hein, ce n’est pas la peine de t’acharner à le prouver comme ça. Ce n’est pas la peine de chercher la petite bête dans la moindre de mes prescriptions. Ce n’est pas la peine de me le dire sur ce ton triomphal. On pourrait peut-être juste discuter, simplement, de ce qu’on pense meilleur pour le patient. Sans compétition, sans concours, sans sous-entendus, sans guerre des classes inutile, inopérante et absurde. Avec des mots. En équipe.
En équipe, quoi, merde.

Tout ceci devait être le préambule à mon histoire avec le brancardier de réa.
Comme ça commence à faire long, comme préambule, je vais m’arrêter là et me garder le brancardier sous le coude.

16 Réponses à “Epique équipe”

  1. ProfAnonyme Dit:

    Au fait, tu connais la série « Scrubs »? ça dit la même chose que toi…

  2. Buzzr Dit:

    Merci de cette reconnaissance! ça fait du bien!
    Si seulement tout le monde se rendait vraiment compte de notre travail!!!
    Buzzr, futur infirmier qui rend son mémoire demain…

  3. Anonymous Dit:

    ah comme j’aurai aimé rencontrer quelqu’un comme toi pendant mes stages , je me serais moins sentie martienne .
    merci encore pour tes ecrits .

  4. cathy Dit:

    Oui, oui et re-oui. Tu as entierement raison, j’aimerais bien être soignée par des gens qui ont la meme vision que toi et pas me retrouver à poil pendant des heures au milieu d’une chambre entourée de médecins qui me parlent de sudoku.

  5. mirisa Dit:

    bonjour,
    merci pour cet hommage,en tant que lectrice je suis touchée;en tant qu’infirmière,j’apprécie la pertinence de ton point de vue,tout est exact dans ta vision des choses,les bonnes comme les mauvaises.
    ton blog est dorénavant dans mes favoris.

  6. lorna Dit:

    tout simplement merci!

    merci de reconnaitre notre travail!
    ça fait du bien de savoir qu’il existe des medecins qui ne nous prennent pas pour de basses executrices…

    une infirmière

  7. 51 Dit:

    Ce texte, le précédent sur les rapports aux patients, et pas mal d’autres devraient figurer en page de garde des documents remis aux étudiants: je précise de toutes les professions médicales, para-médicales et psycho-sociales.
    Respecter ceux que l’on cotoie au travail, collègues, patients doivent être la règle.
    35 ans après mes premiers pas en médecine, merci 68!, je reste convaincu que le « patron » qui ne respecte pas le couloir fraîchement lavé par l’ASH, ne respecte pas non plus « la hernie d’hier », « l’interne rouquin de gastro », ou le reste, sauf peut-être sûrement, son porte-feuille!
    Heureusement depuis 1973, j’ai toujours connu dans les hôpitaux et ailleurs des représentants des deux attitudes, mais il faut continuer à promouvoir ce respect, chassez le naturel, il risque de revenir au galop.

  8. 52 Dit:

    heureusement qu’il y a des chics filles et des chics types. mais il y a tellement de cons. un patron qui ne repecte pas le couloir fraichement lavé par l’ASH c’est au moins une fois un con voire deux.

    une fois un con si la nana a lavé le couloir selon la méthode qui consiste a laver une moitié longitudinale après l’autre, de sorte à ce qu’on marche du côté sec pendant qu’elle lave l’autre.

    deux fois un con s’il marche dans le mouillé qui fait toute la largeur du couloir si c’est comme ça qu’elle l’a lavé et qu’il ne lui indique pas d’employer la méthode précédemment décrite.

    l’aide soignante peut-être très conne aussi quelque soit la méthode employée et dans le cas de la seconde, en refusant de pratiquer la première.

    mettez des cons dans un bâtiment, laissez- vivre, et ça ressemblera à certains services des hôpitaux même universitaires.

    de toute façon, nous sommes très forts, nous n’avons rien à changer, nous avons la meilleuremédecinedumonde et ce ne sont pas des problèmes de couloir mouillé qui vont nous faire nous autocritiquer.

  9. 52 Dit:

    rectificatif,10eme ligne, je voulais dire ASH

  10. dino externe Dit:

    ah merci pour cet article! merci de me faire sentir moins bete quand je dis merci, s’ il vous plait et que je fais attention aux autres paramedicaux, collegues ou patient.
    je me souviens dans mon premier satge d’externe, je me suis fait allumée ( pas d’autre terme) par l’ interne parceque j’ avais demandé gentiment un resultat d’examen au une secrétaire au tel: elle m’ a dit sur un ton « comme si j’ avais tué un patient »: mais tu crois quoi! t’ aura jamais rien si tu demande comme ca!! c’est quoi ca!! t’es bete ou quoi! j’étais tellement surprise que je l’ai regardé avec des yeux rond( elle doit croire que oui je suis vraiment bete) en attendant une reponse de la secrétaire… qui m’ a finallement faxé de suite le resulat( chose tres rare il parrait) et j’ai bredouillé un « bonne journée » pathétique pour moi. mais au final m’ en fiche! c’est pas parceque j’ai mis une blouse que je dois oublié que je suis un etre civilisé!

    super blog!

  11. Armageddon Dit:

    Excellent, je relis tout ce blog, tout bonnement excellent.

    Mais une question vient interrompre ma lecture passionnée : Mais ou est-elle donc cette fameuse histoire sur le brancardier ??

  12. Docmam Dit:

    Ben oui, heureusement qu’il y a des Jaddos quand même; et qu’il n’y a pas des cons partout…
    Je crois que j’ai toujours fait attention à marcher du bon côté du couloir, et m’excuser platement si je me trompais par mégarde…
    Mais en CHU j’ai quand même eu l’impression, quelque soit le service, et malgré mes bonjour-merci-au revoir de prendre pour des générations et des générations de connards qui avaient les transformer en vieilles frustrées… et c’est dommage.

  13. PtiteLau Dit:

    Merci merci merci pour ce super blog et toutes ces histoires très intéressantes et super bien racontées.

    Je vais attendre avec impatience la sortie du livre et probablement l’offrir à Noël à mes amis dans la profession.

    Par contre, je cherche l’histoire du brancardier et ne la trouve pas…

  14. Jem Dit:

    La foule réclame l’histoire du brancardier de réa !

  15. Ambroisia Dit:

    (je poste sur des vieux articles mais j’ai décidé de lire tout le blog, et comme je le fais dans l’ordre chronologique …)

    Pour ma part je fais aussi toujours attention à essayer d’être polie en toutes circonstances peu importe la personne en face de moi, question d’éducation.
    Et j’ai remarqué que le sourire, ça facilite toujours les choses !

    En plus j’ai travaillé comme femme de ménage pendant 2 étés, je sais ce que ça fait de voir son beau sol tout propre encore mouillé piétiné par des gens qui n’ont aucun respect pour ce que tu fais, alors que toi tu essaies de pas gêner tout le monde et de faire un côté mouillé et un côté sec …
    Il y aussi le fait de voir tous les jours les locaux dans un état lamentable alors que tu les laves tous les matins, m’enfin c’est une autre histoire.

    Enfin voilà je dis toujours bonjour, j’essaie de vaincre ma timidité maladive et de me présenter, je dis merci, je dis s’il vous plaît, quand je peux aider j’aide …
    Et malgré ça, comme Docmam, j’ai l’impression de prendre pour les connards, c’est désespérant à la longue d’être cataloguée dès le début et d’avoir l’impression que les efforts sont à sens unique (même si heureusement il y a toujours des infirmières/aides-soignants qui se rendent compte qu’on n’est pas tous des cons ^^)

    Remarque c’est surtout vrai en CHU, dans l’hôpital paumé où je suis en stage actuellement ça se passe très bien avec les paraméd.

  16. zelto Dit:

    Très beau billet sur les infirmières.

    Il me rappelle les 2 infirmières qui gèrent chaque jour, parfois aidées par une apprentie ou une aide-soignante, une quinzaine de patients -tous plus ou moins shootés à la cortisone, plusieurs à la morphine- entassés dans les deux salles de perfusion exigues d’un hopital de jour en rhumatologie, et cela avec tant de patience, de gentillesse, d’empathie.

    Et l’une qui une fois à pris dans ses bras un jeune femme a qui un médecin venait d’annoncer (peut être brutalement) une sale maladie.

    Sans elles ces journées à l’hopital auraient été insupportable.

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