Le fax est cassé, bisous !

26 octobre, 2010

On lit des choses passablement déprimantes sur l’avenir de la médecine générale, ces temps-ci.
Que tout va foutre le camp ma bonne dame, que la sécu va péter, que les médecins partent à la pelle et ne seront pas remplacés, que le système de soins va s’écrouler.
Que ça va être le chaos, que ça va être la guerre, que les petits vieux mettront des coups de cannes aux petites vieilles pour leur voler la place chez le médecin, qu’il faut tout ré-inventer avant de nous retrouver assis sur un tas de cendres. Tout reconstruire. Rien que ça.
Moi qui ai la flemme d’aller acheter un canapé…

Ça m’emmerde passablement. J’ai eu mon lots d’emmerdements, j’ai eu mon lot de réformes à éponger (les « années test », c’était toujours pour ma gueule…), j’ai mangé mes 9 neuf ans d’étude, j’ai fait ma jolie course d’obstacle en bon petit poney appliqué. Si c’est pour passer enfin la ligne d’arrivée à l’aube d’Hiroshima, je dois avouer que sur sur une échelle de 1 à 10, ça ne me fait pas chier qu’à moitié.
Le truc, c’est qu’ j’ai pas d’idée M’sieurs Dames. Pire que ça, j’ai pas d’opinion. Les syndicats, les débats sur la sécu, sur les ministres, sur les finances, ça m’en cogne une sans bouger l’autre. J’ai pas appris à penser à si grande échelle. J’ai essayé d’apprendre à soigner les gens et à m’occuper de mes malades, et c’est déjà bien assez dur comme ça. Vous m’excuserez de ne regarder que mes pieds ; c’est que si je ne les regarde pas, je trébuche et jme casse la gueule.
Je sais bien que j’ai tort. Je sais bien. S’occuper de ses malades, c’est bien joli, encore faut-il vivre dans un système qui le permet, et encore faut-il se battre pour ça. Je sais.
J’aimerais être de celles qui vont au front, de ceux qui mènent la bataille ; je pense que je ne suis simplement pas taillée pour.

Alors à mon petit niveau, grimpée sur ma petite échelle, je vais faire comme d’habitude : je vais vous parler de mon petit nombril et vous raconter pourquoi moi, je ne m’installe pas encore.

1) Je ne m’installe pas parce que j’ai pas ma thèse, de une. Ce qui, vous me l’accorderez, est une raison à part entière. J’ai beau twitter régulièrement des offres alléchantes « Achète thèse de médecine générale, même médiocre. Bon prix. PS : je couche. » , j’ai beau attendre de voir si elle serait pas livrée en cadeau bonus avec les 10k points de hauts-faits sur Wow, j’ai beau attendre de voir si par hasard elle s’écrirait pas toute seule vu qu’elle me doit bien ça, cette salope, le constat reste le même : j’ai pas ma thèse. Hop.

2) Je ne m’installe pas parce que pour le moment, j’adore absolument ma façon d’exercer. Pour le moment, je fais des remplacements fixes : tels jours chez le Dr Carotte, tels jours chez le Dr Cerise. Et c’est assez simple : j’ai tous les avantages de l’installation et aucun de ses inconvénients.

– Je n’ai pas à courir à droite et à gauche, me réhabituer à chaque fois à une nouvelle façon de faire, à un nouveau logiciel, à de nouveaux patients, essuyer leurs regards déçus et surpris, recopier des ordonnances avec lesquelles je ne suis pas d’accord parce que ça ne sert à rien d’essayer de révolutionner une affaire qui se passe sans moi. Bref, je n’ai pas à prendre de train en marche.
– J’ai ma patientèle, à moi, de gens que je suis et que je revois régulièrement. Les gens qui veulent me voir, ils savent quels jours venir, et ils viennent ces jours là. Je les suis, sur la durée, en vrai. Je peux construire des choses avec eux, comme un vrai docteur qui a sa plaque dorée sur le pas de la porte.
– Je ne gère absolument rien. C’est d’un repos indécent. Le loyer, la femme de ménage, le secrétariat, les emmerdes avec la sécu : repos. Quand le fax est cassé, je prends un post-it, j’écris « Le fax est cassé, bisous ! » et je le colle sur le fax. Ou alors « Il n’y a plus de formulaires de demandes d’ALD, il faudrait en commander, bisous ! ». J’ai deux chèques par mois à encaisser, je n’ai pas besoin d’avoir un compte professionnel à la banque. Les impayés (les chèques sans provision, ou le bon quart des consults CMU que la sécu ne paiera jamais) c’est le médecin que je remplace qui me les paye de sa poche. (Ouais, je sais, c’est dégueulasse)
– Parce que les médecins que je remplace sont fabuleux, je ne suis jamais seule. Quand un dossier est difficile, je peux leur en parler. Je peux suivre leur travail, je peux voir ce qu’ils font, je peux continuer à apprendre en toute sécurité. Quand un patient me gonfle, je peux lui suggérer habilement de revenir plutôt les jours où je ne suis pas là. Quand une situation est merdique, je sais que j’aurai une autre paire d’yeux pour m’aider à la gérer.
– Je n’ai aucun engagement. Si après-demain, l’envie me prend d’aller remplacer 6 mois en Martinique pour plonger et me pogner la gueule au Ti Punch, je peux. Bon, ça n’arrivera pas parce que les médecins que je remplace sont fabuleux, et que je ne leur ferai pas ce coup-là, mais sur le principe, je peux. ((Corollaire : ils peuvent aussi me dire après-demain qu’ils n’ont plus besoin de moi et que je dois arrêter de les remplacer. Ils ne me feront pas ce coup-là parce que je suis fabuleuse, mais sur le principe, ils peuvent.))
– A l’heure où ma vie personnelle n’est pas encore construite, je ne m’enchaîne nulle part. Si mon amoureux de demain habite à Marseille, je peux aller poser ma plaque à Marseille.
– J’ai le confort monumental de bosser à mi-temps. Et encore, un petit mi-temps. Et ça, pour jouer à Wow écrire sa thèse, c’est quand même le luxe absolu. Pour aller à la banque / chez le coiffeur / à la poste aussi.
– Bosser à mi-temps, ce n’est pas confortable que pour aller à la poste. C’est aussi confortable pour prendre le temps de faire ses demande d’ALD au calme, rappeler les patients pour prendre de leurs nouvelles, organiser une hospitalisation, se renseigner sur le syndrome de Drogfur Marlingbourg qu’une patiente nous a sorti de derrière les fagots, se restaurer après une journée trop remplie et attaquer la suivante sereinement. Je suis hyper admirative des médecins qui bossent à temps plein et qui continuent à faire du bon boulot sans finir par avoir envie de prendre un patient pour taper sur l’autre.
– Oui, je gagne suffisamment ma vie. Certainement pas pour longtemps, certainement pas assez pour une vie de famille, mais pour ma vie d’étudiante attardée qui n’a guère d’autres dépenses que ses sorties, ses clopes et sa connexion internet, c’est tout à fait assez.

Alors, oui, si je m’installais, j’aurais la fierté d’avoir un joli ordonnancier à mon nom et une jolie plaque dorée dans la rue. Je les prendrais en photo et je les enverrais à Maman. Jusqu’ici, je m’en passe.
Alors oui, si je m’installais, je mettrais ce que je veux dans la salle d’attente, je m’organiserais comme je veux, j’aurais des gants à ma taille et de quoi faire des frottis. Mais encore une fois, il suffit de bien choisir les gens qu’on remplace pour que leur système colle à peu près au nôtre.
Alors oui, si je m’installais, je n’aurais plus à entendre « Ah… C’est pas le Docteur Carotte aujourd’hui… Bon… Bin comme je suis très malade, je vais venir quand même, hein… »

Que les choses soient claires : oui, à terme, je veux m’installer. Je veux tout ça. La plaque dorée, MES patients encore-plus-à-moi, mes règles, mon organisation. Et à terme, plus que des Mme Pouteau.
Mais j’ai le temps.
La vie m’a suffisamment gâtée jusqu’à présent, je sais qu’un jour elle m’amènera des choses qui me donneront envie de me poser, là et pas ailleurs, avec ces gens-là et pas d’autres.
Pour le moment, j’ouvre grand les yeux, j’apprends et j’attends.

Nougat et tartinettes

13 octobre, 2009

Âmes aguerries et vomisseurs de bons sentiments s’abstenir, je vais faire un post à l’eau de rose et l’assumer.
Ça va dégouliner de guimauve et de barbes à papa. A ceux qui supporteraient mal les barbes à papa à lire, j’ai d’autres suggestions d’utilisation moins romantiques mais passablement rigolotes pour donner le change.
Mais j’en ai un peu marre de vous raconter mes foirades et mes échecs.
Bien sûr, c’est plus facile de parler de mes doutes. C’est plus culotté, c’est plus blockbuster, c’est plus sensationnaliste.
Alors que mes fiertés, mes petits bonbons glanés à droite à gauche, c’est moins spectaculaire. Parce que c’est plus démago, déjà, et parce que c’est plus discret. Je ne contiens pas des hémorragies en clampant des aortes à mains nues avec les dents, alors ça en jette moins qu’un bon gros aveu de mauvaiseté.
Mais quand même, ça compte.

Avant-hier, j’ai reçu Emma, 18 mois, toutes ses dents et surtout tous ses pieds, qu’elle me balançait gaiement à la figure dès que j’étais dans le périmètre le permettant. La mère s’excusait : « C’est tout le temps comme ça, depuis sa bronchiolite, même le Docteur Cerise n’arrive plus à l’approcher ».
Une furie. Je ne suis pas mauvaise pour amadouer les gamins, mais celle-là était enragée que Chucky à côté c’était Princesse Sarah.
Il était 15 heures et j’avais une seule personne dans ma salle d’attente. J’ai remonté mes manches et j’y suis allée.
A 15h40, elle penchait la tête vers la gauche pour me laisser voir son tympan droit dans un calme Baudelairien.
A 15h42, elle mettait elle-même le bâton dans la bouche la plus grande ouverte du monde.

Il y a deux semaines, j’ai revu ma mauvaise patiente de 19 heures.
Parce que la fois dernière, quand même, à la fin de ma consultation j’avais eu le temps de me dire dans ma tête tout ce que je vous ai dit dans mon post plus tard. Je lui avais dit que j’étais désolée, mais qu’elle méritait que je prenne plus de temps avec elle parce que son cas était compliqué, et qu’il fallait qu’elle prenne rendez-vous, et qu’elle ne pouvait pas débarquer comme ça à 19h si on voulait faire du bon travail. Elle m’avait fixé de ses yeux hagards et elle avait bavouillé un vague mot.
Et contre toute attente, elle a pris rendez-vous le vendredi suivant.
Contre toute attente encore, elle est arrivée presque à l’heure. Sept minutes de retard, mais comme j’avais bloqué 2 rendez-vous pour avoir le temps, ça n’a pas été trop pénalisant.
Je lui ai dit « Merci d’avoir pris rendez-vous ».
Elle a dit « C’est moi qui vous remercie ».
Et on a fait du bon travail.
Je pense qu’elle a un cancer et que son fils lui cogne toujours dessus, mais cette fois on a avancé.

Avant-hier, j’ai reçu la mère de M. Paty, que je n’avais plus revu depuis plusieurs mois.
M. Paty était venu dans le cabinet du Docteur Cerise parce qu’il n’en pouvait plus d’avoir mal au ventre depuis des années. Il m’avait raconté son désespoir grandissant devant les examens toujours normaux, les médecins de plus en plus indifférents et sa révolte contre tous ceux qui lui répétaient qu’il n’avait rien et tous les médicaments qui ne marchaient pas. Le dernier médecin, aux urgences, lui avait collé du Xanax qu’il n’arrivait plus à arrêter.
J’avais décidé que lui, ce serait mon premier colopathe à moi. Ça s’y prêtait pour la première fois de mes remplacements : un nouveau patient, une première prise de contact. Pas un à-moitié déjà suivi par un autre qui me voyait parce que cette fois il n’avait pas pu faire autrement que venir un vendredi. Un vrai patient à moi que je pouvais m’approprier et avec qui je pouvais commencer un partenariat.
Je l’avais revu souvent au début, parce que je le faisais revenir. Une ou deux fois par mois. On a causé. On a causé plein. Au troisième rendez-vous, il avait accepté l’idée qu’on ne ferait pas plus d’examens complémentaires. Au quatrième, il avait un peu moins mal au ventre et il avait réussi à diminuer le Xanax. Au cinquième, il avait encore un peu moins mal au ventre, mais le Xanax ne diminuait plus. Au sixième, statu quo.
Et puis il n’était plus venu.
Je m’étais dit ce que je me suis souvent dit : « Tu es trop enthousiaste, tu t’impliques trop. Alors quand ça commence à foirer, les gens ne viennent plus parce qu’ils ne veulent pas te décevoir. Ils ont échoué à guérir et ils ne veulent pas t’imposer ça. A trop en faire tu as perdu le lien. »
Je m’étais dit qu’il avait rechuté et qu’il était parti tenter sa chance ailleurs, avec un médecin moins culpabilisant de bonne volonté.
Et avant-hier, donc, j’ai vu la mère de M. Paty, qui m’amenait sa fille. A M. Paty. La petite-fille de la mère, donc. Bref.
Je n’ai pas fait le lien, et j’ai fait la consultation de la gamine.
Sur le pas de la porte, en me serrant la main, Mme Paty a marqué un arrêt.
« Vous avez fait beaucoup de bien à mon fils », elle a dit.
Elle a dit : « Il attendait ça depuis longtemps. »
En fait, M. Paty ne venait plus parce qu’il est guéri. Il a arrêté le Xanax, et quand il a mal au ventre, il se concentre pour que ça passe et ça passe. Des fois, il prend quand même un Carbosymag, mais pas souvent.
Et putain, j’ai fait ça avec ma bouche et les mots qui en sont sortis. Sans médicaments, sans examens, sans spécialiste. Ma bouche et mes oreilles.
Ça ne m’était pas venu à l’esprit que peut-être il ne venait plus parce que tout allait bien.

Allez, parce que j’aime pas bien que le premier post qu’on lise en arrivant ici soit le suivant, parce que Lala l’a gentiment demandé il y a déjà plusieurs mois, parce que ça s’accumule, et que du coup, je vous préviens, c’est long :

Catégorie « Ils sont venus me faire coucou gentiment », et c’est bien naturel que je réponde :

ah mais oui mais non non non salu jaddo
Salut :) Lithotypographie lithotypographie lithotypographie !!
jaddo t’es là?
Bin non, pas trop, non…
google c’est le mail de jaddo
J’avoue…
jaddo a dressé mon ours
Oh.
jaddo petit coucou d’une fidèle pas dresseuse d’ours mais interne de santé pub
Coucou !
jaddo je veux etre dans les stats et j ai retenu la date de mes règles!
C’est fait ! Et c’est bien, bravo. Vraiment.
amoureux de jaddo est trop fort
Oui, je sais :)

jaddo, j’adore.
Coucou ! Merci !
jaddo c’est la plus belle
Coucou ! Merci !
spéciale dédicace à la dresseuse d’ours!
Coucou ! Merci !
– jaddo, une des meilleurs médecins blogueuse de la toile
Coucou ! Merci !
jaddo fait des choses pas nettes avec les ours
Coucou ! Toi-même.
jaddo rrr fumer ça fait tomber les couettes
Coucou ! Toi-même.
faire tourner jaddo dans un film porno avec des infirmières
Coucou ! Toi-même.
arretez de delirer jaddo
Oui, ok, oui, je veux bien.

Catégorie « Ils sont venus me faire coucou », et ils inventent la drague via recherche Google :

Sous catégorie « Trop mignon » :
j’aurais vraiment (d’ours) grand plaisir à (ours) boire un café avec vours
juste (ours) comme ça (ours) juste une fois, pour (ours) un café-couettes

Sous catégorie « Moyen mignon » :
je fantasme sur les couettes de jaddo
site:jaddo.fr jaddo je t’aime, fais moi des enfants. maintenant.

Catégorie « Ils sont venus me faire coucou », et ils se posent de drôles de questions :

tu pars où en vacances cet été jaddo ?
Je sais pas.
jaddo a t-elle vraiment des couettes
Ca dépend des fois.
qui est jaddo
C’est moi.
qui est le docteur rrr juste avant dresseuse d’ours
Bin c’est moi. Vous avez de drôles de questions.
avis consommateurs sur jaddo
Je veux bien des retours.

Catégorie « Les ours,  on sait toujours pas combien il en reste dans le monde, et maintenant on se pose d’autres drôles de questions. »

probleme d’ours malade perd ses poils docteur d’ours
probleme d’ours malade qui a un oeil jaddo
pour rassemblé les bras des ours
les histoires d’ours finissent mal en général
Elles aussi, hélas.
coment dessiner une tete d’ours gratuit
combien reste t il d’ours dans mon bol ?

Catégorie « En médecine aussi on se pose des drôles de questions » :

prise tension arterielle le brassard serre parfois plus que d’habitude
Voilà qui est diablement intrigant. Ce doit être un complot.
mon labo prend 2 fois plus sang que mon ancien labo
Quand je vous le disais. Complot !
j’ai accoucher à lariboisiére et j’ai pas payé qui à payé pour moi
Complot, complot, complot !
comment faire croire au docteur que l’on allaite
Des complots partout.

obligation du médecin généraliste de se déranger si j’appelle en fin de consultation
Manquerait plus que ça.
comment appelle ton un docteur pour les verrous sur tulle
Un verrous-sur-tullologue. Mais c’est comme oto-rhino-laryngologiste, personne ne dit ça, c’est trop long. On dit « Docteur, il me faudrait un papier pour aller voir mon tullo. »
taille d’une fille apres les regles
Ca dépend de la quantité de sang qu’elle a perdu.
doit je faire la priere j ai mes regle depui 9jours
Attention tu vas devenir toute petite !

les cordonnier de medecin qui font methode pour choisir le sexe de bebe
Une méthode bête comme ses pieds ?
comment obtenir un compte rendu d’hispotalisation
Avec les cordonniers de l’hôpital.
comment faire pour regarder motus
Suffit de se faire hispotaliser.

qui sont les gens qui ne peut pas apprendre les antibiotique
Moi !!
opérations d’un bébé de 9 moi d’un air de yeux
Ca sent les herbes, et vraiment, je ne trouve pas, et je suis vraiment curieuse de savoir. Si quelqu’un a une idée…
comment regler un probleme d’erection avec du sel?
Essayez + citron + téquila

peut-on etre enceinte a partir d’un pinceau
Le plus souvent, c’est pas comme ça qu’on le fait.
quand prevoir une grossesse apres une amygdalectomie
Le plus souvent, c’est pas par là qu’on le fait.

Catégorie « Je dépose des questions sur l’autel de Dieu-Google, je mets des bougies autour du PC et j’attends une réponse » :

comment ce dit le rhinocéros déshydrater en anglais?
Dehydrated rhinoceros ?
c dangereux 1 petit grain de beauté c normal qui pent ??
Les enceintes vibrent, l’écran devient sombre, la voix sourde de Google résonne…
si j ai fini 6 secondaire apres c’est quel classe
lentille dieu du travail je merite nettoie ta merde?
Même Google n’a pas compris la question.

que veut dire peu probable
Mmm. Ca veut dire « peu probable ». Je ne vois pas quoi te dire d’autre.
mon amour méme t’il vrément
Je sais pas mais tu mérites pas.
c pa grave ma belle ben j’espere ke t’as bien terminé l’examen
Ok on lui transmettra.
femme attachee disant mmmmmm
Voilà enfin une recherche précise. Les femmes attachées disant « mmmmmm ». Pas « Mmm » ni « Hmmm », attention.

Catégorie « Ca va mieux en le disant » :

les femmes enceintes font chier
la beuh c est pour les geeks
j’ai couché avec mon chef de service
oups j’ai baisé la femme de menage
(J’ai glissé)
dupagne coup de pied au cul

Catégorie « Gneu ? » :

dresseuse a macaron moins cher
Par là.
la case du cas n’est pas couché
Nous non plus.
les nouvelles tendances en soins intensifs aux externes et oui
Et oui !
merci pour votre attention mai moi je demande rien juste une simple amitie
Ok.
il est tombé, ceci dit savon
Mmm…

en voyant comme im a collé ici et votre collé là a juste cru que je dirais bonjour dans le français cette fois et vous verrais quand je rentre
Okaaaaaaay…
attise tes desirs pour 15 euros le quart d’heure + vis ma vis
Visse ma vis ? Petit coquin, va.
une femme qui n’est pas emmerdante c’est comme si elle avait un beau cul brassens
Mmm. Je crois que t’as pas tout compris la chanson. Je te la remets, écoute attentivement, et jusqu’au bout. Cette vidéo c’est du bonheur en barre.

Et zut, elle est cassée ma vidéo. Bon, sinon elle est là.

> Préambule à Thomas :  je décline toute accusation de plagiat. Jte signale que c’était mon titre avant le tien. Sauf que bon, ok, tu l’as publié avant. Moi je dis, il y a des hasards qui n’en sont probablement pas…
> Préambule aux lecteurs non-médecins : je sais, c’est bourré d’abrévations obscures. C’est le principe du carnet à spirales. J’essaie de vous aider dans le premier commentaire.

Vendredi  après-midi

1) M. Macrin. Toujours aussi mal, toujours sous morphine ET antidépresseurs ET Lyrica ET Rivotril. Va falloir songer à baisser tout ça.
On réussit enfin à parler un peu plus de son moral et un peu moins de son dos.
Etait chef d’entreprise en Roumanie, est agent de sécurité en invalidité en France… « Ne sert à rien », « Le monde se porterait mieux s’il n’était plus là ». Joue au backgammon. Je le sens bien s’investir dans des associations caritatives, l’idée semble lui plaire. Majoration des ATD. Me remercie cent fois avant de partir. M’a amené un lapin en chocolat.

2) M. Dumbo. Rhinite allergique. Xyzall Opticron Nasacort.

3) M. Poissard.  A encore eu « une crise de goutte » poignet G + cheville Dte. Ca fait beaucoup d’articulations pour une seule goutte. Ne supporte plus la Colchicine (et tant mieux du coup) ; Zyloric baissé (insuffisance rénale et de toute façon indication à revoir). Grosse flemme de dépatouiller ça moi-même, CS rhumato.
Veut partir « en maison de repos aux sables d’olonnes comme la fois dernière ça lui avait fait tellement de bien ». Je botte en touche, se renseigner pour la prochaine fois.
Toujours déprimé, toujours CS sevrage benzo à prévoir.
A recroisé un amour de jeunesse, 85 ans aujourd’hui, ont essayé de faire l’amour sans succès, veut que j’arrange ça. Contre-indication formelle Viagra (78 ans, angor). Je botte en touche, prévoir baguette magique pour prochaine CS.

4) Mme Aubade. Vient en CS avec sa fille qui a oublié de faire son certif de reprise (acte gratuit).
Cervicalgies. 84 ans, rayonnante, très active, seul ttt = Esidrex qu’elle a arrêté de prendre car elle « n’est pas trop médicaments ».
Ttt antalgique a minima, je ne suis pas chaude pour lui coller des anti-inflammatoires, trop en forme pour risquer de tout gâcher. Revoir si persistance.
TA 190/110 contrôlée aux deux bras, reprendre Esidrex. Balance bénéfice risque détaillée avec la patiente, je pense l’avoir convaincue.

5) M. Farid. GEA probable mais douleurs assez localisées FID quand même. Ttt sympto et surveillance de près.

6-7) M. et Mme Brun, 72 et 68 ans.
Lui : pneumopathie meumeu, vu par pneumo en urg ce matin, mis sous Augmentin. Dyspnée ++ à la parole, crépitants sibilants bilat ++, EG égal à lui même : claironne et sourit, fait des blagues. PO 140 cm, 115 kg. TA 150/90. RO et critères de surveillance expliqués. Veut partir en Bretagne pour anniv de mariage en juin : ok j’espère. Ancien danseur passionné (rock et tango).
Elle : RO. Inquiète pour son mari. Insomnies (mais il ronfle beaucoup malgré l’appareillage) TA limite. Bio à prévoir la prochaine fois. 1m55 53 kg.

8-9) Enfants de la Roche, 6 et 8 ans.
Lui :  Laryngite. Celestène.
Elle :  Pollakiurie et brûlures mictionnelles récidivantes, toujours sans fièvre, avec toujours BU et ECBU neg. Disparition des spo en vacances, la mère avance d’elle même un contexte de stress. Echo de principe avant CS pédopsy au CMPP (je ne me sens pas de gérer seule). Avec une mère pareille je la comprends.

10) Mme Lachaise. Gros rhube. Veut s’y prendre tôt avant que ça tombe sur les bronches. Rhinotrophyl Doliprane Couette DVD.

11) Enfant Lepeigne. 
Examen des 9 mois + toux fébrile depuis 24h, terrain atopique mais pas d’atcd perso d’asthme ou bronchiolite. EG pas si mal mais grognon et diminution de l’appétit (50% rations habituelles).
Crépitants base droite. Pas de signes de gravité ni de détresse respi, mère cortiquée.
Augmentin, bio et radio en urgence. Consignes surveillance.

12) M. Mehoul. 34 ans, 2ème consultation au cab, 1ère avec moi, fille de 9 ans présente. Diabète ++ a priori, méprisé depuis des années, arrêt de tout traitement, notion de cholestérol.  Histoire difficile à reconstituer, il faut à la fois être légère et aller vite (résistance importante et risque d’être contre-productive…) et ne pas passer sur la gravité potentielle de la situation. Refuse en bloc toute exploration, a déjà arrêté alcool et cannabis (1 bouteille whisky – 20 joints/j), et « c’est Dieu qui décidera quand il doit mourir de toute façon ».
J’essaie d’ouvrir une porte doucement mais fermement. Difficulté supplémentaire du fait de la présence de la fille. Je gère mal, trop brutale ++ pour elle. 
A moitié dans la provoc (rien à foutre, tout ça il en veut pas, dieu etc) et à moitié dans la séduction (mais pour moi il reviendra, j’ai tellement bien soigné sa fille la fois dernière, pas comme ces cons à l’hôpital, je suis un tellement bon médecin…) Ca s’annonce dur.
Motif de CS = abcès inguinal pas encore prêt pour incision, soins locaux et surveillance.  

Interlude 12-13) Coup de fil de l’hémato de Mme Fernandez. Nouvelle transfusion aujourd’hui comme prévu, mais altération de l’état général importante, échappement thérapeutique, hyperleucocytose majeure. Retour à domicile selon souhait de la famille et de la patiente, aggravation rapide à prévoir. Pas douloureuse au sortir de l’hospitalisation (à 16h) mais voudrait que je passe à domicile ce soir pour mettre en place une PCA morphine si besoin (!).
Je ne me vois pas du tout débarquer chez eux à 21h (charge anxieuse, bonjour :))  pour réévaluer une douleur inexistante 5h avant et mettre en place quelque chose qui serait de toute façon impossible à mettre en place un vendredi soir.
Je propose de passer demain, au calme, et de me mettre en contact avec l’HAD et le réseau de soins palliatifs pour gérer au mieux le week-end.
Mme Fernandez est un amour de patiente, je ne veux pas qu’elle meure.

13) Mlle Phillipe. J+5 d’une extraction de verrues plantaires sous AG, boiterie importante, veut une prolongation AT. Plaie profonde et suintante ++ 3x1x0,5cm, je comprends qu’elle boite.
Betadine tulle et prolongation AT 2 semaines (restauration)

14) Enfant Baloumba. 2ème Engerix. Bonnes courbes, tonique et super souriante comme d’hab et comme sa mère. Exam neuro normal, Exam ORL normal, Exam abdo normal. Conseils alimentation. Verif vaccinations sur carnet du grand frère.

15) M. Bavoir. GEA. Tiorfan Vogalène Spasfon, AT 48h.

16) M. Rachis (oui, le même) Toujours en demande d’examen ++. Rachialgies persistantes, hémicorporelles irradiation crâne. Veut nouveau bilan radio, dernier <4mois normal, non. Kiné. Demande de ttt ++, veut un médicament pour la fatigue et pour l’appétit et pour le dos. Je cède sur Voltarène emulgel et bio. (dernière bio > 5 ans)
Refuse toujours de payer, n’a jamais payé et y a droit.

Interlude 16-17) Fax du labo.
> Enfant Lepeigne = 22 000 blancs, CRP en cours.
> M. Durieu = à nouveau en hyperkaliémie malgré switch Tareg > Esidrex. Appel pour demander qu’il passe demain, prévoir consult HTA et écho des artères rénales.

17) Mlle Chrétien. Consulte pour malaises bizarres avec « pression dans la nuque et circulation coupée et jambes en coton ». 
Vue la semaine dernière pour asthénie, essai bb depuis 3 ans, proposition de Rdv Gynéco avait été dure à entendre ++
Bio normale, pas d’anémie, rdv gynéco semaine prochaine. Je ré-oriente sur pb d’infertilité. Très bonne acceptation de la possibilité que les « malaises nucaux  » soient en rapport avec souffrance psy. Proposition de se revoir rapidement, rapidement acceptée. Demande si j’ai un cabinet à moi dans le coin.

Interlude 17>18>19>20>21.  Tiens, M. Boutargue est dans la salle d’attente, et tiens, il parle toujours aussi fort.

18) Mme Legoût. Rhino. Doliprane, citron chaud, couette et DVD.

19) Mlle Bango. 1ère CS, travaille à côté et MT trop loin.
Veut « juste » renouvellement Médiator prescrit par nutritionniste. 26 ans, surpoids esthétique uniquement, pas de diabète. Désolée, mais vraiment non. Je montre site de Prescrire et propose qu’elle s’informe sur internet.
Certif sport (gym et natation)
Rhinite allergique.
CMU non à jour.

20) Mme Narta. L’indienne qui m’avait épuisée l’autre jour. Parle de mieux en mieux français, CS un peu plus facile.
Pertes jaunes et prurit vaginal depuis accident de préservatif. Examen : je ne vois rien car s’est bourrée de Dexeryl, en tout cas pas de douleur à la mobilisation utérine. Dépistage MST et ttt d’épreuve mycose.
Asthénie depuis retour Pakistan, sensation de fièvre non objectivée, ras à l’examen, frottis goutte épaisse.
Toujours demande de médicaments ++ (gaviscon dexeryl locoid antadys…), je ne cède pas. Essayer de la revoir au calme sans ses enfants.

21) M. Leibniz. GEA. Tiorfan Vogalène Spasfon AT 48h.

21-22) M et Mme Boutargue.
Elle : asthénie et sdo des jambes sans repos. En fait épuisée par son mari. Bio et je propose CS moral en tête à tête la prochaine fois. Pas de ttt.
Lui : me déborde complètement une fois de plus, je perds pied. Hurle, agressif, ne me laisse finir aucune phrase, en colère contre les médecins de la terre entière, exige les médicaments qu’il veut sur l’ordonnance qu’il veut rédigé comme il veut, me demande mon avis sur son insulinothérapie mais de toute façon doit prendre un 2ème avis endoc dans 7 jours et n’écoute pas ma réponse. Je perds complètement la consultation, je me perds, je tape du poing sur la table, je jure comme un charretier. Je réponds à ses caprices par des caprices, professionnalisme zéro.
Dit que « ça se passe mieux avec le Dr Carotte », j’en profite pour proposer qu’effectivement on ne se voit plus. Je n’y arrive pas, je n’y arrive pas.
Attention à rester neutre pour la prochaine CS avec sa femme. Ne pas dire « Barrez-vous, je ne sais pas comment vous le supportez et je ne suis pas surprise que vous soyez déprimée, il m’a déprimée en 20 minutes. »

23) Mme Ferrer. Asthénie, douleur intercostale typique et troubles du sommeil.
Belle-soeur décédée K ovaire fulgurant. Examen clinique minutieux à l’extrême pour rassurer.
Tranquital, discussion ++, je pense efficace. Sort souriante.

24) Dr Jaddo.  Asthénie intense transitoire. Pas de tristesse de l’humeur, pas de signes dépressifs. Ne souhaite surtout pas d’AT, passionnée par ce qu’elle fait. Couette(s) et DVD.

Une semaine ordinaire

15 mars, 2009

Téléphone, samedi matin, 9h30

– Allo je suis bien au cabinet du docteur Cerise ?
– Oui, bonjour, je suis sa remplaçante.
– Ah, heuuu, heu, bin tant pis, bonjour. Je voudrais prendre un rendez-vous s’il vous plaît.
– Oui, quel jour ?
– Aujourd’hui.
– Mmm, j’ai un rendez-vous qui vient de s’annuler, je peux vous proposer 11h30, ça irait ?
– PAS AVANT ????

Cabinet, jeudi après midi, 17h, consultations sur rendez-vous.

Elle vient avec ses deux fils, elle a pris deux créneaux de rendez-vous, trente toutes petites minutes.
Elle a des vaccins à faire pour le grand, et la visite du deuxième mois pour le petit.
Mais les vaccins, elle les a pas achetés, est-ce-que je peux faire l’ordonnance ? Elle part les acheter tout de suite, la pharmacie est juste en face, elle en a pour 5 minutes.
Elle revient 20 minutes plus tard.
Le grand fout tous les bouquins de la bibliothèque par terre pendant qu’elle déshabille le petit.
Et puis tant qu’à faire, elle a mal à la gorge depuis deux jours, si je pouvais regarder…

Mercredi matin, 9h30, consultations sur rendez-vous.

Elle a pris un créneau de rendez-vous, quinze toutes petites minutes.
Elle entre dans le cabinet avec ses deux fils.
– Bonjour ! Alors c’est pour qui ?
– Oh, bin un peu tous les trois…

Interphone, vendredi après-midi, 18h.

– Oui, c’est pour la consultation !
– Ah, je suis vraiment désolée, je suis en train de fermer, je dois fermer tôt exceptionnellement cet après-midi, regardez au dessus de l’interphone, il y a une note qui le précise.
– Mais c’est urgent !
– Que se passe-t-il ?
– C’est mon fils, il a de la fièvre depuis ce matin, il est monté à 38,5,  je lui donne du doliprane mais ça remonte !
– Quel âge a-t-il ?
– 10 ans !
– Ecoutez, si vous voulez je peux vous voir demain matin, mais là je dois vraiment fermer le cabinet, je suis attendue pour une garde.
– Pfff, et il est pas là le docteur Cerise ?
– Non, il n’est pas là, je le remplace toute la semaine.
– Pfff déjà la semaine dernière j’étais venu, il était pas là…
– Je peux vous recevoir demain matin avec votre fils, si vous voulez. Vous pouvez continuer à lui donner du Doliprane toutes les 6h d’ici là.
– A quelle heure ?
– A onze heure.
– PAS AVANT ????

Cabinet, samedi matin, 9h, consultation sur rendez-vous.

Ils sont venus à deux.
Pour lui, je dois faire le bilan du diabète qu’on vient de découvrir, le renouvellement, la lettre pour le cardiologue, la lettre pour l’ophtalmo, prendre la tension, écouter les carotides, prendre les pouls, peser, prendre le tour de taille, écouter le coeur, vérifier la sensibilité des membres inférieurs, parler du régime et du tabac.
Pour elle, je dois faire le renouvellement, faire le bilan biologique pour sa thyroïde, lui trouver une solution pour qu’elle dorme alors qu’elle dort pas depuis deux semaines, prendre sa tension, écouter son coeur, écouter ses poumons, voir son problème de cloques qui apparaissent sur ses bras depuis trois mois et qui laissent des traces rouges quand elle les a grattées.
Pendant que je rédige la lettre pour le dermato, parce que franchement, les vésicules intermittentes prurigineuses, ça ne m’évoque rien, il me dit que oh, bin tant qu’à faire de prendre un rendez-vous chez le dermato, lui aussi il aimerait bien faire vérifier ses grains de beauté.
Je lui dis qu’on peut surveiller ça sans problème nous-mêmes, il dit qu’il préfère voir le dermato tant qu’à faire.
Je prends une feuille de papier, j’écris : « Cher confrère, Merci de recevoir en consultation monsieur Melesbrise, qui souhaite un avis spécialisé pour surveillance de ses naevus. Il me demande un courrier à votre attention, le voici. Bien confraternellement. »
Pendant que je rédige les 12 papiers :
– Lui :  « Au fait, je voulais vous poser une question. Les fourmis dans la main, ça vient d’où ?  »
– Elle : « C’est fou, hein, plus moyen de trouver un médecin ouvert le samedi. Avant, il y en avait, maintenant c’est impossible d’avoir un rendez-vous un samedi ! Pourquoi ils ne travaillent plus le samedi, les médecins ? »
– Lui : « Oui c’est vrai, parce que quand on travaille… »
– Elle : « Ca doit être à cause des contrôles de la sécu ? »
– Lui « Oui parce qu’on travaille, hein, nous ! »

Cabinet, jeudi  matin, 11h, consultations sur rendez-vous.

Elle vient pour elle et pour son fils de 3 semaines, elle a pris deux créneaux de rendez-vous, trente toutes petites minutes.
Elle arrive avec vingt- huit minutes de retard.
– Je suis désolée ! Il fallait prendre des gens avant moi !
– C’est sur rendez-vous, il n’y a pas de gens avant vous, les prochains patients vont arriver dans deux minutes pour le rendez-vous de dans deux minutes.
– …
– Ecoutez, voilà ce que vous propose. Je vais voir le petit, et je vous donne un rendez-vous pour vous demain matin ou après demain.
– Mais j’ai mal à la gorge !

Cabinet, samedi matin, 10h30, consultations sur rendez-vous.

– Bonjour :) Vous êtes Madame Chumuc ?
– Ah, non, mais j’ai pas rendez-vous !
– Ah, mais c’est toujours sur rendez-vous, le samedi matin, vous le savez bien ! C’est pour votre fils ? (NDLR : un mètre cinquante, le fils, un bon onze ans bien tassé, frétillant comme un gardon)
– Oui, il a le nez pris !
– Ecoutez, c’est sur rendez-vous ce matin, et je suis déjà en retard, il y a des gens qui attendent dans la salle d’attente. Si vous voulez, je peux vous voir à midi et demi, dans deux heures.
– Heuuuuuu… Maiheu il est très enrhumé !
– Je vois ça, mais je ne voudrais pas faire attendre les gens qui ont pris rendez-vous. Je peux vous voir tout à l’heure, ou lundi matin si vous préférez.
– Bon, pffff, bon, bin tout à l’heure, alors, à midi trente ?
– Très bien, je vous bloque à midi trente. A quel nom ?

Midi trente, elle n’est pas venue.

Téléphone, mercredi matin, 08h30.

– Allo je suis bien au cabinet du docteur Cerise ?
– Oui, bonjour, je suis sa remplaçante.
– Je voudrais prendre un rendez-vous s’il vous plait.
– Oui, quel jour ?
– Aujourd’hui. Vous avez deux minutes que je vous explique ? Je suis une patiente du Docteur Cerise, il me connait très très bien, et alors en fait c’est mon fils, il a deux mois, et il a le canal lacrymal bouché, alors il arrête pas de pleurer tout le temps, et puis on m’avait dit que c’était normal, et il y a deux mois il a eu une conjonctivite alors le Docteur Cerise lui a donné du collyre, mais là ça revient, et il m’a dit qu’il pouvait être opéré mais qu’il fallait attendre qu’il ait six mois pour voir si on opérait, alors je me suis dit que ça allait passer, et j’ai mis du collyre, mais ça passe pas, et là il a de la diarrhée et puis ça commence à gonfler en dessous de son oeil, c’est tout rouge et tout gonflé, alors qu’est ce que je fais ? Je me suis dit qu’il valait mieux passer en plus il faut faire son bilan des deux mois…
– Ecoutez, effectivement il vaudrait mieux que je le voie, j’ai un rendez-vous ce matin à onze heures trente, si ça vous convient ?
– Pfff, onze heures trente, vous n’avez rien avant ? Bon bah je viendrai à onze heures trente alors… J’en profiterai pour vous montrer le grand, il a cinq ans et il tousse depuis hier soir !
– Mmm, je suis désolée, mais en un quart d’heure je n’aurai pas le temps de les voir tous les deux, et je n’ai plus qu’un créneau de rendez-vous pour ce matin. Si vous voulez que je voie les deux, vous pouvez venir à quinze heures trente pour les consultations libres, ou alors on bloque onze heures trente pour le petit et je verrai le grand plus tard si ça ne va pas mieux.
– Mais enfin ça va aller vite !! Y en a pour cinq minutes !! Il a RIEN ! Il a UN RHUME !!
– Vous savez, s’il a cinq ans et un rhume, je ne ferai probablement rien de plus que de vous dire de faire ce que vous faites déjà : le moucher beaucoup et lui donner du doliprane en cas de besoin…
– Pfff. Bin je viendrai à quinze heures trente alors.

Quinze trente,  elle n’est pas venue, bien sûr.

J’ai un peu honte, mais je vais enchaîner ignominieusement deux articles faciles.
Après le dernier sur le thème « Huhu, et là je suis en train de boire un café », voilà que je relance avec « Le blog, google et les mots-clés, acte III ». 
J’ai honte, mais je signale que je ne suis pas la seule à avoir recours à ce genre de bas stratagème.
Et puis bon, c’est dimanche.

Catégorie « Ils sont venus me faire coucou », et c’est bien naturel que je réponde :

salut jaddo, un petit coucou d’un jeune P1
Coucou :) (C’est bon, ça y est, tu peux arrêter. 74 requêtes depuis la fois dernière, quand même, j’avoue que tu méritais ton coucou)
comment t’es trop forte jaddo
Coucou :) Merci !
bonne année jaddo ! et bonne santé surtout !
Coucou :) Bonne année !
claque pénis indien
Coucou vous tous :)
l’autre connasse sur jaddo
l’autre débile sur jaddo
l’autre pétasse sur jaddo
l’autre tache sur jaddo
jaddo est une salope
jaddo je te baise
mais quelle connasse cette jaddo
Coucou toi :)

Catégorie Reine :  « Combien reste-t-il d’ours polaires dans le monde ? »

J’avais cru à un léger retour au calme, mais non, décidément, ça reste LA question phare qui tracasse les gens qui viennent sur mon blog. Visiblement, la réponse est difficile à trouver.
Alors il y en a qui rusent :
combien d enfant peuvent avoir les ours en une fois
combien est enceinte un ours par an
comment lontemps vive t-il les ourse polaire
C’est bien joué. Vraiment. Un peu désespéré, mais bien joué.
Cela dit, et je suis navrée de venir piétiner l’immense courage avec lequel tu t’exposes à des calculs scientifiques complexes qui vont te donner mal au crâne, rends toi bien compte qu’en définitive il va manquer une donnée dans ta si noble équation.
Je te la prépare pour le mois prochain :
compien y avait-t-il d’ourses polaire a un momen dan le monde ?

Catégorie « Les ours, la suite »

ah s’ils avaient le même ours
Aaaaah, oui, si seulement…
combien de couleur peut il avoir (un ours)
42.
commentont fait quand on rancontre des ours
On part dans le sens opposé en courant. Vite. Mais surtout, avant, on les compte ! Merci d’avance pour ta participation.
je m’intéresse aux ours polaires comment faire ?
Rejoins le club ! Tout porte à croire qu’ici, c’est le bon endroit.
putin mais aider moi j’arrive pas pour se transformer en ours wox
C’est pas pour dire du mal, mais t’es mauvais, hein. Allez, je t’aide :  va parler à Turak Totem-runique, sur la Cime des Anciens des Pitons du Tonnerre (ou potentiellement à quelqu’un d’autre ailleurs, mais je vais pas commencer à aider les allys non plus). Regarde, voilà ton nouveau meilleur ami.
Ou alors, demande conseil à ton collègue, qui, à peine meilleur que toi, se demande :
que faire après avoir reçu la forme d’ours wow
Bin tu continues pareil, sauf que des fois, tu te transformes en ours. Tu verras c’est rigolo.

Catégorie « Médecine » :

est ce qu’on peut donner du doliprane et un antibiotique en même temps
Oui. Sauf que :
le medecin ne donnent plus d’antibiotique
Sale con de médecin. Du coup, je suppose que c’est toi aussi qui te demandes :
je voudrais savoir quoi qui remplace les antibiotiques ?
Mmm, je ne sais pas. Tu peux toujours essayer :
prévention otite avec urine 

peut on mourir de la super tension
Non. T’es trop mignon.
rien réviser examen pcem1 demain
Arf :-/ Je suis désolée. Sincèrement. Vas jouer à Wow, pour maintenant.
y a t il une empathie profonde pour le gachis humain de la première année de médecine
Voilà une excellente question. Amis lecteurs, si vous avez la réponse, je prends. 
et si je ne prend qu’un colchimax ?
Ce sera moitié moins que si tu en prenais deux.
humidificateur  mauvais enfants ?
Sale gosse. Allez hop, à l’humidificateur et tu reviendras quand tu seras plus sage !

Catégorie « Divers »

ah mais oui mais non non non
Allégorie à la richesse extrême de mon vocabulaire. Quand on tape « Ah mais oui mais non non non » dans Google, mon blog arrive en cinquième position. Je ne sais pas trop comment le prendre. La prochaine fois, rappelez moi de vous parler de lithotypographie.
elles font pipi apre le cafe femme salopes
Toutes des salopes. Vraiment toutes, visiblement. Les filles, surveillez vous après le café.
cherche le mot qui se place juste avant et celui qui se place juste après travail
Je propose un concours pour celle-là aussi.
Attention, « de » comptera pour un mot. Les réponses du type « Putain de » + « de merde » ne seront donc pas prises en compte.
« elle me les brise » + traduction
Un indice : c’est la même réponse qu’à la question :
comment distinguer un mal et une femme lezard barbu

Et nous clôturerons la cérémonie avec les touchants :
juste après danseuse d’ours
Presque !
mes couettes prennent trop de place
Bienvenue au club :)

A notre santé

7 septembre, 2008

Les patients qui fument, qui boivent et qui mangent n’importe quoi, ils sont bêtes.
Ils auront un cancer du poumon, une cirrhose et un infarctus.
Ils sont bêtes, et en plus ils sont méchants.
Ils se fichent bien de tous les efforts qu’on fait pour qu’ils soient en bonne santé.

Alors, une partie de notre travail, c’est de faire en sorte qu’ils ne fument pas, qu’ils ne boivent pas et qu’ils mangent des haricots verts.
Et, pour cette partie là de mon travail, je suis particulièrement nulle.

Ce n’est sans doute pas tout à fait étranger au fait que je fume, que je bois trop, que je me nourris essentiellement de pâtes, de crême fraiche et de burgers, et que le seul sport que je pratique, c’est mes 10 heures hebdomadaires de raid dans WoW.
Mais ce n’est pas que ça non plus. Je ne crois pas. Je ne sais pas.

J’ai eu un prof dont c’était le dada.
Ses yeux pétillaient à chaque fois qu’il disait les mots « prévention » ou « motivation ».
Les patients, il fallait leur faire comprendre.

Leur faire comprendre que c’est mal de manger du saucisson ; leur faire comprendre que c’est mauvais pour la santé, la bière ; leur faire comprendre que pas fumer, c’est super vachement chouette.
Leur faire comprendre.
Il était plein de bonne volonté, à nous raconter comment on fait comprendre aux gens. Et qu’il faut pas culpabiliser, et qu’il faut pas menacer, et que ouhlala les entretiens motivationnels c’est trop bien.
Il nous expliquait en long et en large qu’il ne faut surtout pas se mettre dans la position du sage détenteur du savoir qui regarde d’en haut le pauvre pêcheur en brandissant l’index et en fronçant les sourcils de l’air mécontent et déçu du bon paternaliste.
Et, à côté de ça, il disait qu’il fallait leur « faire comprendre ».

« Ah mais pourtant on y fait comprendre, hein, docteur, au petit, qu’il faut bien travailler à l’école !« …
Sic.
Je ne sais pas trop ce qu’il arrivait à faire comprendre à ses patients, mais moi, de l’écouter 10 min, ça me donnait sauvagement envie d’allumer une clope.
Ou comment expliquer qu’il ne faut pas être paternaliste tout en suant le paternalisme à grosses gouttes.

J’en ai eu un autre aussi, qui disait à ses patients qu’arrêter de fumer, c’était vraiment pas la mer à boire. Que tout ce qu’il fallait, c’était de la VO-LON-TÉ, de celles qui séparent les syllabes. Il refusait de donner des substituts, même quand le patient le demandait, parce qu’il suffisait de la vo-lon-té, et que les patchs, c’était jamais qu’une cigarette plate qu’on se colle sur le bras pour engraisser les laboratoires. (lui qui prescrivait de l’Acomplia et de l’Art 50 à tout va, sic-again…)
Parce que, ajoutait-il : « Arrêter de fumer, c’est vraiment pas compliqué quand on compare à d’autres choses. Vous vous rendez compte qu’il y a des gens qui font le tour du monde à vélo ? A-VÉ-LO ! Vous vous rendez compte de la vo-lon-té qu’il faut pour faire ça ? » (Ai-je déjà dit « Sic… » ?)

Ok, n’empêche que moi, après toutes ces heures de cours et de démonstrations de haute volée, je ne sais toujours pas comment on fait comprendre aux gens.

Quand je m’écoute prescrire un régime (« Prescrire un régime »… Une formulation presque aussi belle que « Faire comprendre »…), la part de moi qui m’observe hésite entre ricaner et me foutre une paire de baffes. Histoire de me faire comprendre…
« Hé bin ma jolie, si avec ça il se met à faire le moindre effort, ce sera vraiment parce qu’il l’aura décidé tout seul, hein… »

Je fais tout ce qu’il ne faut pas faire.
Déjà, j’explique mal, parce que la nutrition, ça me gave et je n’y connais rien. Je saurais comment y mettre de la bonne volonté que je ne saurais pas quoi dire.
J’ai bien cru comprendre qu’en théorie, y a le régime pour les diabétiques, celui pour les triglycéridiens, celui pour les mauvais cholestéroliens. En pratique, quand je lis dans mes bouquins les différents régimes, à la fin du chapitre, je me dis « Ouais, bon, moins de sucres, moins de gras, pis plus de légumes. Un régime, quoi… ».
Dans ma tête, les régimes alimentaires sont aux dyslipidémies ce que les dermocorticoïdes sont à la dermato : de toute façon, ça finit toujours pareil.

Ensuite…
Bin ensuite je ne sais pas trop.
Quand j’explique les « règles hygiéno diététiques » (voui, on appelle ça comme ça, faire la morale, en médecine. On dit Règles hygiéno diététiques. Je ne sais pas vous, mais moi, une formulation avec « règles » et « hygiénique » dedans, je trouve pas ça super sexy.), je n’arrive pas à rentrer dedans.
Je n’y crois pas.
Le type, en face, il a pas attendu 50 ans qu’une fille avec des couettes viennent lui expliquer que c’est mieux de manger des haricots verts que des pizzas, et que fumer ça donne le cancer du poumon.
A la rigueur, je veux bien lui donner des chiffres et des faits. En toute neutralité. Lui raconter que le mauvais cholestérol, ça augmente le risque d’accidents cardio-vasculaires, et que c’est lié en partie à l’alimentation, et que tels ou tels types d’aliments augmentent, ou pas, ce damné LDL.
Lui mettre en main les clés de l’équation.
A lui de savoir s’il veut essayer de la résoudre ou pas.

Peut-être que je deviendrai meilleure avec l’âge.
Peut-être que je deviendrai meilleure quand j’arrêterai de fumer.

Merci de mourir en règle

12 juillet, 2008

En ce moment, je m’occupe d’une patiente dont la mère est en train de mourir.
Comme elle ne veut pas mourir à l’hôpital, elle meurt chez elle, et les enfants se relaient à son chevet.

Elle (la mère), a le coeur qui flanche. Sérieusement.
Elle ne quitte plus sa chaise. Elle y vit, elle y mange (de moins en moins), elle y dort, aussi, parce que se coucher l’étouffe.
Elle a des jambes énormes, pleines d’eau qui finit par faire craqueler la peau. Régulièrement, sous la chaise, il faut passer la serpillère à cause de ces jambes qui ne sont plus étanches.

Elle (la fille), a le coeur qui flanche. Métaphoriquement.
Bizarrement, elle non plus ne dort plus très bien. Elle s’en veut de ne pas en faire plus, elle s’en veut de ne plus être assez disponible pour sa fille à elle, elle s’en veut de finir par espérer la mort. Et puis elle fatigue d’essayer de trouver une solution pour que sa mère arrête d’avoir si mal. Le cardiologue ne veut pas mettre les médicaments anti-douleur qui ne sont pas bon pour le coeur (sic), le généraliste renvoie à l’hôpital, l’hôpital renvoie au cardiologue.

Moi, la mère, je ne l’ai jamais vue, mais mon boulot c’est de m’occuper de sa fille.
Et je vois mal comment m’occuper de la fille sans m’occuper de la mère.
J’essaie donc de trouver un réseau de soins palliatifs à mettre sur le coup. Des médecins, des infirmiers, des assistantes sociales, des psychologues dont c’est précisément le boulot : permettre aux gens de mourir chez eux le plus tranquillement possible, sans douleur même si ça risque de déplaire au coeur qui flanche, parce que le coeur n’est justement plus au coeur du problème, et soutenir la famille qui flanche aussi.

J’appelle donc le réseau avec lequel j’ai l’habitude de travailler : c’est super pas leur secteur géographique, ils sont à l’autre bout du monde. Ils me donnent les coordonnées de leurs collègues du bon bout de monde.
J’appelle le réseau qui va bien, ils me disent que oui oui, c’est leur secteur, pas de problème. J’explique un peu ce que je sais de la situation, de la fille, des professionnels sur le coup, de la mère.

Aaaaaaaaaaaah mais oui mais non.
Insuffisance cardiaque terminale, vous dites ? Ah, non, eux ils font que les cancers. Pas eu les subventions pour se payer le luxe des autres maladies.
Ah mais j’appelle qui, alors, pour ma dame qui se meurt ?
Aaaaaaaaah, ils savent pas du tout. Truc ils font pas cet endroit là, Machin ils font que l’hôpital et Chose c’est pas le secteur non plus.

Donc j’ai rien, j’ai personne.
La dame, elle avait qu’à mourir d’un cancer comme tout le monde.

Un train en marche

19 mai, 2008

C’est rigolo, de remplacer plusieurs médecins.
Et c’est dur, d’arrêter un train en marche.
Et puis, le plus souvent, avouez que c’est même pas la peine d’essayer.

Mine de rien, on ne fait pas ce qu’on veut, quand on remplace. Un vrai exercice de style.
On s’occupe des patients d’un autre. Provisoirement.
Si on est complètement d’accord avec la prise en charge, on s’inquiète de faire moins bien.
Si on n’est pas complètement d’accord avec la prise en charge, si on trouve que c’est un peu trop, ou un peu pas assez, ou un peu à côté de la plaque, ou du grand n’importe quoi, il faut peser soigneusement le rapport bénéfice/risque de l’ouvrage de gueule.

Est-ce que ça vaut VRAIMENT le coup de risquer de gâcher une alliance thérapeutique qui se passe bien pour éviter une prescription de magnésium ?
Est-ce que ça va servir à quelque chose d’essayer de lancer un sevrage de benzos, alors qu’on ne sera plus derrière pour assurer la suite, alors qu’on sait très bien que la prescription sera reconduite à la prochaine occasion ?
Est-ce qu’on est à ce point persuadée d’être plus maligne que l’autre, juste parce qu’on n’aurait pas fait pareil ?

Alors on calque. On soigne « comme ».
On joue au docteur.

Le lundi matin, on sait qu’on va prescrire beaucoup de Doliprane, beaucoup de patience et pas mal de citron chaud.
Le jeudi après-midi, on sait qu’on va prescrire de la carbocystéine, reconduire des oligo-éléments et des arrêts de travail, distribuer des gougouttes pour le nez et du locabiotal.

Le lundi matin, on sait qu’on va passer plein de temps à parler et à se taire.
Le jeudi après-midi, on sait qu’on va passer plein de temps à écrire.

Et en définitive, c’est assez passionnant.

Ca permet d’apprendre un peu tous ces médicaments qu’on ne connaît pas parce qu’on ne les prescrit jamais, mais auxquels on sera forcément confrontés un jour ou l’autre, parce que des patients nous en parleront. Ne serait-ce que pour être capable d’argumenter tout le mal qu’on en pense au lieu de se contenter d’un haussement d’épaule peu convaincu, et peu convaincant.

Ca permet de réfléchir deux fois plus. D’aiguiser son sens critique, de comparer ce qu’on fait tout le temps, ce qu’on ne fera jamais et ce que, bon, faut voir. Ca permet de se poser des questions. Ca permet d’énerver assez pour donner l’énergie de chercher des preuves.

Ca permet de réfléchir deux fois moins. Et de se reposer un peu. Les prescriptions faciles peuvent être très reposantes, pour peu qu’on réussisse à ne pas dépenser trop d’énergie à fulminer contre.
Renouveler du Stilnox, ça prend 3 minutes et 2 neurones, et le patient repart tout content.
Discuter de la physiologie du sommeil, convaincre, écouter, rassurer, débattre, argumenter, ré-expliquer, essayer de comprendre et de s’adapter, ça prend 35 minutes-que-à-la-fin-on-a-pas-même-pas-fini et pas loin de deux hémisphères, et le patient repart une fois sur trois en tirant la gueule.
Alors, quand on peut se permettre de flemmarder un peu, parce qu’on a décidé de ne pas lutter contre le train en marche, quand on peut se permettre de facturer 220 euros horaire du neurone, en se déculpabilisant parce qu’après tout, ce n’est que la merde de l’autre, alors, disais-je donc bien plus haut, ça repose un peu. Il y a une certaine jouissance à se laisser aller au recopiage d’ordonnance.

Ca permet de se rassurer. Quand on croit qu’on ne sait rien faire, quand on croit qu’on ne pourra jamais être à la hauteur, on se rend compte que ça, on sait le faire, et que visiblement ça ne vous traîne pas forcément en prison et ça ne vous empêche pas d’avoir une patientèle. On se dit qu’au pire, on réussira toujours à faire ça.

Ca permet de relativiser. Ca permet de se découvrir dédaigneuse et méprisante, ça permet de se souvenir qu’on est en train de juger du haut de nos deux ans d’exercice et de nos deux couettes le travail d’un type qui a 30 ans d’expérience, et une prescription qui a peut-être été réfléchie et pesée dans un contexte qu’on n’a pas pris le temps de connaître, d’un patient qu’on n’a pas pris le temps d’apprivoiser.

Ca permet de se donner l’envie et le courage d’avancer. Ca permet d’avoir envie de trouver l’énergie de monter SON cabinet, avec SES patients. D’exercer comme on pense devoir le faire, sans avoir peur de faire perdre à un autre un patient qui n’est pas à nous. De se façonner une patientèle qui nous ressemble, à qui on plaira parce qu’on donne du doliprane et du citron chaud, et qu’on verra partir sans regret pour un autre qui lui convient mieux si on ne lui convient pas.
Ca permet d’avoir envie de faire sa merde à soi, qui sent toujours un peu meilleur que celle des autres.

Epique équipe

6 janvier, 2008

Dans la plupart des services où je suis passée, j’ai été la grande chouchoute de l’équipe paramédicale.

Grâce à mes hauts faits. Très très hauts. Voyez plutôt :

– Je dis bonjour
– Je dis bonjour en souriant !
– J’essaie de contourner le sol encore mouillé qui vient juste d’être lavé au lieu de marcher dessus avec mes gros sabots genre C’est-pas-tout-ça-mais-j’ai-des-vies-à-sauver
– Je dis s’il vous plaît quand je demande un truc
– Le matin, avant le tour, dans le dossier des patients, je lis aussi les transmissions des infirmières et des aides-soignantes.

Et plus sérieusement :

– J’ai compris depuis longtemps qu’une infirmière qui a plusieurs années d’expérience dans le même service sait plus de choses que moi qui vient de débarquer, et j’écoute les conseils et les réflexions qu’on me fait.

– J’ai appris depuis longtemps que l’équipe paramédicale est une source précieuse d’informations sur le vrai état des patients. Qui disent toujours « Ca va très bien » au médecin, et « J’ai trop mal« , ou « Je suis constipée« , ou « Je ne veux pas qu’on me transfère dans cet hôpital, c’est trop loin de chez moi » aux infirmières et aux aides-soignantes.

– J’ai une sincère et profonde admiration pour leur travail, qui va très, très au delà de la bête exécution des gestes techniques qui sont prescrits.
Parce qu’elles passent chaque minute auprès des patients, de leurs douleurs, de leurs questions, de leurs plaintes, quand on peut se réfugier derrière nos dossiers et nos chiffres.
Parce qu’elles sont la chair à canon des urgences, parce qu’elles sont au front, et que ce sont elles qui reçoivent en pleine face l’agressivité des gens. Qui sont odieux avec elles et adorables avec nous, puisqu’ on est LE DOCTEUR.
Parce ce que ce sont elles que les patients engueulent quand ils attendent depuis trop longtemps dans la salle d’attente, alors que c’est nous qu’ils attendent.
Parce qu’aux urgences, elles ont la très lourde, et très médicale tâche de repérer si un patient est « grave » ou « pas grave », et de nous alerter en fonction.
Parce que ce sont elles qui attirent notre attention sur le petit qui n’a vraiment pas l’air bien, et qui, parfois, en définitive, lui sauvent la vie.
Parce qu’elles sont nos yeux, nos oreilles, notre adrénaline, et que c’est nous qu’on remercie à la fin.
Parce que pas plus tard qu’aujourd’hui, c’est grâce à l’une d’elle que j’ai pu rappeler un patient que j’avais fait partir avec une ordonnance de QUARANTE FOIS la bonne dose quotidienne de primpéran.

Bref, s’il existe un top-ten des personnes qu’on ne peut pas accuser de se la jouer « Toi et moi on n’est pas sur le même barreau de l’échelle Cocotte« , je crois bien que je mérite d’y figurer.

Et parfois, malgré tout, on se noie dans des conflits qu’on n’a pas déclenchés. Parce qu’on tombe sur quelqu’un qu’on a trop souvent pris pour un con, ou parce qu’on tombe sur un con authentique.
Parfois, tout devient sujet à polémique. C’est la compétition permanente. Ahahah, il va bien voir, l’interne, que j’en sais plus que lui et que je ne suis pas qu’une infirmière à la con.
Non mais je sais, hein, ce n’est pas la peine de t’acharner à le prouver comme ça. Ce n’est pas la peine de chercher la petite bête dans la moindre de mes prescriptions. Ce n’est pas la peine de me le dire sur ce ton triomphal. On pourrait peut-être juste discuter, simplement, de ce qu’on pense meilleur pour le patient. Sans compétition, sans concours, sans sous-entendus, sans guerre des classes inutile, inopérante et absurde. Avec des mots. En équipe.
En équipe, quoi, merde.

Tout ceci devait être le préambule à mon histoire avec le brancardier de réa.
Comme ça commence à faire long, comme préambule, je vais m’arrêter là et me garder le brancardier sous le coude.