Nouvelles, bonnes nouvelles.
17 septembre, 2008
Quelques nouvelles de la mère de ma patiente.
Celle qui avait l’outrecuidance de mourir d’autre chose que d’un bon vieux cancer bien de chez nous.
J’ai trouvé un réseau.
J’ai eu comme interlocutrice une infirmière dont la voix m’a paru pleine d’énergie, pleine de douceur, pleine de détermination. Et qui ne trouvait pas honteux d’avoir un coeur qui s’épuise.
J’ai enfin réussi à l’avoir, après beaucoup de coups de fils aoûtesques infructeux, un beau jour J.
A J+2, elle est passée voir la dame pour une première visite à domicile.
A J+4, elle avait ré-organisé les aides ménagères, parce qu’elle trouvait que bon, 15h par semaine pour faire uniquement le ménage, et laisser les courses, les carreaux et la cuisine à la fille, c’était limite.
A J+5, le médecin du réseau est passé pour évaluer le problème de douleur.
Entre J+5 et J+20, il y a dû avoir, je suppose, quelques épines en moins dans la vie de ces deux femmes.
Parce qu’à J+20, on m’a livré un bouquet de roses au cabinet, au beau milieu de ma consultation.
Bonheur :)
Vous avez demandé Jaddo, ne quittez-pas
16 septembre, 2008
En guise d’anniversaire blogal, je me relance dans une petite sélection de mes recherches google préférées à moi que j’ai. Florilège, donc.
D’abord, pour me faire plaisir, on notera deux différences majeures avec la fois dernière :
>> il y a des gens qui sont venus parce qu’ils me cherchaient. Moi. Si si. Bon, pas tout le temps avec les bons mots dans le bon ordre, mais quand on tape « jador ourse medecine blog« , c’est quand même qu’on a envie de trouver mon blog. Et je passe modestement sur le fabuleux lapsus.
>> il y a beaucoup moins de gens qui se demandent combien il reste d’ours polaires dans le monde en 2008. Bon, il y en a encore, mais moins. L’instit sadique a dû partir en congé maladie.
Ensuite, au milieu des dorénavant classiques recherches de grosses bites, ou d’infirmières nues qui font des choses avec les grosses bites, on notera les « presque classique mais pas tout à fait » :
– tu la sens ma grosse b 3 points (Ah, parce qu’il y a un barème ??)
– juste du cul (Trop de décorum sur les sites habituels ?)
– empathie cul (Ok…)
Même si on se fiche maintenant de savoir combien il en reste, les ours ont encore la part belle :
– compien vie un ours
– photo d’ours en rouge
– photo d’ours mangeant
– photo d’ours amoureux avec des coeurs (Hou c’est meugnon)
– des nouvelles des ours droles
– prénom pipe ours (Pardon ?)
– pas de trous sans ours (Le pauvre, il cherche toujours…)
Peut-être bientôt détrônés par les lézards, qui font une entrée remarquée dans le top-500 :
– lezard qui fait toc toc
– lezard malade qui est tout blanc
– tout les lézards pas chères des vrais (Mais vraiment tous, hein)
Si vous avez envie de monter un blog qui cartonne, je vous souffle une idée porteuse : le blog-Allô-Macha :
– mes collegues me desteste pourquoi (Peut-être parce que tu es le genre de type à croire que Google a la réponse ?)
– j veu devenir ami avc une fille mais elle a une mauvaise reputation (Toutes des salopes)
– il dit je t appelle et il le fait pas (Tous des salauds)
– de mots pour que mon amoure me pardonne (T’as qu’à lui envoyer des photos d’ours amoureux avec des coeurs)
Il y a ceux qu’on peut aider vraiment :
– qui est le docteur vincent (C’est lui)
– cardiologue de brousse (C’est un très apprécié lecteur-commentateur.)
– cardiodebrousse (Pareil)
– dr coq (C’est lui. Grand hommage à lui)
– badges infirmier rigolo (C’est par là)
Et enfin, mes préférés, ceux aux questions existentielles, qu’on voudrait bien pouvoir aider si seulement on comprenait ce qu’ils cherchent :
– vessie pleine des rhumes comment tomber enceinte (Houla. Là, je sais pas.)
– septicémie symbolique (C’est quand il y a UN microbe dans le sang.)
– septicémie cernes (C’est quand il y a PLEIN de microbes dans le sang. Forcément, ça fatigue)
– quel nourrisson a deja attribué une infection urinaire (Et enfin, la pyelonéphrite ira à la chambre… (roulements de tambours…) 214 !)
– ton cerveau ne doit pas remplir sa boîte cranienne (Effectivement, j’espère pas pour lui)
– mourir d’un mal de ventre règle (Non, ça se peut pas. On croit que si, des fois, mais non)
– le test de pipi dans du sel (Je veux bien savoir ce que c’est, ça a l’air rigolo)
– film serpillère qui tue (Je veux bien le voir, ça a l’air rigolo aussi)
– tout sur le pipi (Tu préfères pas Juste du sexe ?)
– le savez vous toto (Et bin maintenant on le saura.)
Et enfin, celui qui cherche le célèbre :
– schema caillot au coeur
Je crois bien que j’ai ! Mais comme je n’ai ni mon intégrale de Boby Lapointe sur moi, ni de scanner, je vous en mets une de remplacement en attendant.
Je ne peux décemment pas finir cet article sans vous conseiller très, très lourdement la lecture de celui de Thomas, maître en la matière.
A notre santé
7 septembre, 2008
Les patients qui fument, qui boivent et qui mangent n’importe quoi, ils sont bêtes.
Ils auront un cancer du poumon, une cirrhose et un infarctus.
Ils sont bêtes, et en plus ils sont méchants.
Ils se fichent bien de tous les efforts qu’on fait pour qu’ils soient en bonne santé.
Alors, une partie de notre travail, c’est de faire en sorte qu’ils ne fument pas, qu’ils ne boivent pas et qu’ils mangent des haricots verts.
Et, pour cette partie là de mon travail, je suis particulièrement nulle.
Ce n’est sans doute pas tout à fait étranger au fait que je fume, que je bois trop, que je me nourris essentiellement de pâtes, de crême fraiche et de burgers, et que le seul sport que je pratique, c’est mes 10 heures hebdomadaires de raid dans WoW.
Mais ce n’est pas que ça non plus. Je ne crois pas. Je ne sais pas.
J’ai eu un prof dont c’était le dada.
Ses yeux pétillaient à chaque fois qu’il disait les mots « prévention » ou « motivation ».
Les patients, il fallait leur faire comprendre.
Leur faire comprendre que c’est mal de manger du saucisson ; leur faire comprendre que c’est mauvais pour la santé, la bière ; leur faire comprendre que pas fumer, c’est super vachement chouette.
Leur faire comprendre.
Il était plein de bonne volonté, à nous raconter comment on fait comprendre aux gens. Et qu’il faut pas culpabiliser, et qu’il faut pas menacer, et que ouhlala les entretiens motivationnels c’est trop bien.
Il nous expliquait en long et en large qu’il ne faut surtout pas se mettre dans la position du sage détenteur du savoir qui regarde d’en haut le pauvre pêcheur en brandissant l’index et en fronçant les sourcils de l’air mécontent et déçu du bon paternaliste.
Et, à côté de ça, il disait qu’il fallait leur « faire comprendre ».
« Ah mais pourtant on y fait comprendre, hein, docteur, au petit, qu’il faut bien travailler à l’école !« …
Sic.
Je ne sais pas trop ce qu’il arrivait à faire comprendre à ses patients, mais moi, de l’écouter 10 min, ça me donnait sauvagement envie d’allumer une clope.
Ou comment expliquer qu’il ne faut pas être paternaliste tout en suant le paternalisme à grosses gouttes.
J’en ai eu un autre aussi, qui disait à ses patients qu’arrêter de fumer, c’était vraiment pas la mer à boire. Que tout ce qu’il fallait, c’était de la VO-LON-TÉ, de celles qui séparent les syllabes. Il refusait de donner des substituts, même quand le patient le demandait, parce qu’il suffisait de la vo-lon-té, et que les patchs, c’était jamais qu’une cigarette plate qu’on se colle sur le bras pour engraisser les laboratoires. (lui qui prescrivait de l’Acomplia et de l’Art 50 à tout va, sic-again…)
Parce que, ajoutait-il : « Arrêter de fumer, c’est vraiment pas compliqué quand on compare à d’autres choses. Vous vous rendez compte qu’il y a des gens qui font le tour du monde à vélo ? A-VÉ-LO ! Vous vous rendez compte de la vo-lon-té qu’il faut pour faire ça ? » (Ai-je déjà dit « Sic… » ?)
Ok, n’empêche que moi, après toutes ces heures de cours et de démonstrations de haute volée, je ne sais toujours pas comment on fait comprendre aux gens.
Quand je m’écoute prescrire un régime (« Prescrire un régime »… Une formulation presque aussi belle que « Faire comprendre »…), la part de moi qui m’observe hésite entre ricaner et me foutre une paire de baffes. Histoire de me faire comprendre…
« Hé bin ma jolie, si avec ça il se met à faire le moindre effort, ce sera vraiment parce qu’il l’aura décidé tout seul, hein… »
Je fais tout ce qu’il ne faut pas faire.
Déjà, j’explique mal, parce que la nutrition, ça me gave et je n’y connais rien. Je saurais comment y mettre de la bonne volonté que je ne saurais pas quoi dire.
J’ai bien cru comprendre qu’en théorie, y a le régime pour les diabétiques, celui pour les triglycéridiens, celui pour les mauvais cholestéroliens. En pratique, quand je lis dans mes bouquins les différents régimes, à la fin du chapitre, je me dis « Ouais, bon, moins de sucres, moins de gras, pis plus de légumes. Un régime, quoi… ».
Dans ma tête, les régimes alimentaires sont aux dyslipidémies ce que les dermocorticoïdes sont à la dermato : de toute façon, ça finit toujours pareil.
Ensuite…
Bin ensuite je ne sais pas trop.
Quand j’explique les « règles hygiéno diététiques » (voui, on appelle ça comme ça, faire la morale, en médecine. On dit Règles hygiéno diététiques. Je ne sais pas vous, mais moi, une formulation avec « règles » et « hygiénique » dedans, je trouve pas ça super sexy.), je n’arrive pas à rentrer dedans.
Je n’y crois pas.
Le type, en face, il a pas attendu 50 ans qu’une fille avec des couettes viennent lui expliquer que c’est mieux de manger des haricots verts que des pizzas, et que fumer ça donne le cancer du poumon.
A la rigueur, je veux bien lui donner des chiffres et des faits. En toute neutralité. Lui raconter que le mauvais cholestérol, ça augmente le risque d’accidents cardio-vasculaires, et que c’est lié en partie à l’alimentation, et que tels ou tels types d’aliments augmentent, ou pas, ce damné LDL.
Lui mettre en main les clés de l’équation.
A lui de savoir s’il veut essayer de la résoudre ou pas.
Peut-être que je deviendrai meilleure avec l’âge.
Peut-être que je deviendrai meilleure quand j’arrêterai de fumer.
Burodiotie
28 août, 2008
Allez, un troisième, parce que je suis vraiment fâchée.
Régulièrement, je reçois en consultation des gens pour des formalités certificatoires en vue d’un nouvel emploi. A la mairie, ou à l’hôpital, le plus souvent.
Certifier que les vaccins sont à jour et/ou les remettre à jour le cas échéant ? Je veux bien.
Certifier que M. Truc ne m’a pas l’air d’être un psychopathe qui va descendre tous ses collègues le premier jour à grands coups de tronçonneuse dans la tête ? Pourquoi pas.
Donner les dates des trois premières injections de vaccin anti-hépatite-B, bon, allez, ça ne mange pas de pain.
Donner la date du dernier rappel anti-hépatite B (*), ça commence à me faire doucement marrer. (Surtout quand c’est écrit « Bureau du personnel des hôpitaux de Ville » en en-tête.)
Prescrire une radio de thorax de dépistage, comme ça, pour le fun, ça commence à me faire sérieusement grincer des dents.
Le gars, il va faire le ménage à la mairie.
Il n’a aucune raison valable d’avoir la tuberculose, d’ailleurs il est né à l’époque où on vaccinait tout le monde, il n’est pas originaire d’un pays à risque, il n’a aucun fucking signe clinique, il n’a personne qui tousse dans son entourage, il se porte comme un charme.
Et M. Administratifdemescouilles a décidé que quand-même, on allait lui faire une radio de thorax.
Je veux dire, si ça servait à quelque chose de faire une radio de thorax comme ça sans raison apparente à un adulte jeune, on ferait des radios de thorax comme ça sans raison apparente à tous les adultes jeunes.
Mais non. Ca sert à rien.
Et si encore ça ne servait qu’à rien…
Faire un examen qui ne sert à rien, ça ne sert pas qu’à rien, c’est dangereux.
Ca irradie pour rien, pour le cas de la radio (bon, ok, ça irradie pas grand chose, mais quand c’est pour rien, c’est quand même dommage…), et ça fait courir le risque de trouver un truc à la con, qui ne veut rien dire, qui n’aurait jamais fait parler de lui si on ne l’avait pas cherché, et qui va déboucher sur des kilotonnes d’examens en plus qui ne serviront à rien (et hop, pour chacun, on re-crée le risque de tomber sur une fausse-anomalie, on boucle la boucle, et vas-y que j’exponentielle) et sur des kilotonnes d’anxiété pour un patient qui se croyait – à juste titre – en parfaite santé.
Pardonnez moi, mais ils se prennent pour qui, au juste, ces merdeux dans leurs bureaux, à m’expliquer à qui je dois faire passer quel examen ?
Est-ce que je leur demande, moi, avant de les autoriser à me déclarer médecin traitant, la photocopie de leur carnet de famille ou la taille de soutif de leur soeur ?
Je bous, j’enrage, et je prends mon ordonnancier pour prescrire la radio de thorax.
Je l’ai fait au début, prendre mon ordonnancier pour écrire :
« Je soussignée Dr Rrr, certifie que M. Boulot ne présente aucune indication à la réalisation d’une radiographie de thorax »,
mais ce faisant, c’est mon patient que je mets dans la merde.
Le connard dans son bureau, là-haut, il s’en contre-fiche que M. Radio ait besoin ou pas d’une radio. Entre deux postulants, il prendra pour le poste le premier qui présente sa radio de thorax.
Et c’est M. Radio qui jouera le rôle de la balle de tennis dans la partie que je m’apprête à engager avec le merdeux. C’est lui qui joue son poste.
Alors, la mort dans l’âme, je fais l’ordonnance.
En précisant au radiologue à grands coups de point de suspension tout le bien que je pense de l’examen que je suis en train de prescrire.
Un de ces jours, je les appelerai.
Je tomberai sur une gentille administrateuse qui n’y sera pour rien, et qui m’expliquera que c’est comme ça, que c’est la loi, et qu’elle n’y peut rien, mais que si le monsieur ne ramène pas sa radio, on ne pourra pas valider le formulaire B37, et que ça va empêcher sa postulation de nettoyeur de mairie.
Je serai sans doute encore plus énervée en raccrochant.
Mais il faut bien faire quelque chose, non… ?
(*) Ca fait plein d’années, qu’on en fait plus, des rappels. C’est trois piqûres et basta.
… et rajoutez moi 20 euros de prostate s'il vous plaît
27 août, 2008
A un moment donné de sa consultation, M. Jeune, la trentaine, parle de « check up ». (Le fameux « check up », vaste sujet s’il en est…)
Vaccins à jour, aucun antécédent particulier si ce n’est un peu de cholestérol dans la famille et quelques crises d’asthmes pour lui, qui se sont tassées d’elles-mêmes vers ses 7-8 ans.
On cause dépistage, sérologies & co : pas de soucis de ce côté-là non plus, il est en couple depuis longtemps, sans conduites à risque, tout roule.
Et puis d’ailleurs, il a fait un dépistage il y a quelques mois, hépatites et sida, parce qu’il a acheté un appartement avec son amoureuse.
Moi, du haut de ma grande naïveté, je demande quelques précisions d’un posé : « Heuuuuu… Quoi ?? »
Bin oui, il a acheté un appartement, alors il a dû faire un prêt, alors l’assurance de la banque lui a demandé de prouver qu’il avait pas le sida.
Normal.
Tout va bien.
Ah, et d’ailleurs, son prêt, il l’a payé 1,5% plus cher à cause de « son asthme ».
Voui voui voui, « son asthme« .
L’antécédent qui n’existe plus, qui a toutes les chances de ne plus jamais refaire surface et qu’il partage avec un bon 13% de ses contemporains.
Je n’ai pas demandé quels autres antécédents on avait rentré dans la calculatrice, ou pire, quels autres examens pertinents on lui avait fait passer ; j’étais suffisamment de mauvaise humeur.
Je ne me suis pas demandé ce que j’aurais conseillé, moi, s’il était venu me voir avant avec le questionnaire de l’assurance pour me demander mon avis sur les antécédents à signaler ; j’étais suffisamment de mauvaise humeur.
J’ai préféré ne pas me poser la question.
J’ai rentré ma tête bien profondément dans le sable.
La prochaine fois, peut-être, je choisirai d’en jeter quelques grains dans les rouages administratifs vicieux de l’assurance de la banque.
Et tenez-vous bien (tenez-vous mieux), j’ai mieux.
Quand j’étais externe, j’avais vu une vielle dame mal en point aux urgences.
Elle ne va vraiment pas bien. Hospitalisation, bilan, bataclan.
Son fils, la cinquantaine, qui l’accompagne, vient me voir une fois les questions médicales gérées. Il me demande de remplir le questionnaire de l’assurance, pour l’annulation de son safari en afrique, dont le départ est prévu dans quelques jours.
Ce truc, j’aurais dû le photocopier pour m’en servir de guide pour tous les dossiers à venir.
Antécédents médicaux, chirurgicaux, familiaux.
Traitement en cours.
Plaintes du patient.
Examen clinique.
Hypothèses diagnostiques, examens complémentaires prévus, diagnostic retenu.
Et, je vous jure, du haut de toute ma mémoire :
– « Les antécédents médicaux ont-ils un rapport direct ou indirect avec une consommation excessive d’alcool ou de drogues ? »
– « La pathologie actuelle a-t-elle un rapport direct ou indirect avec une consommation excessive d’alcool ou de drogues ? »
Parce que bon, on veut bien vous annuler votre voyage au Kenya si votre mère s’est pété le fémur dans un tremblement de terre ou si elle s’est noyée dans l’innondation de sa maison, mais sa rupture de varices oesophagiennes, on pourra pas dire qu’elle l’a pas méritée, cette sale alcoolique.
J’ai pris une vieille ordonnance, et j’ai écrit :
« Je soussignée Dr Rrr, certifie que l’état de santé de Mme Salealcoolique nécessite une hospitalisation en urgence et la présence de son fils M. Futuralcoolique à ses côtés« .
Ca n’allait probabement pas passer.
Mais je n’allais quand même pas remplir leur machin.
En même temps, quand on voit comme c’est dur d’obtenir des renseignements médicaux sur quelqu’un…
Il suffit d’appeler le secrétariat du Dr Spécialiste (de préférence un hospitalier) et de dire : « Bonjour, Dr Rrr à l’appareil. Je suis interne aux urgences de (la ville d’à côté) et nous venons de recevoir Mme Salealcoolique. J’ai un peu de mal à faire le point sur ses antécédents, pourriez-vous me faxer ses derniers comptes-rendus au (numéro de fax) s’il vous plaît ?« , et l’affaire est dans le sac.
Si vous n’avez pas de fax sous la main, vous pouvez demander qu’on vous les lise par téléphone, ça marche aussi.
Si j’étais agent d’assurance, moi, c’est ce que je ferais.
Et m’est avis qu’ils ne se gênent pas.
Marie-Thérèse, ne jurez pas !
24 août, 2008
Je suis loin d’en avoir fini avec mes histoires d’interrogatoire, ou avec mes histoires tout court.
Mais je suis plutôt en mood histoires légères et faciles. Alors voilà ma collection personnelle des :
– Docteur, vous êtes sûre que je suis enceinte ?? Je ne comprends pas pourtant…
> Pourtant je fais attention !
>Pourtant je prends bien ma pilule avant chaque fois que je fais l’amour !
> Pourtant mon mari prend bien la pilule tous les matins !
> Pourtant je mets bien ma pilule dans mon vagin tous les matins !
C’est vrai qu’en prescrivant la pilule pour la première fois, je donne plein d’explications, mais je n’ai jamais pensé à dire « Vous la mettez dans la bouche, hein… »
Ah bah oui mais non
24 août, 2008
Message à caractère informatif :
Quand on a mal au ventre, et qu’on n’a pas de bouillote, mettre sur son ventre un drap, et sur le drap un fer à repasser n’est pas une bonne idée.
Bilinguisme
25 juillet, 2008
Donc, quand on fait interrogatoire, il a ce que les gens disent, et il y a ce qu’on peut décemment écrire dans un dossier médical.
Entre les deux, il a le médecin et son stylo bic.
Et parfois, l’exercice de style est délicat.
Surtout quand on est externe, à l’hôpital, et que le dossier médical sera relu par d’autres.
– « J’ai eu l’appendicite » –> on écrit appendicectomie
– « J’ai eu les végétations » –> on écrit adénoïdectomie
Quand on a un tout petit peu de bouteille :
– « J’ai eu la totale » –> on écrit hystérectomie
Quand on a pas mal de bouteille :
– « Il a eu les herbes » –> on écrit adénoïdectomie
(oui, c’était ça le « mot de patient » que vous voyez parfois en haut à droite. Je suis surprise d’ailleurs que personne n’ait demandé le pot aux roses pour celui-là, moi je ne l’avais pas trouvé)
Quelle que soit sa bouteille :
– « On m’a pris un bout de péroné pour le mettre dans ma machoire » –> On fixe son calepin 15 bonnes secondes en silence, on prend sa plus belle plume, on l’essuie soigneusement au bord de l’encrier, on tire la langue et on écrit « On lui a pris un bout de péroné pour le mettre dans sa machoire« .
Sur un autre thème, un autre exercice délicat. Plus le texte est officiel, plus l’exercice est périlleux.
Moi je m’enlisais dans les formulations métaphorico-politico-correctes du genre « L’interrogatoire est difficile, un peu fluctuant et probablement peu fiable. Il n’est pas certain que les capacités cognitives du patient lui permettent d’appréhender les questions parfaitement. »
J’ai connu un médecin qui s’emmerdait moins que moi, et qui écrivait en tête du dossier « BABF ».
Comme « Bête à bouffer du foin ».
Comme c’était le dossier qui allait passer de mains en mains, et être lu par tous les professionnels du service, de la secrétaire aux 35 infirmières, c’était quand même un peu limite.
Remarquez, les jours de fatigue, quand je n’en pouvais plus de jouer la traductrice patiento-médicale, je me suis moi-même autorisé des « Motifs de consultation : MTP ».
Comme « Mal tout partout ».
Pipi
22 juillet, 2008
J’ai eu une grande leçon de médecine, un jour, alors que j’étais externe.
Qui a probablement un peu conditionné mon amour inconditionnel de l’interrogatoire.
Je ne sais plus rien du stage, plus rien du médecin, plus rien du patient.
Mais je me souviens nettement de la conversation :
– Et à part ça, tout va bien, vous n’avez rien à signaler ?
– Non non, tout va bien.
– Pas de problèmes pour uriner ?
– Non docteur, ça va très bien.
– Vous urinez normalement ?
– Oui oui, sans problème !
– Et les urines sont normales ?
– Oh bah oui…
– Et elles sont de quelle couleur ?
– Ah, bah rouge vif, rouge porto, ça dépend…
Je me souviens qu’au fur et à mesure des questions, je me disais : « Non mais ça va, il te dit que ça va bien ! Pourquoi tu le prends pour un débile alors qu’il te dit que ça va ? Tu vas pas rester trois heures là pour savoir s’il fait bien pipi, le monsieur TE DIT QUE CA VA ! ».
Je suppose que le médecin avait de bonnes raisons, que j’ai oubliées, de pousser les choses, mais j’ai appris ce jour-là qu’il faut garder en tête l’océan qui sépare parfois les représentations du médecin et celles du patient.
Quand on dit « Vous n’avez pas de problème de tension ? », les gens répondent « Non non ! Ma tension est normale ! », alors qu’ils prennent trois médicaments différents depuis 10 ans pour parvenir à ce qu’elle le soit.
Quand on demande « Vous avez déjà été opéré ? », les gens répondent « Non ». Mais quand on précise : « Appendicite, amygdales ? », ils disent « Oh, bah oui, ça, quand même, bien sûr ! ».
Quand on demande « Vous prenez des médicaments habituellement ? », les gens répondent non. Sauf la pilule et les diantalvic et le biprofenid, mais ça, ça compte pas.
Et, ça n’a rien à voir, mais je tiens à le dire : si on dit « Couchez-vous sur le dos », ils se couchent sur le ventre.
TOUS, sans exception.
Du coup, maintenant, je dis « Allongez-vous ».
Interrogatoire, mon amour…
22 juillet, 2008
Me voilà donc externe, toujours avec mes couettes et mes tâches de rousseur, mon petit calepin et ma langue sortie pendant que je note avec application tout ce que je peux noter comme antécédents.
J’ai ma jolie blouse blanche et mon stétho autour du cou, histoire d’essayer de faire un peu oublier mes couettes. Je joue la grande. Mmm oui, quel âge, quelles opérations, quels antécédents, racontez-moi un peu….
Et soudain, c’est le drame.
– Ah oui, et puis j’ai eu un iriripelle aussi !
– Heuuu… Pardon ?
– Un nhérésépel, à ma jambe gauche !
– Mmm. Pardon, mais un quoi ?
– Bin un hérésie-pelle, quoi !
– Ahaha, excusez-moi, je n’ai pas bien entendu ce que vous disiez…
– Un né-ré-si-pel !
– Heuuu… Et vous écrivez ça comment ?
Je n’ai pas trouvé le moyen de m’en sortir. Réduite à demander à la patiente de m’épeler le machin.
Adieu blouse blanche, stéthoscope, calepin, vaches et cochons.
Les couettes, le retour en force.
Aujourd’hui encore, je suis obligée de regarder A CHAQUE FOIS si on dit érésypèle ou érysipèle.
Pourtant c’est un joli mot, tout doux. On dirait « kyrielle », en presque mieux.
« Kyrielle », qui était mon mot préféré quand j’étais petite et que je faisais collection de mots (Ouais, je faisais collection de mots. Et toc. J’avais des jolis mots que j’écrivais sur des petits papiers et que je rangeais dans une jolie boîte en bois avec de la lavande.)
Dix minutes après, j’essaie de retrouver ma contenance dans le box d’à côté.
Je suis grande, je suis savante, je suis forte, je n’ai même pas de couettes.
J’explique au type qui vient de faire un presque-infarctus ce qui lui est arrivé.
Alors les artères, le sang, le coeur, toussa, et le piti caillot qui se forme dans une pitite artère et qui vient la boucher-pas-tout-à-fait-mais-presque, et le sang qui n’arrive plus à passer pour nourrir le coeur, qui essaie de pousser avec ses-petits-bras-de-sang le méchant caillot, et le coeur qu’il a bobo à cause qu’il est pas bien nourri.
Le gars, il a attendu la toute toute fin, quand j’en étais presque à mimer le méchant caillot avec les joues gonflées et les bras en arc-de-cercle autour de la tête, pour me dire : « Oui, vous savez, je suis médecin… »
Ok.
Allez tous mourir.
Je vais partir m’enterrer vivante avec mes couettes et mon calepin, dans une jolie boîte en bois avec de la lavande.